mercredi 21 décembre 2022

De la moraline


Bastien Vivès est un auteur de bandes dessinées qui, dans ses albums, représente des enfants et des adolescents obsédés par le sexe et convoités par des adultes. Je n'ai jamais ouvert l'une de ses BD. Je me fie à ce qu'en disent des personnes de haute moralité qui sont parvenues à interdire l'hommage que devait lui rendre le festival d'Angoulême et qui, aujourd'hui, portent plainte contre lui et ses éditeurs. Je tiens à saluer ici la vigilance de ces gardiens des bonnes mœurs qui m'épargnent la vision de pareilles scènes faisant l'éloge de la pédo-criminalité — lesquelles auraient pu réveiller en moi les basses pulsions du pervers polymorphe que j'étais dans l'enfance.


 

lundi 19 décembre 2022

Décevante catastrophe


En traînant aux Sables d'or, ce matin, j'ai eu l'agréable surprise de n'y croiser personne. J'avais l'impression de revivre les heures du confinement, quand mes concitoyens s'emprisonnaient chez eux pour éviter, croyaient-ils, de mourir. Là, j'ai pensé que c'était la défaite de l'équipe de France qui avait poussé les gens à un suicide de masse. Mais, hélas, vers 14 h, des badauds sont arrivés flanqués de leur marmaille bien vivante. Il y a en moi un reste d'optimisme dont je ne me débarrasserai jamais.


 

dimanche 18 décembre 2022

De l'une de mes infirmités


En traînant au-dessus de la Chambre d'amour, tout à l'heure, je songeais à ce propos entendu moult fois à la radio ces jours-ci, propos selon quoi le football «offre des moments uniques d’émotions partagées par le plus grand nombre». Je me suis souvenu aussi que pour le philosophe Jean-Claude Michéa le «mépris du football était le signe d’une véritable infirmité intellectuelle!» Eh bien, ai-je pensé, si les médias donnent raison à un doctrinaire orwellien, me voilà bon pour une thérapie comportementale. Mais je crains que mon cas soit désespéré pour tout programme de rééducation de mes affects et de mon intellect. Je suis né amputé de la glande pinéale du supportère.


 

mardi 13 décembre 2022

Annie, Jean-Paul et moi


En traînant dans mon lit, je repense à mon dernier billet sur Annie Ernaux. Elle a voulu «venger sa race» et se voit comme un «transfuge de classe». Sartre nous avait servi ce discours de la trahison de classe, mais dans un autre sens que celui d'Annie Ernaux. Elle, elle aurait trahi le prolétariat d'où elle venait pour devenir une bourgeoise, lui, il aurait trahi la bourgeoisie dont il était issu en écrivant des romans engagés à gauche et en servant le peuple avec les maoïstes. Elle, elle aurait honte de sa trahison, lui, il y voyait un devoir. Elle, toute honte bue, est allée chercher son prix Nobel. Lui, le sentiment du devoir qui restait à accomplir, l'a refusé. Et dire que des jobards gobent pareilles tartuferies! Un écrivain ne trahit aucune classe. Il se trahit quand il égare son œuvre dans ce qu'il croit être le sens de l'histoire ou quand il la justifie par des considérations politiques. Il s'abaisse alors au rang d'éditorialiste de la littérature. Maintenant, même s'il n'est pas très beau, j'aime assez le mot de transfuge. Je le revendique pour moi-même. Depuis que je vis sur la côte basque, je n'ai jamais hésité à nager ou à surfer à Biarritz, à Anglet, à Guéthary, à Bidart. Je ne suis ni fier ni honteux d'être un transfuge de plage.


 

dimanche 11 décembre 2022

Annie et moi


En traînant à la plage dite de la Petite Chambre d'amour, je songeais au discours d'Annie Ernaux prononcé devant l'académie du prix Nobel. Sa vocation d'écrivain, a-t-elle dit, fut de «venger sa race». L'expression renvoie, paraît-il, au mot de Rimbaud: «Je suis de race inférieure de toute éternité». «Mazette!», ai-je pensé quand j'ai lu cette phrase d'Annie Ernaux. Pourtant, ai-je pensé encore, dans Les années, un très bon livre, ou dans Passion simple, que je n'ai pas fini, pareil programme vengeur n'est pas frappant. Au reste, mais est-ce parce que la vue de l'océan me distrayait du sérieux de ma réflexion?, que signifie écrire pour se venger? Et se venger de quelle offense? Je me demande si Annie Ernaux ne se monte pas le bourrichon quand elle se peint en combattante. Comme nombre de femmes elle a connu des déboires douloureux et, en contrepartie, comme beaucoup d'écrivains, elle a été professeur de lettres, métier qui laisse assez de temps pour écrire. Son combat fut sa carrière. Son succès, non usurpé, sa victoire. En faisant demi-tour, je me suis demandé si j'aurais la curiosité d'ouvrir d'autres romans d'Annie Ernaux. Dans un délai assez court, j'ai répondu: non. Sans doute ne suis-je pas de la race inférieure. Je me contente d'être d'un genre douteux qu'on ne venge pas.


