Après le passage de l'ouragan, on peut comparer Mayotte à Gaza après les bombardements d'Israël. Les autorités préfectorales taisent le nombre de victimes. Officiellement, les ruines n'ensevelissent pas des milliers de morts. En période de fêtes, plus qu'en temps ordinaire, la vérité ne peut être une information. À la fin de son poème, De Rerum Natura, Lucrèce évoque la peste d'Athènes qui annonça le déclin de la puissance grecque. Le spectacle de Mayotte dévastée, qui, depuis toujours, est administrée comme une colonie, illustre la décomposition de la France.
mercredi 25 décembre 2024
Le pays en miettes
lundi 23 décembre 2024
samedi 21 décembre 2024
Merci à l'Académie du Sabotage
Très estimable Frédéric Schiffter,
Chaque année, les membres de notre discrète académie se réunissent dans un lieu tenu secret afin de récompenser un ouvrage qui conforte chez ses lecteurs une allergie à cette activité sans aucune valeur appelée «travail» et, partant, les encourage à s’y soustraire par tous les moyens, même légaux. Trop rares sont les incitations à ces formes de sabotage telles que, entre autres, l’absentéisme, la démission silencieuse, le chômage volontaire, le cheficide, le je-m’en-foutisme actif, pour que nous ne les saluions pas, d’autant que vous les donnez à lire dans une écriture claire et distincte. Le style ne doit pas sentir la sueur. Votre précis sent le frais. Puisse-t-il oxygéner le cœur des forçats du salariat.
Anne de L’Estagnas
Secrétaire éphémère
de l’Académie du Sabotage
samedi 14 décembre 2024
Note sur les réactionnaires du dimanche
Pourquoi une tête plate, semi instruite, voire diplômée, bêtement de droite, cherche-t-elle à apparaître comme «réactionnaire»? Parce que c’est plus chic. En se prétendant réactionnaire, la tête plate pense qu’elle confère à ses opinions d’épicière partisane de l’ordre une allure plus noble. Si elle vote Sarkozy, Macron, Le Pen, Zemmour, en déclarant qu’elle se coiffe de tel ou tel auteur qu’elle n’a pas la capacité de lire comme Péguy ou Bernanos, le plus souvent elle cite par ouï-dire Muray, Camus (Renaud), Millet — qui serait davantage à son niveau. Vraiment réactionnaire, la tête plate connaîtrait bien les «prophètes du passé», comme les appelait Barbey d’Aurevilly, à savoir de Maistre, Bonald, Chateaubriand, auxquels j’ajouterais Schopenhauer, Nietzsche et Baudelaire, et, pour aujourd’hui, les visionnaires Cioran, Albert Caraco, Nicolás Gómez Davilá. Ce que ne comprend pas la tête plate, toute à sa culture littéraire de seconde main, c’est que fréquenter les œuvres de pareils écrivains n’a pas pour but de se démarquer du progressisme, de la bien-pensance, du «politiquement correct», de la doxa bêtement de gauche, mais de s’adonner au plaisir de chouanner en solitaire dans sa chambre contre l’époque présente sachant qu’elle a hérité, sans exception, des ridicules des époques passées, et ce, depuis la préhistoire.
mardi 10 décembre 2024
lundi 9 décembre 2024
samedi 7 décembre 2024
Entretien donné à Actualitté
Comment décide-t-on de s'attaquer à cette grande idole de l'époque, le travail?
J’ai eu un geste de légitime défense. Le travail qui tue, qui aliène, qui vole du temps, est sacralisé par les capitalistes et les économistes. Leur pouvoir est une agression. On lira mon livre comme un manuel qui rappelle ce que signifie l’aliénation, en quoi consiste l’exploitation, pourquoi le travail est un esclavage.
Pourquoi un abécédaire?
L’abécédaire est la forme adéquate d’une exposition raisonnée des termes utilisés par les esclavagistes modernes qui, dans un français appauvri, farci d’anglais, expriment des modes de domination et d’humiliation des salariés.
L’influence marxiste est assumée. En quoi cette approche est pertinente pour parler du travail en 2024?
