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samedi 2 avril 2022

De la décence commune


George Orwell en Birmanie,
Officier de la police coloniale

Pour accréditer l’idée que les petites gens aspiraient spontanément à la justice, George Orwell leur prêtait une «décence commune», une sorte de moralité spontanée. Jean-Jacques Rousseau avait son sauvage bon par nature, George Orwell son «prolétaire», voire son «petit-bourgeois», altruiste en raison de sa condition sociale. Le remuement des Gilets jaunes a permis de voir la pertinence de cette notion de décence commune quand ces braves insurgés se menaçaient de mort entre eux, de même, quand, dans la période de la crise sanitaire, une majorité de Français désiraient la punition et la non-prise en charge médicale des non-vaccinés, et, de même encore, quand, aujourd’hui, pendant l’opération militaire spéciale de Poutine en Ukraine, des chalands adressent des insultes à des civils russes travaillant en France ou aux salariés des magasins Leroy Merlin. «Il est des idées d’une telle absurdité, que seuls les intellectuels peuvent y croire», disait Orwell. J’attends qu’un historien se lance dans l’écriture d’une Encyclopédie des lynchages inspirés par la décence commune.  


 

mercredi 23 décembre 2020

Zamiatine, Koestler, Orwell


Eugène Zamiatine

Quelques lecteurs de Contre le peuple trouvent que je m’y montre sévère avec George Orwell. J’y raille en effet sa notion de décence commune et son hygiénisme esthétique — son obsession de la decency et de la sanity. Mon opus n’était pas le lieu pour rappeler que les œuvres qui l’ont rendu célèbre, La Ferme des animaux (1945) et, surtout, 1984 (1948), censées dénoncer le totalitarisme bolchévique, n’eussent peut-être pas vu le jour sans l’existence de Nous autres d’Eugène Zamiatine et de Le Zéro et l’Infini d’Arthur Koestler. Écrits respectivement vingt et dix ans plus tôt, ces deux romans déclenchèrent des tirs nourris d’insultes et de calomnies de la part des communistes européens et autres compagnons de route. Orwell, qui avait lu ces chefs-d'œuvre, s’en était inspiré, notamment pour 1984, sans jamais atteindre, selon moi, à leur lucidité, à leur férocité ni à leur qualité narrative. Zamiatine connut les geôles tsaristes et léninistes, Koestler les prisons franquistes et fut témoin direct des procès de Moscou. Forts de leurs épreuves, tous deux ne se faisaient aucune illusion sur les humains au contraire d’Orwell que l’expérience de la Guerre d’Espagne n’avait pas vacciné contre l’espoir d’un socialisme humaniste et qui s’obstina à en défendre l’idée en faisant, disait-il, «de l’écriture politique un art». Pareille devise trouva en Sartre un doctrinaire. Le roman encagé n’est pas mon genre de beauté littéraire.