jeudi 29 juillet 2021

Ce monde est triste, hélas! Et je lis trop de livres !



Jadis, j'avais fondé une cabane d'édition nommée DISTANCE avec mon ami Jean-Michel Martinez-Esnaola. Nous publiions nos ouvrages avec l'aide du Bookstore, de Biarritz. Ne reculant devant aucun paradoxe, nous décidâmes d'exhumer un texte de Schopenhauer, tiré des "Parerga et Paralipomena", intitulé "La Lecture et les Livres", mais, là, proposé sous le titre de "L'Art de ne pas lire". Le Patron, comme l'appelait Cioran, fâché avec la littérature de son temps, y donne un conseil: "La meilleure façon de ne pas lire le mauvais, c'est de ne lire que le bon" — c'est-à-dire les classiques. En feuilletant ce savoureux factum, j'en retiendrai aussi cette phrase dans la perspective de la rentrée littéraire qui vient: "À en croire Hérodote, Xerxès pleura à la vue de son innombrable armée, en songeant que de tous ces hommes il n’en resterait pas un seul vivant dans cent ans. Qui ne pleurerait aussi en songeant que, [de tous ces romans empilés dans les rayons des libraires], il n’en restera pas un seul vivant, même dans [six mois]?"


 

mardi 27 juillet 2021

De la République sanitaire


La perspective de devoir présenter un QR Chose à un patron de bistrot pour avoir le plaisir de boire un café en terrasse, me coupe toute envie d’aller boire un café en terrasse. Je préfère renoncer à cette agréable habitude plutôt que de prendre celle, méprisable, de montrer patte blanche à un taulier ou, pire, à la maréchaussée. 

L’instauration du passe m’apparaît comme un système de surveillance et d'intimidation policier, para-policier, patronal, consistant à violer le secret médical des gens et à les réprimer, par des amendes et des suspensions de salaire, s'ils ne se montrent pas sanitairement corrects. Les démocrates candides ont beau fustiger à haute voix ceux qui dénoncent une dictature sanitaire, ils ne peuvent nier qu’il s’agit bien de contrôler des citoyens — ils le seront aussi. La seule raison qu’ils trouvent pour justifier leur adhésion à la loi qui vient d’être votée est la défense d’un intérêt collectif: la santé. Au nom de la santé de tous, ils approuvaient hier l’enfermement, les couvre-feux, les laisser-passer. Comme ce sont des progressistes en matière de médecine, ils approuvent désormais le bannissement de la vie sociale de leurs concitoyens qui, fussent-ils vaccinés, refusent le passe-sanitaire. Je ne puis m’empêcher de voir dans ces champions de la démocratie, éclairés par la science et le gouvernement, un désir d’ôter aux «anti-passe» leurs droits civiques, alors qu’il ne me semble pas que, de leur côté, les «anti-passe» réclament la non-vaccination obligatoire pour tous, encore moins des sanctions ou des vexations pour les vaccinés. Par ailleurs, d’autres que moi l’ont déjà remarqué: si Marine le Pen était au pouvoir et qu’elle eût pris les mêmes mesures de coercition que le président Macron, ces démocrates auraient fait irruption sur les Champs Élysées au cri de:« À bas le fascisme sanitaire». 

 

Pour ma part, je ne parle pas de dictature sanitaire. Les quelques gugusses qui ont arboré l’étoile jaune où il était inscrit «anti-vaccin» sont clairement des demeurés, mais ils sont le reflet symétrique inversé de ces autres demeurés «pro-passe», largement plus nombreux, qui plastronnent sur les plateaux de télévision et traitent les «anti-passe» de criminels, de conspirationnistes, d’obscurantistes, etc.