 

jeudi 8 décembre 2022

Faire le vide


Ce jour, j'ai reçu Les Sermons de Maître Eckhart, publié aux éditions Louise Bottu (clic). Ce mystique à la rhétorique bien troussée invitait les âmes au détachement, voire à l'anéantissement, pour qu'elles accueillent Dieu. Dieu ne peut les visiter si elles s'encombrent des objets de leurs désirs ordinaires. Il faut qu'elles fassent place nette en elles pour cet Invité de marque. Les mystiques ont toujours été considérés par l'Église comme des hérétiques. Elle a persécuté ces amoureux de l'absolu qui n'ont que mépris pour les rouages d'une institution qui exige qu'on atteigne Dieu en gravissant les échelons qu'elle impose. Comme Thérèse d'Avila, Jean de La Croix, comme Margueritte Porette, une béguine auteur d'un ouvrage — Le miroir des âmes simples anéanties — qui lui a valu le bûcher, Eckhart pense que c'est Dieu qui nous atteint quand nous sommes prêts. Ce ne doit pas être mon cas malgré le vide que je fais en moi chaque après-midi. Dieu ne doit pas considérer la sieste comme une épreuve spirituelle.

 


 

mardi 8 novembre 2022

Nietzsche l'orphelin


En traînant à Biarritz, samedi, après ma conférence sur Nietzsche, je m'arrêtai sur un parapet dominant l'océan et relus un passage de 𝐸𝑐𝑐𝑒 ℎ𝑜𝑚𝑜 — l'autobiographie intellectuelle du penseur:

"Mon père est mort à l’âge de trente-six ans. Il était délicat, bienveillant et morbide, tel un être qui n’est prédestiné qu’à passer, — évoquant plutôt l’image d’un souvenir de la vie que la vie elle-même. Sa vie déclina à la même époque que la mienne : à trente-six ans je parvins au point inférieur de ma vitalité. Je vivais encore, mais sans être capable de voir à trois pas devant moi. À ce moment — c’était en 1879 — j’abandonnai mon professorat à Bâle, je vécus comme une ombre à Saint-Moritz et l’hiver suivant, l’hiver le plus pauvre en soleil de ma vie tout entière, à Naumbourg. J’étais alors devenu véritablement une ombre. Ce fut là mon minimum. J’écrivis 𝐿𝑒 𝑉𝑜𝑦𝑎𝑔𝑒𝑢𝑟 𝑒𝑡 𝑠𝑜𝑛 𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒, et, sans conteste, je m’entendais alors à parler d’ombres... L’hiver qui vint ensuite, mon premier hiver à Gênes, cette espèce d’adoucissement et de spiritualisation, qui est presque la conséquence d’une extrême pauvreté de sang et de muscles, donna naissance à 𝐴𝑢𝑟𝑜𝑟𝑒. La complète clarté, la disposition sereine, je dirai même l’exubérance de l’esprit que reflète cet ouvrage, s’accorde chez moi, non seulement avec un excès de souffrance. Au milieu des tortures provoquées par des maux de tête de trois jours, accompagnés de vomissements laborieux, je possédais une lucidité de dialecticien par excellence et je réfléchissais très froidement à des choses qui, si ma santé eût été meilleure, m’auraient trouvé dépourvu de raffinement et de froideur, sans l’indispensable audace du grimpeur de rochers." Schophenhauer disait que toute philosophie était une pathographie, la transcription de maux sous forme de concepts. Une sublimation. Malgré sa volonté de s'émanciper de son maître, Nietzsche, dans ces magnifiques lignes, rend un bel hommage à sa clairvoyance.