Marx est un philosophe et un écrivain que les ignares déclarent dépassé alors que son analyse du monde moderne est plus que jamais d’actualité. Encore faut-il le lire. Au lieu d’influence marxiste, je dirais: influence de Marx, car l’auteur du Capital lui-même récusait l’adjectif «marxiste». De plus, les mêmes ignares font de Marx le père du modèle soviétique russe ou chinois. Or la critique de l’aliénation par le travail, telle qu’elle occupe son œuvre, s’applique aussi à ces États qu’on peut désigner comme des formes de capitalisme bureaucratique. Marx dirait que l’esclavage salarié est planétaire. J’ajoute que mon Précis cite aussi les belles plumes de l’individualisme — Georges Darien, Émile Pouget, Herman Melville, Paul Lafargue (le gendre de Marx) —, et des auteurs latins allergiques au labeur — Cicéron, Pline le Jeune, Sénèque.
Finalement, c’est au salariat que vous en voulez, que vous opposez à l’artisan. Quel est le problème avec l’entreprise hiérarchique, cette «grande famille»?
L’artisan est l’homme d’un savoir-faire. Dans le monde de la marchandise et du salariat généralisé, son métier est rabaissé au rang d’emploi. Le terme d’employé est éloquent. On emploie les gens, autrement dit on les utilise. Les métiers se perdent dans la classification impersonnelle des fonctions et des «jobs». Il n’y a plus d’instituteurs ni de professeurs mais des enseignants. Il n’y a plus de médecins ni d’infirmiers, mais du personnel soignant. Etc. Quel est le problème de l’entreprise? C’est un bagne où les salariés passent leur vie à effectuer des tâches sans intérêt et où ils endurent l’autoritarisme du management.
Vous aimez également à déconstruire les mots du travail, comme «valeur». Que la sémantique nous dit-elle du travail moderne?
Je ne prise pas le verbe «déconstruire». J’utilise le terme de démystification. De la pointe de l’ironie, je dégonfle les baudruches verbales de la religion économique. Le travail est vécu comme une corvée, une défaite de la vie. Peut-on parler décemment d’une «valeur corvée» ?
La «valeur travail» a-t-elle toujours occupé une place centrale historiquement ? Ou est-ce l'apanage de la société bourgeoise ?
Jusqu’à la révolution industrielle, le travail était perçu comme une activité ignoble, c’est-à-dire, au sens strict, sans noblesse. Il était dévolu aux dominés, et, bien sûr, aux esclaves. Le capitalisme naissant puis, aujourd’hui, mondialisé, en a fait une vertu. L’individu qui ne travaille pas, celui qui rechigne à entrer dans la vie dite active — le chômeur endurci, l’éternel étudiant, le marginal, l’absentéiste, etc. —, à présent le retraité, passent pour des parasites sociaux. Paul Lafargue rappelle dans son Droit à la paresse que la Révolution française a supprimé des centaines de jours fériés. «La bourgeoisie a fermé les églises pour instaurer le culte du travail», écrit-il. Et puis, de quelle «valeur travail» parlent les patrons actuels et leurs perroquets des plateaux de télévision ? Dans leurs discours, il est plutôt question du coût du travail, toujours trop élevé. La « valeur travail » est un vent de bouche voulant dire en réalité : «Vive le boulot quand il est sous-payé !»
C’est tout un système que vous remettez en cause, du salariat aux loisirs, en passant par le RH et la PNL. Selon vous, quelle alternative à ce système serait bénéfique pour l'individu et la société dans son ensemble ?
Je rappelle que ce qu’on nomme les loisirs, au pluriel, n’ont nul rapport avec le loisir, au singulier — l’otium des latins. Les premiers sont le prolongement du travail en ce qu’ils impliquent un emploi du temps pour divers amusements — c’est-à-dire, comme l’indique l’étymologie, des agitations sans les muses. Le second est l’oisiveté où on prend le temps de se décrasser l’esprit et de s’adonner aux plaisirs de l’égoïsme, et cela, sans regarder l’horloge. Ce n'est pas innocent si les entreprises proposent à leurs salariés des loisirs stupides. N’étant pas un idéologue ni un militant, je ne vends aucune révolution. En revanche, je suggère des formes de révolte in situ contre le harcèlement, le chantage, la tyrannie des responsables, telles que l’absentéisme, la démission silencieuse (en faire le moins possible), la démission pure et simple, le sabotage, le règlement de compte avec un chef ou un DRH, ou encore le chômage volontaire.
Pouvez-vous présenter Reinhardt Höhn et son apport à l'organisation moderne du travail?