 

Je comparerais plutôt les décisions gouvernementales et parlementaires à celles d’une forme d'inquisition politico-médicale. Il y a un dogme: le Vaccin préserve du diable Delta. Il faut non seulement y croire mais s’y convertir sous peine d’ostracisme social. Or, on ne s’y convertit qu'à la condition de se faire baptiser en tendant le mou de son deltoïde à un prêtre en blouse blanche qui y plantera une seringue. Ainsi notre société se divise-t-elle à présent en baptisés et non-baptisés, les premiers résignés à produire leur certificat de baptême en toute occasion, les seconds bientôt condamnés à agiter une crécelle aux abords des lieux fréquentés. Personnellement, je me réjouirais que la nouvelle loi suscitât non pas un mouvement de résistance — le mot est bien ronflant — mais de resquille. Les resquilleurs font preuve de cette intelligence pratique et insolente qu’on appelle l'astuce. Je compte sur eux pour tourner en ridicule les grands et petits inquisiteurs qui se piquent, si j’ose dire, de convertir leurs prochains à leurs lubies sanitaires.   


 

dimanche 18 juillet 2021

Piquante ironie de l'Histoire



On ne peut pas me reprocher mes fréquentations puisque mes amis sont centristes de gauche — sympathisants du PS et du parti néo-stalinien français (PC). En 2017, la plupart ont fait barrage au chavisme et au fascisme en votant pour Emmanuel Macron. Aussi, quand Donald Trump était au pouvoir, je les voyais inquiets. À les entendre, l’Amérique suivait une pente dangereuse, surtout quand l’homme au brushing indestructible divisait le pays, en montant les «abominable people» — dixit Hillary Clinton — contre les gens bien. Maintenant, mes chers amis, voulant faire barrage au Variant Delta, votent pour les vaccins Trump obligatoire. Je rappelle que Pfizer et Moderna ont été financièrement encouragés et trouvés sous le mandat de l’autocrate. Mes mêmes amis approuvent Emmanuel Macron quand, en président libéral, éclairé par la science et la raison, il oppose les bons français aux abominables anti-passe. Division de l’autre côté de l’Atlantique, tri civique de ce côté-ci. Si je ne doute pas de l’efficacité de tel ou tel Trumpcine, je me demande si mes amis centristes de gauche goûtent à l’ironie de l’Histoire    


 

jeudi 15 juillet 2021

On me comprendra


Il y a pire que se trouver au cœur d’un milieu naturel hostile: être entouré de gens captifs d’une pensée homogène. Plutôt les moustiques que des rhinocéros raisonnables et responsables.


 

jeudi 8 juillet 2021

Conférence du samedi 10 juillet, à 11h, donnée à la médiathèque de Biarritz


Causerie animée par Emmanuel Planes.

Présentation: 

Une idole affole le monde politique: le Peuple. De l’extrême-droite à l’extrême gauche en passant par les libéraux, tous les partis, leurs leaders, leurs idiots utiles, se coiffent de cette idole. Or quel est ce Peuple dont les porte-parole veillent à ne jamais définir les contours? Les pauvres, les classes moyennes, les provinciaux, les Français dits de souche, les diverses communautés culturelles, les martyrs de l’impôt? Loin d'être une réalité identifiable, le Peuple n’est qu’un flatus vocis, un vent de bouche, que des blablateurs propulsent à plein poumons du haut de leur podium pour ratisser large en période électorale ou pour mobiliser des suiveurs. 

Vide de contenu, la notion de peuple permet à n’importe quelle foule de s’en prétendre l’incarnation et d’aller exprimer ses frustrations, ses indignations, ses bouffées paranoïaques, sur les nouvelles agoras digitales appelées réseaux sociaux. Animée de cette belles «décence ordinaire» que lui prêtent les philosophastres convertis à George Orwell, cette racaille connectée y poursuit de sa vindicte tous les coupables de ses malheurs et frustrations, et, désormais, y dénonce la tyrannie tentaculaire des «élites». Or, là encore, ces «élites» n’ont rien d’une aristocratie, mais forment une petite plèbe de nantis dont l’ignorance hautement diplômée égale l’inculture décomplexée des mal-lotis. De même que le mot «peuple», l’expression «les élites» désigne un être social fantasmatique. Ce sont des éléments de langage dont on connaît la fonction: remplacer la précision par le simplisme et, ainsi, aggraver la servitude intellectuelle.