 

vendredi 4 novembre 2022

Conférence du 5 novembre à 11h — Médiathèque de Biarritz


Philologue, grand lecteur des philosophes anciens et des écrivains français, émule de Schopenhauer, ami pour un temps de Richard et de Cosima Wagner, amoureux éconduit de Lou Salomé, Friedrich Nietzsche se promena solitaire et incompris dans son époque. Le public qui connaît l'œuvre de ce penseur ne se lasse pas d’en évoquer la singularité, le public qui ne le connaît pas aura de l’intérêt à sa présentation. 

 

 

 

 






 

mercredi 2 novembre 2022

Journée d'automne


En traînant à Biarritz, mes All Stars, usées mais toujours opérationnelles, m'ont conduit en ce lieu agréable ou j'ai commandé une tartelette au citron et un thé noir. Journée bien remplie.


 

mercredi 26 octobre 2022

Du moche


En traînant au-dessus de la plage dite de la «petite Chambre d'amour», je regardais la LOVE TOWER, bricolée par Tadashi Kawamata et plantée sur la falaise. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour comprendre ce qui distingue l'art de ce qu'on appelle l'art contemporain. Le premier ravit ma sensibilité et mon imagination, le second enlaidit les lieux où je traîne.


 

lundi 24 octobre 2022

De la mondialisation


Philosophie sentimentale traduite en coréen. Avec un peu de chance, elle deviendra du chinois. 


 

vendredi 21 octobre 2022

Du chiasme


En traînant l'autre soir sur la petite corniche qui domine la Chambre d'amour, tandis que j'admirais une lumière biblique qui éclairait le sud, je repensais à la formule d'Amiel. «Un paysage est un état d'âme»... «Un état d'âme est un paysage», aurais-je suggéré au diariste qui, lui, traînait souvent au bord du lac Léman. Entre traîneurs, nous nous serions entendus sur ce chiasme.



 

jeudi 20 octobre 2022

Amertume


En traînant au-dessus de la Chambre d'amour, l'autre soir, j'avais en moi un goût amer tandis que je méditais sur le sentiment qui attache un être à un autre. Une considération de Benjamin Constant m'est revenue: «Il y a entre les autres et soi une barrière invisible. L'illusion seule de la jeunesse peut croire à la possibilité de la voir disparaître. Elle se relève toujours.» Je me demandais si j'avais été jeune...

 


 

mardi 18 octobre 2022

Aspect du masculinisme balnéaire


 En traînant, hier, du côté des Sables d’or, je ne me perdais dans aucune réflexion. Je traînais idiot comme on dit «bronzer idiot». Puis, apercevant des jolies disputer des parties de beach-volley devant le Rayon vert, je me suis assis sur un banc. C’est dans un esprit masculiniste balnéaire décomplexé que j’ai regardé une bonne heure ce charmant et bondissant spectacle fessu.   




 

lundi 17 octobre 2022

L'AMOUR toujours


Dans l’élégante revue de Frédéric Pajak, on regardera de magnifiques illustrations, on lira de très bons textes, on se délectera de mon excellent petit essai: Comment je suis devenu honnête homme ou Plaidoyer pour une belle vie


 

dimanche 16 octobre 2022

Kévin, Ryan, Jonathan, Steve et les autres


En traînant entre Biarritz et Anglet, j’ai croisé des couples avec enfants et j’ai ressenti cette forme d’inquiétude qu’on appelle l’insécurité culturelle. En entendant les parents héler leurs gamins qui jouaient loin d’eux, j’ai compris ce que d’aucuns «déclinistes» nomment la perte de l’identité française. «Kévin! ne t’éloigne pas!», «Steve, où tu vas?», «Joy! Surveille Allison!», criaient mes compatriotes. Pourquoi choisir des prénoms américains? Cela ne leur suffit pas, à ces familles, de se nourrir dans des fast foods, de se baffrer d’hamburgers, de hot-dogs, de nuggets, arrosés de ketch up en buvant du Coca-Cola? Alors, ai-je pensé, seraient-ce les «bobos», tant décriés par les déclinistes, qui défendraient le trésor de nos prénoms en baptisant leurs têtes blondes Louise, Adèle, Jeanne, Constance, Joseph, Aurélien, Gaston, Victor, etc.? Formeraient-ils, contre ce remplacement onomastique anglo-saxon, le vrai parti de la reconquête des prénoms de chez nous? Un peu las de ma déambulation, je n’ai pas poussé cette réflexion plus loin. Je me suis assis à la terrasse du Lieu, face à l’océan, et j’ai commandé un Perrier tranche.       