Dans son ouvrage essentiel, Libre d’obéir (Gallimard), l’historien Johann Chapoutot évoque la figure de Reinhard Höhn, le général SS chargé par Hitler de réformer le mode de commandement dans l’armée et du contrôle dans le monde du travail. Il invente pour les casernes et les usines l’«esprit de groupe», la «culture d’entreprise», l’«initiative personnelle», l’«esprit de responsabilité», etc. À la fin de la guerre, il échappe à la dénazification — comme le lieutenant SS Hanns-Martin Schleyer qui deviendra président du patronat ouest-allemand — et fondera, en 1956, la première académie de management d’où, pendant plus de vingt ans, sortiront des milliers de cadres d’entreprises européennes et américaines. Son ouvrage, Le pain quotidien du management (1978), sera la bible du patronat mondial. Toutes les techniques actuelles de mise au pas des salariés procèdent de cette doctrine totalitaire recyclée. Le nom du nazi n’est plus cité, mais les managers, les directors, les dirigeants actuels, des secteurs privé et public, en sont, consciemment ou non, les disciples. Une raison de plus pour détester cette engeance.
samedi 30 novembre 2024
PP
J'admire Pascal Praud pour deux de ses qualités: son goût pour les chemises roses et son esprit farouchement antiprogressiste. Je salue son courroux à propos de l'éducation sexuelle que les pédagogues modernistes veulent imposer à l'école. Il a eu raison de dénoncer le programme prévu qui consiste à expliquer aux tout jeunes élèves la plupart des choses du commerce vénérien, et cela, en leur inculquant le dogme de l'équivalence de toutes les orientations érotiques. Je suis d'accord avec Pascal Praud, qui n'est pas qu'un animateur mais aussi une conscience morale, pour rappeler que ce n'est pas à l'école de la République de délivrer pareil enseignement, mais, comme c'est la tradition dans notre pays aux racines chrétiennes, à l'Église catholique dont le clergé, du plus modeste au plus haut rang, demeure irremplaçable pour guider les enfants dans les travaux pratiques.
jeudi 28 novembre 2024
lundi 18 novembre 2024
samedi 16 novembre 2024
mercredi 13 novembre 2024
mardi 12 novembre 2024
lundi 11 novembre 2024
Merci, Judith Wiart !
Indispensable précis de détestation du travail: voilà un livre que l’on meurt d’envie d’acheter en X exemplaires pour le laisser traîner un peu partout: sur les sièges de bus, sur les banquettes en tissu bleu des salles des profs, sur les aires d’autoroutes, sur les bancs des parcs de la pause de midi, dans les couloirs qui mènent au bureau des DRH et au pied des usines et boîtes de la France entière.
Cela ferait beaucoup d’exemplaires certes, et qui sait si les embesognés affairés prendraient même le temps de jeter un coup d’œil sur cet indispensable abécédaire redoutable et rieur. Ils ont mieux à faire: courir se tuer à la tâche.
Je l’ai lu et relu. Et, si je ne crois plus depuis longtemps au Grand Soir, je crois de plus en plus en un art de la fugue, en une intelligence de la désertion. «Lâchez tout», suggérait notre amie Annie Le Brun à qui voulait bien l’entendre. Lâchez tout, mais gardez en main et en tête cet irrésistible, facétieux, subversif, très drôle et très malin, Indispensable précis de détestation du travail.
Mon père, que j'aimais beaucoup, est mort d'avoir cru trop longtemps à la "valeur travail". Et, si Frédéric Schiffter ne l'a pas écrit pour cela, je dédie quand même cet ouvrage à celui qui aurait peut-être vécu un peu plus longtemps s'il avait eu entre les mains l'indispensable précis.
samedi 9 novembre 2024
Merci, Michèle Furtuna !
Negotium versus otium ?
Frédéric Schiffter a choisi le lexique et la forme de l’abécédaire pour se livrer, dans un recueil bref mais dense, à une impitoyable critique du travail et par conséquent à une dénonciation de la société qui porte cette «valeur» au pinacle. La plume élégante, directe, saisit et emporte le lecteur dans un implacable inventaire.
L’approche linguistique choisie se révèle en effet magistrale ; au fil des mots, l’auteur décortique et met à nu, un à un, les ressorts de la société capitaliste. Nourrie de références culturelles majeures - la culture grecque et romaine, Montaigne, Schopenhauer, Nietzsche, Melville, Marx, et bien d’autres - la démonstration est précise et efficace.
Ainsi, par le Verbe et sa définition, se dévoile progressivement un tableau lucide du capitalisme tel qu’il est : une effroyable machine à broyer l’homme, qui, devenu esclave de ses rouages, est envoyé sans état d’âme «au chagrin» — le puits de charbon, dans l’argot des mineurs de fond.
