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vendredi 28 avril 2017

Supériorité de la pêche


Mes compatriotes sont sommés de voter pour un libéral qui, comme le dit l’excellente Aude Lancelin (clic), désire «pour la France un destin de ”start up nation” peuplée de benêts rêvant de devenir milliardaires», ou pour une identitaire franchouillarde «entourée, comme le dit mon non moins excellent ami Tristan, de Collard, de Ménard, et autres "…ards" ». J'ajouterais: ou pour celle qui a tué son papa, ou pour celui qui a épousé sa maman. Dans ce contexte électoral trop œdipien pour moi, je me contenterai de voter pour l’abstention.  

dimanche 17 juin 2012

Artiste du chaos


"Quand j’étais enfant, mon héros cinématographique, comme pour beaucoup de gamins, était Charlot — je ne parle pas des personnages que Chaplin jouera dans ses longs métrages et que je découvrirai plus tard au ciné-club de mon lycée et tels que: Les lumières de la ville, Les Temps Modernes, Le Dictateur, et le plus sombre d’entre eux, Monsieur Verdoux. Si je ne mesurais pas tout le fond subversif de cette forme de burlesque, j’en subissais avec jubilation les séductions. J’en percevais vaguement aussi la tonalité tragique, le fond pessimiste. Car le génie de Chaplin n’était pas seulement de susciter par le rire une vive sympathie pour le personnage d’un vagabond rebelle, espiègle, allergique aux policiers, rétif au travail, amateur de jolies filles, etc., mais de rappeler que la vie pouvait à tout moment devenir une suite de mésaventures sur fond de désolation et qu’aucune structure ne soutenait durablement le monde. «Le grand thème de la vie, c'est la lutte et la souffrance», écrivait-il dans Ma vie ; ou encore : «La beauté est une omniprésence de la mort et du charme, une tristesse souriante qu'on discerne dans la nature et en toute chose». Qu’il fût patineur, usurier, employé dans un cirque, chercheur d’or, etc., Charlot incarnait l’Irrégulier qui, par ses gaffes, ses maladresses, ses irrévérences, et sans déranger l’impeccable mise de ses frusques, replongeait le monde dans son état initial de chaos chargé de tous les périls. Ce clochard sentimental toujours fauché et, quoi qu’il arrive, tiré à quatre épingles, fut mon premier maître en dandysme et en anarchisme."


In La Beauté
Une éducation esthétique
Éditions Autrement
En librairie le 12 septembre 2012

dimanche 11 mars 2012

Nettoyage sémantique (suite)


Même si le négationnisme philosophique qui assiège mon blogue résiste à toute épreuve de lecture de Nietzsche en raison de je ne sais quelle forme de berlue appelée nietzschéisme de gauche, je produis néanmoins ci-dessous le cruel § 34 du Crépuscule des idoles.

«  Chrétien et anarchiste. Lorsque l’anarchiste, comme porte-parole des couches sociales dégénérées, réclame dans une belle indignation, le ”droit”, la ”justice”, les ”droits égaux”, il se trouve sous la pression de sa propre inculture qui l’empêche de comprendre pourquoi au fond il souffre — en quoi il est pauvre en vie… Il y a en lui un instinct de causalité qui le pousse à raisonner: il faut que ce soit la faute à quelqu’un s’il vit mal à l’aise… Cette ”belle indignation” lui fait déjà du bien par elle-même, c’est un vrai plaisir pour un pauvre type de pouvoir injurier : il y trouve une petite ivresse de puissance. Déjà la plainte, rien que le fait de se plaindre peut donner à la vie un attrait qui la rend supportable: dans toute plainte il y a une dose raffinée de vengeance, on reproche son malaise, dans certains cas même sa bassesse, comme une injustice, comme un privilège inique, à ceux qui se trouvent dans d’autres conditions. ”Puisque je suis une canaille tu dois en être une aussi”: c’est avec cette logique qu’on fait les révolutions. Les doléances ne valent jamais rien : elles proviennent toujours de la faiblesse. Que l’on attribue son malaise aux autres ou à soi-même — aux autres, le socialiste, à soi-même le chrétien — il n’y a là proprement aucune différence. Dans les deux cas quelqu’un doit être coupable et c’est là ce qu’il y a d’indigne, celui qui souffre prescrit contre sa souffrance le miel de la vengeance. Les objets de ce besoin de vengeance naissent, comme des besoins de plaisir, par des causes occasionnelles: celui qui souffre trouve partout des raisons pour rafraîchir sa haine mesquine […] Le chrétien et l’anarchiste — tous deux sont des dégénérés. — Quand le chrétien condamne, diffame et noircit le monde, il le fait par le même instinct qui pousse l’ouvrier socialiste à condamner à diffamer et à noircir la Société : Le  ”Jugement dernier” reste la plus douce consolation de la vengeance, — c’est la révolution telle que l’attend le travailleur socialiste, mais conçue dans des temps quelque peu plus éloignés... L’ ”au-delà” lui-même — à quoi servirait cet au-delà, si ce n’est à salir l’ ”en-deçà” de cette terre ?»