 

mardi 11 octobre 2022

Pascal Bruckner, le valeureux


Pascal Bruckner possède une paire de rangers qu’il ressort du placard chaque fois qu’il y a une guerre du Bien contre le Mal. Il n’a jamais hésité à les chausser dans son salon pour se battre virtuellement contre la Serbie de Milosevic, l’Irak de Sadam et, à présent, la Russie de Poutine. Il publie ces jours-ci Le Sacre des pantoufles, un essai sur la sédentarisation des Européens ayant renoncé à l’aventure de l’engagement, au combat pour les valeurs de l’Occident, ou, pire, aux joies du travail. «La pantoufle et la robe de chambre seront-elles les nouveaux emblèmes du monde d’après?», se demande avec anxiété l’intellectuel guerrier en treillis d'intérieur, stratégiquement éloigné des champs de bataille. Pour ma part, concernant mon propre renoncement au monde, mon uniforme depuis des années est la smoking jacket et les slippers en velours lisse bleu nuit.   


 

lundi 10 octobre 2022

Réponse de Ménécée à Épicure



    Étudiée au lycée, La Lettre à Ménécée d’Épicure, n’a, dit-on, jamais eu de réponse. C’est faux. Les éditions Louise Bottu (clic) en ont publié une, celle de Ménécée lui-même. Le lecteur découvre que si le disciple a bien compris la doctrine de son maître, il n’y adhère plus: Ce ne sont pas les dieux qui sont à craindre, mais les humains qui y croient. Il est faux de prétendre que la mort ne compte pas pour nous, c’est nous qui ne comptons pas pour la mort. Rien n’est aussi perturbant que de chercher la sérénité. Le hasard conduit le monde et nous n’avons aucun pouvoir sur le désordre de nos passions. 

    Brève mais argumentée, cette épître d’un voluptueux inquiet désabusera peut-être les esprits en proie à la superstition de la sagesse.          


 

dimanche 9 octobre 2022

De l'urgence d'émasculiniser la littérature


 En traînant à la Chambre d’amour, je pensais aux avancées culturelles auxquelles nous assistions grâce aux néo-féministes — elles-mêmes à l’avant-garde du mouvement de l’Éveil des consciences. Tout en restant modeste dans ma réflexion, car je sais bien qu’au fond de moi stagnent des préjugés sexistes, je me suis posé la question de savoir pourquoi notre société tolère la vente, et même l’étude, de romans tels que La Fille aux yeux d’or, Madame Bovary, Une vie, Nana, que sais-je encoreœuvres écrites par des hommes sans scrupules sur des femmes. Avant eux, Molière et ses Femmes savantes ou ses Précieuses ridicules, n’avait-il pas atteint la limite de la violence faite à ce sexe? Les femmes forment un peuple soumis à des structures patriarcales. La dignité de ces indigènes d’une nation opprimée a été bafouée par ces écrivains coupables de captation sexuelle. En effet: de quel droit ces hommes, impudemment enracinés dans leur genre, ont-ils raconté des vies de femmes? Confiant dans le progrès où nous mène le combat néo-féministe, je ne doute pas de l’émancipatrice émasculinisation de ce prétendu patrimoine littéraire. 


 

jeudi 6 octobre 2022

Contra el Pueblo


 

Mon opuscule, Contre le peuple — éditions Séguier — devrait être publié en langue espagnole en janvier 2023. Je me suis rendu compte, qu’en dehors d’une ou deux têtes plates qui s’essaient à la critique sans en avoir les moyens littéraires, ni le niveau philosophique, mon propos a été compris des happy few. Comme l’Homme, le peuple n’existe pas. Ce qui existe, c’est une population d’individus appartenant à des classes, des catégories sociales, des groupes, des troupeaux identitaires, étrangers ou hostiles les uns aux autres, et qui, de ce fait, ne peuvent constituer le peuple ou un peuple. Ce qui existe, c’est un corps électoral où se retrouvent ces factions, pour parler comme Machiavel. Quant à ce qu’on appelle les élites, elles n’ont rien d’une élite. C’est la plèbe d’en haut, pour parler comme Nietzsche. Ainsi, quand fascistes, identitaires, gauchistes, démocrates ceci ou cela, disent «le peuple», ils évoquent avec grandiloquence un fantôme politique. C’est un vent de bouche que tous ces démagogues rotent aux narines peu délicates des naïfs. ¿A propósito, como se dice «vent de bouche», en castellano?          