Ce précis est, à mon sens, un ouvrage politique majeur, synthétique et direct, un outil de lecture du monde «indispensable» comme le précise son titre, et qui fera date.
vendredi 8 novembre 2024
Avis aux ergomanes et aux ergophobes !
Demain, samedi 9 novembre, à 11h, je serai dans l'auditorium de la médiathèque de Biarritz pour présenter mon dernier opus. Je répondrai aux questions de Cécile Pougnand, directrice du lieu. Une séance de dédicaces est prévue à la fin de la conversation.
mardi 5 novembre 2024
Rencontre
Au Select avec Patrick Mosconi. Nous avons parlé de G.D., de l’amitié, de Biarritz, de parachutisme, de chutes, de peinture, de surf et d’autres bagatelles primordiales. Sous le charme de cette rencontre à travers une courte unité de temps.
vendredi 1 novembre 2024
samedi 12 octobre 2024
Indispensable Précis de Détestation du Travail
Mes exemplaires d’auteur sont arrivés.
On peut «précommander» l’ouvrage chez Le Dilettante (clic). Parution le 6 novembre.
jeudi 12 septembre 2024
mardi 10 septembre 2024
dimanche 8 septembre 2024
mardi 27 août 2024
D'une valeur républicaine
En traînant, hier, devant ma bibliothèque, j'ai remis la main sur un ouvrage publié en 1980 aux fameuses éditions Champ libre, dont le titre originel est: Tuer un tyran n'est pas un meurtre. Je ne l'ai pas relu en entier. La note de l'éditeur, i.e. Guy Debord, suffit à en comprendre l'esprit et l'actualité. Aussi ai-je placé bien en vue le bref traité de sagesse politique.
"[…] On peut certes dire qu'un livre qui traite du rapport naturel du citoyen et du tyran a beaucoup perdu de son actualité avec les récents progrès de la société mondiale, du fait de la disparition presque totale du citoyen. Mais il est aussi permis de penser qu'il compense cette perte, et au-delà, du fait de la prolifération cancéreuse de la tyrannie: cette tyrannie d'aujourd'hui, si insolemment surdéveloppée qu'elle peut même assez souvent se faire reconnaître le titre de Protecteur de la liberté, si minutieusement impersonnelle, et qui s'incarne si aisément dans la personne d'une seule vedette du pouvoir; cette tyrannie qui choisit à la fois comment ses sujets devront se faire soigner et pourquoi ils seront malades, qui fixe le triste modèle de leur habitat et le degré exact de la température qui devra y régner; l’apparence et le goût qui devront plaire dans un fruit et la dose convenable de chimie qu’il lui faudra contenir; et qui enfin s’est donné la puissance de défier une vérité aussi éclatante que le soleil lui-même et le témoignage de vos pauvres yeux, en vous faisant admettre qu’il est bien midi à dix heures du matin. […]"
vendredi 23 août 2024
mercredi 21 août 2024
samedi 17 août 2024
vendredi 16 août 2024
Incipit sans suite
C'était le 15 août, une date qui ne signifiait rien pour lui, une encoche comme une autre dans le calendrier de la vie.
jeudi 15 août 2024
Incipit sans suite
On croit que chaque aurore annonce un jour neuf, alors qu'il s'agit d'un tour de plus dans le même manège.
mercredi 14 août 2024
Incipit sans suite
Il faut bien que passent les jours pour que les mauvais s’en aillent et que de meilleurs arrivent, pensais-je naïvement.
vendredi 9 août 2024
Patrice Jean
Patrice Jean est le lauréat du prix Maison Rouge (2024) de Biarritz pour son roman cruel, La Vie des spectres (clic), qui paraîtra le 22 août au Cherche-Midi éditeur. Âmes cucul et gnangnan s'abstenir. Bien-pensants, ce chef-d'œuvre parle de vous, mais il n'est pas pour vous.
jeudi 1 août 2024
Annie Le Brun
En 1977, je découvre Lâchez tout d'Annie Le Brun, publié au Sagittaire par Gérard Guégan. Jubilant pamphlet contre les néo-féministes de l'époque qui trempaient leur plume dans leur "sang menstruel" pour écrire leur détestation des hommes. Ces viragos ont aujourd'hui de dignes rejetones. Nous ne citerons aucun nom. Annie Le Brun était un esprit libre, comme disait Nietzsche. Une poétesse du courant surréaliste, mais aussi une intelligence qui excellait dans un style de moraliste classique quand elle observait son temps. Lâchez les poéteux, les philosopheux, les intellectuelleux. Lisez Annie Le Brun.
