mardi 26 septembre 2023

Le traîneur et son ombre

 


En traînant dans mon quartier, hier après-midi, je suis passé devant le mur blanc qui entoure une propriété. Mon ombre s'y projetait. J'ai pensé à Platon, à sa parabole de la caverne du livre VII de La République et, aussi, à Adelbert von Chamisso l'auteur de L’étrange histoire de Peter Schlemihl. Platon affirme que les prisonniers de la caverne prennent leur ombre pour leur individualité propre, Chamisso conte l'histoire d'un homme qui, par cupidité, vend son âme au Diable et, dès lors, n'a plus d'ombre. Comment n'aurais-je pas songé, également, à Baudouin Villard, le personnage de mon roman, Rétrécissement, qui voit son ombre de l'épaisseur d'un câble serpenter sur le trottoir? En arrêt devant cet étrange reflet qui me ressemblait, je me suis dit que je n'étais pas le malheureux Baudouin, que je faisais bien la différence entre mon corps et son ombre, que le Diable, pas plus que Dieu, ne s'est jamais intéressé à mon âme. J'ai ajusté mon panama sur les yeux et j'ai continué à traîner.


samedi 16 septembre 2023

Miss Bloody et moi


Au centre d'analyses d'hémoglobine, la jeune vampire remplit ma fiche avant de prélever mon humeur. Elle me demande où je suis né. À Bobodioulasso. Où? Je répète et épelle. Quel pays? Burkina Faso. L'ordinateur ne trouve aucun des deux noms. La Draculette aux yeux verts écrit dans les rubriques respectives: Inconnu. Dans le petit cabinet, je lui fais, le temps de la brève piqûre, un cours d'histoire et de géographie. Elle reste persuadée que le Burkina Faso et Bobo Dioulasso sont des lieux que j'ai inventés. Ce n'est pas l'avis des Français qui s'en font actuellement chasser, lui dis-je. Miss Bloody sourit. Elle me prend pour un mythomane. Après tout, vous avez le droit de naître nulle part, déclare-t-elle. Oui, lui ai-je rétorqué. N'importe où, dès lors que c'est hors du monde.


 

vendredi 1 septembre 2023

Sunset


En traînant hier soir à la Chambre d'amour, et en essayant de regarder le soleil en face, je songeais que les vacances se terminaient. Même si je ne suis pas concerné par le retour au bagne, j'ai éprouvé la mélancolie de l'écolier avant la rentrée des classes.


 

mercredi 30 août 2023

La servitude désirée


Je conçois fort bien que des jeunes filles mahométanes revêtent au lycée ce seyant effet nommé «abaya». Si cela correspond chez elles à un besoin de provoquer l'autorité et de heurter la société, sans que pareille tenue ne représente pour elles une véritable marque de foi, elles réussissent leur coup. Les petites-bourgeoises des années 60 adoptaient le style hippie, celles des années 70 le style punk, celles des années 80 le style gothique, celle des années 90 le style grunge, etc. Hormis les hippies, les demoiselles de ces décennies-là se maquillaient, se tatouaient, se perçaient les parties du visage pour effrayer. Déranger et faire peur est le conformisme de l'adolescence, c'est bien connu, et le style abaya ne semble pas y échapper. Toutefois, si revêtir cet atour répond à un authentique acte de foi, alors il faut n'y voir que l'expression d'un désir de soumission — tout aussi répandu que la manie de choquer en se déguisant. Car la soumission, dans bien des cas, n'est pas tant volontaire, comme le prétendait La Boétie, que désirée. Qui dit désir d'être soumise dit jouissance à l'être et, surtout, à le paraître. Le narcissisme obéit aussi à la pulsion de l'enlaidissement et du rabaissement.


 

dimanche 27 août 2023

Philosopher à l'ombre?


En traînant à Biarritz, l'autre jour, la chaleur commençait à m'importuner. Impossible de philosopher. Je me suis alors demandé quelle était la température la plus favorable pour que mon esprit se lance dans l'élaboration de concepts. Je me suis souvenu que telle était pour Gilles Deleuze la vocation du philosophe. Avec ses "machines désirantes", ses "rhizomes", son "pli", que sais-je encore, Deleuze, en effet, sur ce point, ne nous a pas déçus. Mais philosophait-il par fortes températures? J'ai creusé ma mémoire pour me rappeler en quelle condition atmosphérique j'avais forgé jadis les concepts de "chichi", de "blabla", de "gnangnan". En vain. J'ai eu toutefois souvenir que si je n'avais pu peaufiner le concept de "concon" qui visait à définir des théories sur le bonheur, la joie, la vie réussie, ce n'était pas pour des raisons météorologiques, mais par flemme. Ma flemme connaît des variations, mais elle est mon unique climat intime.


 

dimanche 13 août 2023

Acide


Le prix de la Maison Rouge de Biarritz a été attribué hier soir à Victor Dumiot pour son roman Acide (éditions Bouquins).
Parution: jeudi 17 août.






 

mercredi 9 août 2023

En traînant dans le Gers


Une escapade dans le Gers évite d'aller en Italie. Je me satisfais d'une atmosphère - comme Des Esseintes qui renonce à aller à Londres après une promenade en calèche sur un boulevard parisien par une nuit brouillardeuse. Les voyages, je les laisse aux vacanciers.




 

vendredi 4 août 2023

En traînant dans mon salon


En traînant dans mon salon, l'autre soir, je me suis laissé tenter par la diffusion de Et pour quelques dollars de plus. J'ai vu ce film des dizaines de fois. Je ne m'en lasse pas. J'y trouve le même plaisir esthétique que j'avais éprouvé tout jeune adolescent. La violence, le cynisme, les plans si soignés... Certes, le jeu de Gian Maria Volonte - El Indio - n'est pas très sobre, mais il est compensé par le flegme de Clint Eastwood - Le Manchot - et l'élégance de Lee Van Cleef - Le Colonel-. Morricone joue aussi, bien sûr, sa partition. Sergio Leone aura été pour moi un éducateur esthétique. Un maître en pessimisme, aussi. Ses héros, pas très positifs, triomphent des salauds sans chercher à améliorer le monde.


 

lundi 24 juillet 2023

Aider à vivre


En traînant l'autre soir au-dessus de la plage de la Côte des Basques, je repensais à ce que disait, lors d'une réunion du jury du prix littéraire de La Maison Rouge de Biarritz, l'un des jurés. «Les écrivains nous aident à vivre.» Je n'avais pas relevé. En m'asseyant sur le parapet face à l'océan, j'ai songé à Lucrèce, Drieu, Pavese, Montherlant, Mishima, Caraco, Gary, Debord, mon ami Jaccard... Ces écrivains se sont suicidés — heureux d'avoir aidé leurs lecteurs à vivre...


 

dimanche 23 juillet 2023

Génie en repos


En traînant hier matin du côté de la plage de la Madrague, je n'ai eu aucune révélation mystique, intellectuelle, poétique. Pas même un début de pensée pouvant donner lieu à une réflexion philosophique. Cogitomètre plat. Mon génie est en vacances. Comme ça me repose!


 

vendredi 14 juillet 2023

En traînant très tôt


En traînant très tôt ce matin à la Chambre d'amour, je me suis souvenu que c'était le 14 juillet, jour de fête pour les amateurs de défilés, de feux d'artifice, de spectacles son et lumière. Un jour sacré pour les badauds. Un jour maudit pour traîner. Après un bain merveilleux, j'ai regagné mes pénates pour célébrer à ma manière les valeurs républicaines. Je n'en dirai pas davantage.