mercredi 5 octobre 2022

Les valeurs occidentales et moi



En traînant à la Chambre d’amour, aux abords de la plage de Marinella, je songeais aux discours débités dans les médias au sujet de l’Ukraine. Selon les péroreurs stipendiés, l’opération militaire spéciale russe menacerait nos valeurs occidentales. J’ignorais qu’icelles étaient enracinées dans le Donbass. La géographie indique plutôt que cette région, où orthodoxes et mahométans parlent russe, recèle des ressources minières et une puissante centrale nucléaire. Mais peut-être les experts en guerrologie ont-ils raison, ai-je pensé en m’asseyant sur le sable et en calant mon dos contre un rocher. Pourquoi l’Occident aussi culturellement élevé soit-il, dédaignerait un enjeu économique? J’allais pousser ma réflexion plus loin, chercher à savoir s’il y avait de beaux coins où traîner dans le Donbass si riches en valeurs occidentales, quand je me suis mis à somnoler. Mais, finalement, je ne crois pas que j’examinerai à nouveau cette question.    




 

mardi 4 octobre 2022

Discours du traîneur


En traînant aux Sables d’or, je me suis avisé de faire une revue sur les diverses occupations qu’ont mes pauvres frères humains en cette vie; et sans les déplorer, j’ai songé que je ne pouvais mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvais, c’est-à-dire à traîner tous les jours. J’en éprouve de si réelles satisfactions depuis que j’ai commencé il y a des années, que je ne crois pas qu’on en peut connaître de plus douce ni de plus innocente; et comme je fais, chaque fois que je traîne soit à Biarritz soit à la Chambre d’amour, des réflexions des plus élevées pour cela même ignorées des autres hommes, et comme le plaisir que j’en ai remplit mon esprit, je parviens à cette forme de sagesse qui est de me foutre pas mal de bien des choses. 


 

samedi 1 octobre 2022

De l'empathie


En traînant cet après-midi à Biarritz dans le but de me dégourdir les esprits animaux, je pensais à ces gens qui me reprochent de n’avoir pas d’empathie quand on évoque des victimes à la mode. Je ne doute pas des souffrances des Ukrainiens, des femmes agressées, des Chrétiens d’orient, des Français de souche — et de tant d’autres. Je n’y suis pas indifférent, mais elles ne m’obsèdent pas, de même qu’elles n’empêchent pas de vivre ceux qui se targuent d’empathie. Ce sont des tartuffes, me disais-je en admirant l’effet du soleil sur l’océan. Ils n’éprouvent pas le malheur des autres — nul ne le peut, car chacun est enfermé dans une solitude radicale. S’ils se coiffent avec bruit de cette vertu, c’est toujours à bon compte et dans le seul but de discréditer les têtes froides — suspectes de cynisme parce qu’elles raisonnent au lieu de pousser des cris d’indignation. Les empathisants forment vraiment une engeance méprisable, ai-je songé en regagnant sans me presser l’avenue du général Mac Kroskey — un militaire, au reste, inconnu à mon bataillon.       


 

mercredi 28 septembre 2022

En traînant … — 2


En traînant l’autre jour à Biarritz, dans le secteur du phare, je pensais sans penser — à quelque chose de précis, veux-je dire. Je ne m’arrêtais sur aucun thème de réflexion, sur aucune impression ressentie. Mes pas me portaient dans telle ou telle direction, sans que je la choisisse vraiment. J’obéissais à l’automatisme du hasard. Je ne peux dire que j’étais dans mes pensées, puisque je ne réfléchissais pas. Cela m’arrive rarement de connaître pareil état. Car, lorsque je traîne, mes pensées en profitent pour s’agiter. Extérieurement, je passerais pour un flâneur, mais intérieurement pour un exalté. Par chance, quand je traîne ainsi, c’est toujours dans la proximité de l’océan. Or, le spectacle de son immensité souligne l’insignifiance de mes cogitations désordonnées et évanescentes. La contemplation de l’océan est la secrète adoration que je voue à ce maître d’indifférence.   


