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lundi 27 juillet 2020

En vacances chez moi



L’ami Carlos Pardo, en villégiature estivale, m’envoie cette photographie prise sur son itinéraire. «Bien sûr, m’écrit-il, je n'ai pas suivi la direction Philosophie indiquée sur le panneau sachant qu’elle aboutit à une impasse.» Carlos est un sage. 
Personnellement, cet été, je n’irai nulle part. J’habite dans un endroit où bien des gens feraient des bassesses pour passer des vacances. J’évite la foule dans la journée. Je ne vais à la plage que tôt le matin, vers 8h, ou en début de soirée vers 20h. Je rate le spectacle des jolies en bikini, mais je profite d’un large espace, d'une gigantesque distanciation sociale. À ces deux moments de la journée, le soleil est amical. Entre-temps, je reste chez moi, à l’abri, en compagnie de mes deux ventilateurs au souffle discret mais efficace. Je lis. Je mets la dernière main à mon factum qui paraîtra en novembre. Je dors. Pour parodier mon cher Ecclésiaste, je dirais que, pour moi, il y a un temps pour me baigner et un temps pour me chauffer sur le sable, un temps pour surfer et un temps pour lézarder sur ma terrasse, un temps pour lire et un temps pour m’assoupir, un temps pour écrire et un temps pour rêvasser face au parc, un temps pour faire un tour des plages en Vespa et un temps pour faire la sieste. J’ajoute qu’il n’y a jamais rien de nouveau dans ma vie sous le soleil de la côte basque, mais que pareille routine existentielle me procure un souverain bien qui vaut mieux que la pompeuse béatitude des philosophes. Au moins est-il accessible sans ascèse. La Schiffterina me dit que les dieux me punissent de mon pessimisme en me condamnant à une dolce vita. Je sais qu'elle est dans leur secret et qu'elle me dit la vérité. 

dimanche 22 avril 2018

Otium cum litteris —XI



Mon éditeur m’apprend que mes Journées perdues sont épuisées. Dans un pays où les citoyens ont voté pour un parti portant le nom vulgaire de En marche !, je me félicite du succès de mon éloge de l’immobilité. Après les concepts de chichi, de blabla, de gnangnan, je projetais l’idée d’en peaufiner un autre, en vue de fonder une éthique, à savoir le concept de planplan. Eh bien, ma Philosophie du planplan, je considère qu’elle se trouve pour l’essentiel dans mes Journées perdues. Il n'y aura pas un retirage du bouquin. Tant pis pour ceux qui ne se sont pas empressés de se le procurer.
L’été se faufile en plein mois d’avril. Il est des resquilleurs plus indésirables. J’en profite pour reprendre mes habitudes oblomoviennes sur la terrasse. Allongé sur mon canapé d’extérieur, je lis L’Endroit du paradis, le dernier opus de Clément Rosset (Encre marine). «Dès lors que règne la joie de vivre, il n’est aucun fait, aucune circonstance qui puissent la perturber ou la contrarier». Pardon, Clément, mais ta mort, pour tes amis, ce n’est pas la joie, comme on dit.
Sur les conseils de Guy Karl (clic), je lis aussi L’Anxiété de Lucrèce, un livre que le Dr Benjamin-Joseph Logre écrivit pendant l’Occupation alors qu’il se cachait des nazis. Pour le psychiatre, il convient de lire le De Natura rerum comme les confessions d’un mélancolique, comme «le récit d’un drame intérieur» et, aussi, comme l’effort spirituel du poète pour se délivrer de la «tyrannie de l’angoisse». Une ascèse vouée à l’échec. Car Logre donne raison à saint Jérôme: Lucrèce se suicida. Pour le fervent disciple d’Épicure, la seule ataraxie fut la mort. Sans être psychiatre ni philosophe, je me demande si elle n’est pas la seule ataraxie pour tous.