mardi 30 juillet 2024
dimanche 28 juillet 2024
Dandy girl
Dans le courant des années 1930, la jeune femme dont je deviendrai le fils au milieu de la décennie 1950, aimait revêtir les costumes de ses fiancés. Elle ne déconstruisait pas son genre. Elle s'en donnait un. Pour s'amuser. Un genre qui devint un style.
samedi 27 juillet 2024
Incipit sans suite
«Et la sororité, hein ?»… Quand elle prononça ce mot pour la première fois, il crut qu’elle lui signalait encore un problème d’humidité dans le garage.
vendredi 26 juillet 2024
Incipit sans suite
Attablé à une terrasse de café, il regarda passer un homme jeune poussant bébé et il éprouva de la tristesse à la vue de cette liberté déchue.
vendredi 5 juillet 2024
En traînant
En traînant, hier, du côté de l’hôtel Regina de Biarritz, je songeais à la nature et à l'origine des opinions politiques. Elles sont bien sûr déterminées par l’appartenance à une classe sociale, mais elles reposent surtout, comme les manies religieuses ou les engouements spirituels, sur des soubassements affectifs personnels, ai-je pensé. Une atteinte narcissique, un complexe, une rancœur, trouvent leur expression intellectualisée dans un engagement idéologique (ou dévotieux). Pareille vérité est flagrante quand j’entends des amis parler des élections, ai-je pensé — quand, invoquant des faits divers, des statistiques, une actualité journalistique dans le but de conférer une objectivité à leur discours, ils peinent à camoufler des symptômes névrotiques inscrits sans doute depuis des années dans leur psychisme. D’aucuns, par exemple, sont saisis par la phobie d’être remplacés par des métèques, ou convertis de force, ou envahis par une puissance orientale, d’autres par celle d'être spoliés par l’État, appauvris au profit des mal-lotis, privés de leur rang social confortable, angoisse de mort pour les premiers, angoisse de castration pour les seconds — les deux angoisses étant, au reste, liées. Si tu étais moins flemmard, me suis-je dit en contemplant la ville et l’océan, tu devrais t’atteler, en t’appuyant sur les cas qui t’entourent, à la rédaction d’une Psychopathia politicis. Mais hélas, la science, à cause, justement, de mon inclination maladive pour le moindre effort, sera privée de mes travaux.
lundi 1 juillet 2024
samedi 22 juin 2024
dimanche 9 juin 2024
Vive le parti de l'étranger !
Après avoir pris mes ordres auprès d’une puissance étrangère, et, en même temps, auprès d’une confrérie religieuse, je suis allé voter anti-Europe.
lundi 20 mai 2024
vendredi 10 mai 2024
En traînant
En traînant à la Chambre d'amour, ma flemme olympique à la boutonnière, je regardais les humains de tous les âges, de tous les sexes, de tous les genres. Ils profitaient de la plage, des marchands de glace, des terrasses des chiringuitos. Quand je me suis assis sur un banc, une minuscule coccinelle est venue se poser sur mon jean blanc. Les couleurs de ses ailes étaient inversées. Petites taches rouges sur fond noir. Est-il possible que ce charmant insecte soit transchromatique?, me suis-je interrogé. Le temps passait. Toute mon âme s'abîmait dans cette contemplation. Puis la bestiole s'est envolée. Je suis rentré épuisé. Je ne m'étais pas attendu à pareil exercice spirituel.
lundi 29 avril 2024
En traînant
En traînant non loin des plages d'Anglet, je me disais que cette pelouse bien entretenue, parsemée de vieux tamaris ayant encore de l'allure, ornée de quelques haies de pittosporums, pouvait donner l'image d'un aspect de l'Éden avant la Chute. Puis je vis arriver une famille se propulsant à bicyclette, parents et enfants coiffés de casques en forme de suppositoires. L'enchantement disparut. Dieu n'a toujours pas pardonné le péché originel qui, sans doute possible, devait être une faute de goût.