 

lundi 26 septembre 2022

En traînant ... — 1



En traînant, hier, à la Barre, je songeais que je délaissais mon blog. Devais-je le reprendre? Depuis son ouverture, il a été visité par plus d’un million de personnes. Sous mes billets, j’avais droit à des commentaires aimables et intelligents et, bien sûr, à des mots fielleux et stupides. En longeant l’Adour, je me suis dit qu’il serait peut-être intéressant pour moi de renouer avec cette sorte de diarisme, même si je mesure la vanité de l’exercice. Tenir un blog n’a jamais répondu pour moi au désir d’adresser des messages à mes contemporains. Je ne suis pas un intellectuel — donneur de leçons, lanceur d’alertes, pétitionnaire compulsif. Je ne suis pas davantage un philosophe. Je ne fabrique pas des concepts, je bricole pour me divertir des notions à partir de mes humeurs. Peu me chaut d’être un de ces «influenceurs» qui visent un public de pauvres d’esprit. Avec mes quelques lecteurs, je ne cherche comme dirait mon cher Saint-Évremond, qu’à entretenir un «amical et honnête trafic». La fin sera-t-elle atteinte? Tant mieux. Sera-t-elle manquée? Tant mieux aussi — je rangerai sans regret cette page dans le grand tiroir de mes velléités.   


 

vendredi 24 juin 2022

L'éditorialisme d'égout




Il y a deux jours, Aziz Zemouri publie dans Le Point une information qui fera «tomber» le couple Corbière-Garrido, députés de la France Insoumise. Dans leur bel appartement parisien dont les fenêtres donnent sur la Tour Eiffel, les deux islamo-chavistes emploient une femme de ménage algérienne sans papiers. Chargée de toutes les corvées domestiques, y compris de la tâche de garder leurs filles, elle est soumise à des «cadences infernales». 

Aussitôt publié, le scoop est repris par Raphaël Enthoven, Éric Naulleau, Caroline Fourest. Les trois justiciers dégainent sur Tweeter leur culture: le ménage insoumis est pire que les Thénardiers! Voilà le vrai visage des anti-racistes: des esclavagistes! Mais, quelques heures plus tard, Zemouri, le gazetier, qui n'en est pas à son premier bidonnage (clic), est obligé de retirer sa petite calomnie, désavoué par le rédacteur en chef du Point qui présente ses excuses aux Corbière-Garrido. Car tout est faux dans le papier du délateur. Les deux Insoumis habitent Bagnolet. Ils n'ont pas de femme de ménage. Leurs filles ont entre elles dix ans d'écart, la plus petite, qui a neuf ans, va chez ses grands-parents quand elle sort de l'école. Donc, tout à coup, hélas pour les mousquetaires de la morale, plus de salauds à brocarder. Plus de saloperies littéraires à relayer sur les réseaux sociaux, plus de lynchage éthique. Cet épisode de maccarthysme d'égout m'a rappelé ce moment des Bijoux de la Castafiore, quand les Dupond et Dupont se voient obligés de reconnaître que les Romanichels sont innocents du «vol» de l'émeraude du Rossignol milanais. «Alors qu'on tenait des coupables, voilà qu'ils s'arrangent pour être innocents», disent-ils, amers, eux qui ont aussi la certitude de posséder un flair infaillible pour démasquer les méchants.




 

samedi 30 avril 2022

Le Donbass et moi


J'ignore si le Donbass — Донба́сс — est une province russe ou ukrainienne. Comme les gens du coin semblent se disputer sur ce point, cela ne m'éclaire pas davantage. Ah! Si j'étais un intellectuel! J'en aurais des avis sur la question! Je m'indignerais! Je condamnerais! On admirerait mon ardeur à défendre les valeurs démocratiques! La barbarie trouverait en moi un ennemi et elle en tremblerait! Mais je n'ai aucun courage pour écrire une tribune, une lettre ouverte, un texte de pétition. Je ne suis capable que de me mêler de mes affaires. Pourquoi ne suis-je pas un intellectuel? Pourquoi? Pourquoi?

 

lundi 4 avril 2022

De l'éditorialisme


Il y eut le siècle des Lumières. Nous sommes à l’ère des loupiotes. 


 

samedi 2 avril 2022

De la décence commune


George Orwell en Birmanie,
Officier de la police coloniale

Pour accréditer l’idée que les petites gens aspiraient spontanément à la justice, George Orwell leur prêtait une «décence commune», une sorte de moralité spontanée. Jean-Jacques Rousseau avait son sauvage bon par nature, George Orwell son «prolétaire», voire son «petit-bourgeois», altruiste en raison de sa condition sociale. Le remuement des Gilets jaunes a permis de voir la pertinence de cette notion de décence commune quand ces braves insurgés se menaçaient de mort entre eux, de même, quand, dans la période de la crise sanitaire, une majorité de Français désiraient la punition et la non-prise en charge médicale des non-vaccinés, et, de même encore, quand, aujourd’hui, pendant l’opération militaire spéciale de Poutine en Ukraine, des chalands adressent des insultes à des civils russes travaillant en France ou aux salariés des magasins Leroy Merlin. «Il est des idées d’une telle absurdité, que seuls les intellectuels peuvent y croire», disait Orwell. J’attends qu’un historien se lance dans l’écriture d’une Encyclopédie des lynchages inspirés par la décence commune.  


