samedi 31 août 2019

Conférence samedi 7 septembre à la médiathèque de Biarritz — entrée libre et gratuite


Portrait d'Arthur Schopenhauer
par 
Wilhelm Neuhäuser


Pourquoi, cher lecteur, donnerai-je samedi 7 septembre à 11h, à la médiathèque de Biarritz, une conférence sur Arthur Schopenhauer? Guy de Maupassant répond à ta question: «Qu'on proteste ou qu'on se fâche, qu'on s'indigne ou qu'on s'exalte, Schopenhauer a marqué l'humanité du sceau de son dédain et de son désenchantement. Jouisseur désabusé, il a renversé les croyances, les espoirs, les poésies, les chimères, détruit les aspirations, ravagé la confiance des âmes, tué l'amour, abattu le culte idéal de la femme, crevé les illusions des cœurs, accompli la plus gigantesque besogne de sceptique qui ait jamais été faite. Il a tout traversé de sa moquerie, et tout vidé. Et, aujourd'hui même, ceux qui l'exècrent semblent porter malgré eux, en leur esprit, des parcelles de sa pensée.» Alors, cher lecteur, à samedi?   

mercredi 21 août 2019

Biarritz, ville ouverte aux fâcheux


 J’ai écrit jadis que Biarritz était la capitale de l’ennui. Ce n’était pas une charge. Au contraire. L’ennui est ma vocation. Je vis dans le lieu idéal où je puis l’exercer. Emmanuel Macron aurait-il mal interprété mon propos? A-t-il voulu me distraire en organisant le G7 à Biarritz? A-t-il pensé que je trouverais de l’amusement à assister à la bunkérisation de la ville? Il est vrai que le déploiement des forces de l’ordre et des services de sécurité militaires, l’installation de points de contrôle à chaque croisement de rues, le vol incessant des hélicoptères de la gendarmerie, ne manquent pas d’allure. Sans doute aussi que le contre-sommet permettra aux altermondialistes en vacances de découvrir le Pays basque. D’autant qu’ils y retrouveront des CRS pour animer leurs processions. Cette multitude aux idéologies bigarrées, tellement concernée par les graves problèmes touchant la planète, force ma sympathie. Si cela ne dépendait que de moi, je lui donnerais les pleins pouvoirs pour éradiquer la pollution, le fascisme, les inégalités, les féminicides, les pesticides, l'homophobie, le racisme, pour mettre un terme à la montée des océans et à la fonte des glaces. Maintenant, me serait-il possible de m’adresser à Emmanuel Macron, je lui dirais qu’il eût pu choisir une autre ville que Biarritz pour rencontrer ses homologues. Quand bien même les chefs d’État et leurs opposants chahuteurs me semblent partager d’indéniables qualités humaines, l’honnêteté m’oblige à confesser que tous nuisent à mon éthique de la vie douillette en bord de mer, éthique qui vaut bien les politiques mercantiles des premiers et les utopies des seconds. Si, donc, avant de chercher à me désennuyer Emmanuel Macron s’était inquiété de mon réel désir, telle aurait été ma réponse: «Monsieur le Président, respectez le principe de la paix chez moi». 

mardi 20 août 2019

Ménécée répond à Épicure


Mon éditeur Jean-Michel Martinez (Éditions Louise Bottu) m’avertit qu’on parle du Voluptueux inquiet dans le numéro de Philosophie Magazine de septembre (clic). Ménécée commencerait-il à se faire entendre ?   


mardi 6 août 2019

Le roman de l'amertume


Antoine Jourdan ne respire bien que dans les atmosphères de la littérature et de l’art. Il étouffe dans l’air du temps où le style, le tragique, la beauté, passent pour des agents polluants de l’esprit citoyen. Son ami Thomas Dabrowski souffre de la même allergie et défend une théorie: «De même qu’un chien (ou un chien-chien) pour que son maître lui donne un susucre lève la papatte, le progressiste contemporain, lui, […] affiche sa révolte contre les injustices, n’a pas de mots assez durs pour combattre tous les replis frileux, tous les racismes, tous les abus, son cœur saigne, en continu, face à la marche du monde — et, hop, un susuc ![…]» Comme le progressisme est l’idéologie du monde, Thomas et Antoine ne voient plus que cela: des citoyens obsédés par l'idée de «donner la papatte et bouffer du su-suc». 
Dès lors, pour se donner de l’oxygène, tous deux animent une revue littéraire, Tour d’ivoire. Bricoler dans l’irrespirable leur permet de s’adonner aux plaisirs de la conversation, voire de la dispute, à propos du devenir incertain des romans qui «éclairent l’âme de leurs personnages», ces «exemplaires de l’humanité» qui «touchent à un point de notre individu, possiblement monstre, possiblement génial, possiblement criminel, possiblement tout». Même si Antoine et Thomas oscillent entre le scepticisme et le pessimisme, le désespoir leur donne l’énergie de consacrer des numéros de Tour d’ivoire à Jean-Baptiste Chassignet ou à Jean-Pierre Georges, poètes vivant dans la nuit de l’oubli et de l’anonymat. 
Mais publier ses goûts et ses dégoûts demande des moyens. Quand Antoine était marié à Hélène, une belle héritière, celle-ci le faisait vivre et finançait la revue. Divorcé, le voilà déclassé, employé à la médiathèque Arthur Rainbow, logé dans une HLM. Avec son traitement de professeur de philosophie, Thomas, lui, ne peut injecter de l’argent dans une entreprise vouée par nature au déficit. L’amitié des deux hommes pâtira de cette adversité. La comptabilité est l’arme avec laquelle l’époque se venge de ses détracteurs.  
Dans L’Homme surnuméraire, Patrice Jean anticipait l’avenir des classiques de la littérature dans les rayons des supermarchés du Bien. Expurgés de leur noirceur toxique, reconditionnés sous des couvertures au graphisme sympa, les œuvres d’Homère, de Shakespeare, de Céline, obéiraient à une politique culturelle visant à ne pas sacrifier le divertissement à l’enrichissement intellectuel. Dans Tour d’ivoire, l’auteur ajoute un chapitre à son tableau historique des déroutes de l’esprit humain impuissant à contrecarrer les offensives du commerce, de la morale et de la science — réunis en une triple alliance de la Bêtise. 
Tour d’ivoire est un roman inspiré par cette mélancolie acide qu’on appelle l’amertume. Une passion triste comme disent les fanatiques de l’optimisme et du progrès. Mais une muse pour les maîtres de la misanthropie et de l’humour. Pour les grands moralistes. Patrice Jean en est un. 
 Tour d’ivoire, Patrice Jean. 
Éditions rue Fromentin