vendredi 26 avril 2024
En traînant
En traînant à la Chambre d'amour, dimanche dernier, je me suis souvenu de l'inquisition sanitaire instaurée par les petits messieurs d'en haut et justifiée par les morticoles des chaînes de propagande en continu ainsi que par la totalité des partis politiques. Je me suis rappelé les garde-côtes faisant la chasse aux surfeurs au large de la Grande plage de Biarritz, les couvre-feu, les permissions de sortie d'une heure dans un rayon d'un kilomètre autour de chez soi, le passeport-code qu'il fallait exhiber aux limonadiers pour boire un café à une terrasse, l'obligation de porter un masque déclaré d'abord inutile et ensuite nécessaire, la contrainte de se faire injecter un produit expérimental bricolé à la va-vite, etc. Me sont revenues en mémoire les imprécations que m'adressaient mes concitoyens, parfois mes proches, parce que je contournais toutes ces mesures coercitives — la plupart copiées sur celles qu'avait prises le Parti communiste chinois. J'ai vu alors qu'en agitant la peur de la mort, un pouvoir parvenait à dresser une population en lui faisant croire que la soumission est la vertu citoyenne cardinale. En arrivant au spot du Surf-club, je me suis mis à rire in petto en pensant à la honte que les Français éprouvent aujourd'hui à s'être fait manipuler aussi longtemps — ayant enfin compris que le virus, qui court toujours avec autant de vitalité, avait affaibli davantage leur sens de la dignité que leur santé.
mardi 23 avril 2024
Vient de paraître
Si Roland feignait d'être indifférent aux témoignages d'admiration — il ne trompait personne —, il se montrait en revanche sensible aux manifestations d'amitié. Cette revue réunit les unes et les autres. Le texte d'André Comte-Sponville est le plus juste, le plus complet, le plus touchant.
On se procurera l'ouvrage à la librairie L'Écume des pages, Bd Saint-Germain Paris 06
vendredi 19 avril 2024
Distinction
Dommage qu'il n'y ait pas eu un premier ministre comme M. Attal l'année où j'ai passé le baccalauréat. L’élève que j’étais aurait mérité cette distinction de «fauteur de troubles» — sans qu’il y eût besoin d'ajouter: «Peut mieux faire».
mardi 9 avril 2024
L'art de lire
vendredi 5 avril 2024
En traînant
En traînant à Biarritz, je me suis assis sur un banc, face à l’Océan, et j’ai ouvert Dégénérescence, de Max Nordau, l’un des fondateurs du sionisme, avec Théodore Herzl. L’ouvrage, oublié aujourd’hui, avait remporté l’adhésion des nazis qui reprirent à Nordau la notion d’«art dégénéré» et la rendirent célèbre. Quelle ne fut pas ma surprise, en arrivant à la page 83, d’y trouver mon portrait:
«[…] Les dégénérés[…]sont le public prédestiné de Schopenhauer. À l’incapacité d’agir se rattache l’amour de la rêverie creuse. Le dégénéré n’est pas capable de diriger longuement ou même un instant son attention sur un point, pas plus que de saisir nettement, d’ordonner, d’élaborer en aperceptions et jugements les impressions du monde extérieur que ses sens fonctionnant défectueusement portent à sa conscience distraite. Il lui est facile et plus commode de laisser produire à ses centres cérébraux des images demi claires, nébuleusement fluides, des embryons de pensées à peine formés, de se plonger dans la perpétuelle ébriété de phantasmes à perte de vue, sans but ni rive, et il n’a presque jamais la force d’inhiber les associations d’idées et les successions d’images capricieuses, en règle générale purement automatiques, ni d’introduire de la discipline dans le tumulte confus de ses aperceptions fuyantes. Au contraire. Il se réjouit de son imagination, qu’il oppose au prosaïsme du philistin, et se voue avec prédilection à toutes sortes d’occupations libres qui permettent à son esprit le vagabondage illimité, tandis qu’il ne peut pas se tenir dans des fonctions bourgeoises réglées qui exigent de l’attention et un égard constant pour la réalité. Il nomme cela ”une disposition à l’idéal”, s’attribue des penchants esthétiques irrésistibles, et se qualifie fièrement d’artiste.» Si je remplace «artiste» par «philosophe sans qualités», il s’agit de moi.
mercredi 3 avril 2024
dimanche 31 mars 2024
En traînant
En traînant dans mon parc sur ma Vespa, j'aime à observer les progrès du printemps sur la végétation. Je loue cette saison qui renforce les haies derrière quoi je me cache des humains, qui ressuscite le feuillage des arbres où s'abritent et jouent les oiseaux, qui redonne vie aux massifs de fleurs et d'arbustes colorés dont ma vue se régale. C'est avec fierté que je défile sur ma monture, à une allure impériale, devant mes platanes alignés en deux rangs parfaits.