 

samedi 26 mars 2022

En traînant à la Chambre d'amour — II


Assis sur un des bancs du belvédère dominant les plages d’Anglet qui vont de la Chambre d’amour à la Barre, je laissais aller mes pensées. En regardant vers le phare de Biarritz, j’aperçus, posée sur la falaise, boulevard de la mer, la villa prétentieuse de l’ancien gendre de Vladimir Poutine. Par une association d’idées naturelle, le mot «oligarque» me vint à l’esprit. Je me demandais quel serait le visage de la France si sa politique intérieure et extérieure dépendait de puissants propriétaires — ou actionnaires — d’entreprises concentrant l’exploitation de l’énergie, les médias, l’agroalimentaire, la grande distribution, le crédit bancaire, etc. Heureusement, Bolloré, Bouygues, Arnault, Pinault, Niel, Pigasse, etc., n’ont rien de commun avec des oligarques occupés à faire main basse sur l’État et à en orienter la législation en fonction de leurs intérêts. Ce sont des hommes d’affaires avisés, richissimes, certes, mais soucieux de l’intérêt général. Républicains, tous montrent de l’aversion pour la corruption, le lobbying, l’intimidation. Il faut être complotiste pour s’imaginer qu’il y aurait collusion entre l’administration publique et tel ou tel groupe privé français, ou, à plus forte raison, étranger. Quand le ministère de la santé, sur le conseil du cabinet McKinsey, a décidé de mener une campagne massive de vaccination de la population, des enfants aux vieillards, personne, sauf une poignée d’antivax fascistes et antisémites, n’a douté que sa seule volonté était de sauver la vie de millions de gens et non de faire faire des bénéfices à un laboratoire américano-germanique — et d’offrir une belle rémunération au conseiller (clic). Tandis que j’exposais mon visage au soleil printanier, toujours par une association d’idées naturelle, je me disais que les États-Unis montraient aussi l’exemple d’un pays exempt du pouvoir d’oligarques. Tout lecteur du magazine Forbes sait que les capitalistes nord-américains se sont toujours éloignés de la politique, des manœuvres de déstabilisation de gouvernements sud-américains ou moyen-orientaux, pour ne se consacrer qu’à des œuvres philanthropiques. «да, да! Il n’y a qu’en Russie où sévissent des oligarques», ai-je dit en me levant de mon banc que des âmes vertueuses avaient peint aux couleurs de l’Ukraine.   


 

dimanche 20 mars 2022

En traînant à la Chambre d'amour



En traînant l’autre jour à la Chambre d’amour, je songeais à l’opération militaire spéciale qui se déroule en Ukraine. Il me revint que dans Le Choc des civilisations, Samuel Huntington prévoyait que les conflits à venir entre puissances ne seraient pas engendrés par des motifs économiques — pillages d’énergie et de matières premières —, mais seraient causés par des sursauts identitaires, culturels et religieux. L'Occident, chrétien, ou judéo-chrétien, rencontrerait l’hostilité du monde islamique, ou des pays asiatiques confucianistes, hindouistes, bouddhistes, communistes. On constate toute la solidité de cette thèse ces derniers temps. Israël soutient l’Azerbaïdjan contre l’Arménie chrétienne; les États-Unis, l’Europe, et Israël toujours, soutiennent l’Arabie saoudite et autres émirats, fiefs du salafisme, contre l’Iran; la République Populaire de Chine dispute ses frontières avec la République socialiste du Viet Nâm; la Corée du sud menace la Corée du nord d’une réunification; etc. L’exemple qui illustre le mieux la pertinence de la pensée géopolitique de Huntington est la récente invasion d’un pays russophone orthodoxe par un autre pays russophone orthodoxe. Un choc terrible entre deux civilisations que tout oppose: dans un camp, une Ukraine coiffée par une oligarchie et minée par la corruption, dans l’autre, une Russie gouvernée par une ploutocratie et gangrénée par la prévarication. En m’arrêtant devant la plage déserte des Sables d’or, je me dis qu’il n’était pas étonnant que l’Union européenne, réalisation politique de l’idée du Bien, ait choisi le camp dont elle partageait les valeurs.  

lundi 7 mars 2022

Un écrit court et bon est deux fois bon


«Si j’étais un législateur tout-puissant, je me contenterais d’édicter cette loi très simple: “La publication des livres ayant plus de cent pages est interdite.”». Il serait déraisonnable de ne pas approuver Henri Roorda. À cette loi, j’ajouterais un assortiment de peines en cas de contraventions — de lourdes amendes que devraient se partager auteurs et éditeurs. Seuls les dictionnaires garderaient toute liberté de dépasser mille pages, et encore, à condition de ne pas servir de poubelles aux mots qui traînent partout dans le journalisme, les entreprises, les vestiaires. 