mercredi 16 mars 2011

Embarquement pour Cyrène

Alors que j’entendais l’autre jour que des hommes s’entretuaient sur la côte cyrénaïque, je pensai aussitôt à Aristippe qui fit autrefois le voyage de Cyrène à Athènes pour rencontrer Socrate.
Cet apatride spirituel, élégant, et dont la débauche offusquait le puritanisme des Cyniques, fut l’auteur d’une vingtaine de petits traités moraux brillants volatilisés dans le devenir. Formulés en manière de lettres ou d’adresses — Pour Laïs (une courtisane qui devint sa compagne), Pour Arété (sa fille), Aux exilés, Aux mendiants, À ceux qui me reprochent d’aimer le vin, les courtisanes et les banquets, etc. —, ces textes suggèrent qu’Aristippe concevait la philosophie comme un bavardage aimable ou polémique — ce qui ne l’empêchait pas de soutenir par ailleurs que les dieux avaient donné le langage aux hommes pour qu’ils ne se comprennent pas. 
Aristippe n’accordait pas une grande valeur à la vie ni une grande estime aux humains. On ne changera rien à la confusion de la matière et des apparences. S’attellerait-on à la tâche, on ajouterait le chaos au chaos. À quoi bon gesticuler et se fatiguer davantage ? La sagesse en appelle à l’abstention de toute action et à se limiter à quelques plaisirs. À défaut de se connaître soi-même, puisque l’âme n’existe pas, chacun peut dresser la liste subjective des biens qui réjouissent son corps, qui, très vite, n’existera plus. Comme les douleurs, et même s’ils s’avèrent plus rares et moins durables, les plaisirs ponctuent les jours et les nuits. À chacun de faire preuve du talent de n’en bouder aucun, surtout s’ils ont tous l’arrière-goût faisandé de la mort.

jeudi 10 mars 2011

Du nihilisme comme de l'un des beaux-arts (suite)



« N’importe ce que l’on encense, on est la proie de l’ombre et de la dissolution, n’importe ce que l’on adore, on n’évitera rien, les bons et les méchants n’ont qu’une seule destinée, un seul abîme accueille les saints et les monstres, l’idée du juste et de l’injuste n’a jamais été qu’un délire, auquel nous sommes attachés pour des raisons de convenance. »
Albert Caraco
Bréviaire du chaos

samedi 5 février 2011

Communiqué sur la révolution égyptienne

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Mes nombreuses admiratrices, et mes détracteurs debordistes plus nombreux encore, me pressent par courrier d'exprimer ma position sur ce qu'on appelle avec grandiloquence la révolution égyptienne.


La voici :


Ou le peuple d'Alexandrie et du Caire organisé en conseils de prolétaires réservés aux hommes — dont on peut voir sur la photographie ci-contre tout le raffinement vestimentaire et la gracieuse gestuelle — restaure le pouvoir des belles pharaonnes, ou bien il peut continuer à se faire tyranniser par un gros lard d'autocrate, ou, plus démocratiquement, se soumettre à une junte militaire, ou encore, car l'éventail de la liberté est large, se prosterner devant une bande de barbus fanatiques.



mardi 12 octobre 2010

Nada

Aux policiers qui l’arrêtèrent, Raymond Callemin, alias Raymond la Science, déclara: «Vous faites une bonne affaire ! Ma tête vaut cent mille francs, chacune des vôtres sept centimes et  demi. Oui, c’est le prix exact d’une balle de browning!». Callemin, guillotiné à l’âge de vingt-trois ans, était l’ami de Jules Bonnot, premier braqueur de la Société Générale. À l’époque, la Belle Époque, âge d’or de l’anarchie, les trèdeurs et autres gagneuses de la Phynance n’existaient pas, mais tout le monde savait déjà que la banque c’était le vol et le hold-up la juste reprise individuelle. Les beaux jours reviendront.