In LASSITUDES — Éditions Louise Bottu (clic)




 

lundi 31 janvier 2022



Quand des têtes plates veulent réduire à quia les têtes bien faites, elles les traitent de complotistes ou de conspirationnistes. Ces têtes plates sont tellement plates que l'idée de la nécessité de comploter, ou de conspirer, contre des concurrents, des adversaires, des ennemis, quand on détient et exerce le pouvoir, leur semble irrationnelle. Pour les têtes plates, le désir de domination exprime une forme de civilité. Personnellement, quand je rappelle que des intérêts privés trouvent des accords opaques avec des institutions publiques, que celles-ci servent celles-là, je ne parle ni de complot ni de conspiration, mais de combinazioni. C'est par ce terme chantant que les Italiens, gouvernés par la mafia depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, désignent des arrangements lucratifs, des combines, passés entre l'État et des entreprises industrielles ou des sociétés financières puissantes. Il va de soi que j'évite de parler avec les têtes plates. Mais quand cela arrive et que l'une d'elles m'accuse d'être complotiste ou conspirationniste, je proteste avec la plus vive énergie: «Pardon, Ducon, je suis combinazioniste!»


 

lundi 24 janvier 2022

Dans leur gueule




"Mais c’est, d’une manière générale, toute la gauche qui donne, depuis deux ans, le meilleur d’elle-même. Elle sera tombée dans tous les panneaux tendus. Elle aura relayé tous les mêmes produits par les agences de communication gouvernementales et n’aura rechigné à aucun chantage affectif, à aucun paralogisme, à aucun mutisme complice. Elle se sera révélée pour ce qu’elle est : irrationnelle à force de rationalisme, obscurantiste à force de scientisme, insensible à force de sensiblerie, morbide par hygiénisme, haineuse par philanthropie, contre-révolutionnaire par progressisme, stupide pour s’être crue cultivée et maléfique à force de vouloir appartenir au camp du Bien. Durant ces deux dernières années, dans tous les pays du monde à part peut-être la Grèce, la gauche, socialiste comme anarchiste, modérée comme ultra, écologiste comme stalinienne, se sera systématiquement portée à l’appui du coup du monde technocratique. Aucun confinement, aucun couvre-feu, aucune vaccination, aucune censure, aucune restriction, n’aura semblé assez extrême pour la révulser. Elle fut la voix de la peur tant que la peur régna. Au point de laisser la liberté, la démocratie, l’alternative, la révolution et même l’insurrection désormais tomber dans l’escarcelle conceptuelle de l’extrême droite. Il faut dire qu’elle a toujours incarné le parti de la biopolitique. Pour finir, les marxistes branchés de la revue Jacobin auront halluciné, depuis New York, l’annonce du socialisme qui vient dans le port du masque, tandis que d’autres allaient jusqu’à théoriser le «communisme vaccinal». De passionnantes discussions s’annoncent, dans les poubelles de l’histoire."

In Manifeste conspirationniste - Seuil


 

jeudi 20 janvier 2022

R. J.


Quand, dans une journée, il nous arrive d’avoir un moment inexpliqué de tristesse, c’est parce que l’un de nos morts nous rend visite incognito.


 

mercredi 19 janvier 2022

Ma résolution pour 2022


clic sur la photographie 

Je ferai un pas de plus vers le bonheur avec Boris Cyrulnik. Je profite de la promo.    


 

samedi 15 janvier 2022

Le consentement aux Diafoirus et aux Purgon



La pandémie aura montré à quel point une population, sous prétexte de prévention sanitaire, consent à toutes les humiliations: confinements, couvre-feux, laissez-passer, masques, obligation vaccinale, etc. Elle aura été aussi l’occasion pour les médecins de Molière de faire leur retour sur la scène. Des millions de malades imaginaires se seront rués vers les centres de saignées et autres clystèrodromes.  

In Lassitudes 

Éditions Louise Bottu