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jeudi 30 mai 2013

Ad usum mei — 17


Un nombreux public joyeux et réactif 
à la conférence inaugurale de la Fête de la Philo

J’apprends qu’une «fête de la philo» se déroule tout au long du mois de mai et jusqu'à la mi-juin à Paris comme en province. On nous annonce que «de nombreuses manifestations investiront l'espace public (musées, théâtres, universités, lycées, écoles, mais aussi la rue et les cafés, les restaurants, les librairies, etc.)», marquant par là «une volonté pour les organisateurs de rendre la philosophie ”populaire” et de la voir s'ouvrir à une audience la plus large possible». Le public des exclus du concept profitera de l’aubaine pour écouter des conférences présentées comme «ludiques, accessibles et existentielles» et, dans un souci de «dialogue citoyen», il sera même invité à philosopher avec «des intervenants prestigieux». Après les Restos du cœur de Coluche et la Soupe populaire d’Onfray, voici donc la Distribution gratuite de jugeote patronnée par Jacques Attali, Elisabeth Badinter et Luc Ferry. C’est une bonne nouvelle. Avant la fête nationale du tapage musical, il y aura désormais un festival des vents de bouche.

samedi 1 octobre 2011

De la cuistrerie illustrée

Encourageant les gens à se montrer «décomplexés» en n’importe quel domaine, notre époque favorise chaque fois plus l’exhibition de ridicules qui, il n’y pas si longtemps, respectaient une invisibilité de bon aloi. Parmi les ridicules en question, figure en bonne place la vulgarisation de la philosophie. Mais qui le voit ? L’idée de populariser une discipline d’accès difficile semble des plus louables. Quant aux professeurs de philosophie auteurs d’encyclopédies parascolaires illustrées de bandes dessinées, les gazetiers les saluent comme de généreux pédagogues  — ayant, comme ils disent, un grand « sens du partage ». Grâce à ses nouveaux « passeurs », la philosophie s’évade enfin des sanctuaires du lycée, de l’université, des grandes écoles, et perd sa désastreuse image de matière compliquée auprès du grand public. Ludique, rigolote et colorée, la voilà à la portée des nuls, des déshérités de la culture, des mal lotis de la dialectique.
Un énième produit de ce genre vient de paraître : La planète des sages, commis par un duo de comiques du concept — Charles Pépin pour les notices didactiques et Jul pour les dessins. Cela se présente comme un dictionnaire des grands noms des philosophies occidentale et orientale. Pour juger du niveau de l’entreprise, écoutons Pépin : « Dans le cas de Hegel, le dessin de Jul met en scène un ado qui s’en va taper sur Hegel au lieu d’aller taper sur Google… En fait, tous les philosophes qui sont venus après Hegel (l’existentialisme de Sartre, la déconstruction jusqu’à la phénoménologie) sont des gens qui n’avaient qu’une seule idée en tête, c’était de taper sur Hegel. Je trouve que le dessin met très bien en relief cet aspect et au delà de l’humour, partir du dessin m’a permis de vivre une expérience nouvelle très riche. » Gageons que dans la prochaine édition « audio » on entendra des rires enregistrés.
À propos de déconstruction, je m’en permettrais une petite au passage. La saison est au «décalage». Un spécialiste de philosophie qui fait appel à un dessinateur afin de faciliter la compréhension de Hegel est, dit-on, un « philosophe décalé ». Je dirais quant à moi un démagogue et un pédant. Démagogue car tout spécialiste de philosophie sait bien que son enseignement n’est pas impopulaire parce que difficile, mais qu’il est difficile parce qu’impopulaire tant il demande des efforts de lecture et de relecture. Pédant, car que ce soit sous forme d’albums illustrés ou autre « supports» graphiques, vulgariser des pensées complexes en prenant des mines de potache attardé, n’est encore qu’une manière de ramener sa science et une occasion d’étaler ses diplômes — comme Pépin ne manque jamais de le faire à chaque émission de promotion.    

samedi 25 juin 2011

Honneur aux rampants

 L’autre jour, (me)baguenaudant dans Biarritz mon ennui à la boutonnière, je passe devant la Maison de la Presse — qui est aussi une librairie. J’y entre afin d’inspecter, mais sans but précis, les étalages. Je tombe sur un titre: (Le)Rire de résistance. Il s’agit d’une compilation de bons mots d’une foultitude d’auteurs établie par Jean-Michel Ribes. La quatrième de couverture explique que dans ce recueil « sont salués ceux qui, comme dans le tome I du Rire de résistance, se sont opposés à toutes les hégémonies par un rire en éclats.» Rien que ça. In petto, je me bidonne. Il y a de quoi. Ribes, résistant ? À qui, à quoi ? Pas à l’avancement de carrière, en tout cas. En novembre 2001, Catherine Tasca, ministre de la culture, et Bertrand Delanoë, maire de Paris, ont nommé ce type directeur du Théâtre du Rond Point. En 2007, il a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur et, en 2010, officier des Arts et Lettres. Bref. Je feuillette le bouquin et… sapristi ! je tombe sur un de mes aphorismes extrait du Traité du cafard. Foutre ! Tonitruai-je toujours in petto. Le señorito a osé me faire ça ! En sortant de la boutique, je me suis juré que si je le croisais un jour dans Paris je lui ferais bouffer ses lunettes, ses décorations, et avaler son rire de reptation.  

samedi 4 juin 2011

L'Intelligentsia au service de la police, de l'OTAN, de la morale, du populo, etc.

«L’intellectuel est un philosophe [ou un écrivain, ou un artiste] qui se mêle de ce qui ne le regarde pas», disait Sartre (cliquez sur le titre,s.v.p.). Je dirais quant à moi : un señorito qui proclame en toute occasion, juché sur un tonneau médiatique, tout le mal qu’il pense du Mal avec l’espoir que les bigots de l’indignation lui élèveront une statue.
Or, comme le montre Flaubert avec Monsieur Homais — cf. notre rubrique Remarquable riquiqui — 4 , un raisonneur qui se mêle de ce qui ne le regarde pas ou bien aggrave le mal qu’il dénonce ou bien nuit à sa propre personne — ou les deux.


C’est ainsi que, par exemple, l’influence de Bernard-Henri Lévy exercée sur le chef de l’Etat français pour aider la «révolution» libyenne se soldera sans doute par un… statu quo — puisque le Conseil National de Transition reconnu et soutenu par l’OTAN est constitué des membres les plus sanguinaires des anciens services secrets de Kadhafi.

C’est ainsi que, dans Le Point, à propos de l’affaire DSK, Michel Onfray, notre Juste camusien, penche pour la version policière de l’information (en prenant le parti de la femme de ménage — par souci de sauver inconsciemment l’image de sa propre mère associée à celle d’une « victime » ayant vécu au service de «bourgeois » ?) et, cela, sans que les faits soient clarifiés. On se rappelle qu’à l’époque des sabotages des lignes de TGV, le libertaire reprit à son compte, dans Siné Hebdo, les accusations sans preuves de la justice contre Julien Coupat et ses amis joignant ainsi sa voix à toutes celles de leurs lyncheurs.

C’est ainsi que, ces jours-ci, Luc Ferry, en sa qualité de néo-kantien au breuchingue indestructible, n’écoutant que l’impératif catégorique qui s’impose à sa conscience, s’est tiré publiquement une balle dans le pied en voulant jouer les vertueux délateurs d’on ne sait quels méchants pédophiles.

On voit par ces exemples ce qu’est un intellectuel: une grande gueule assurée d’être du côté du Vrai, du Bien, du Juste et qui ne rate jamais une occasion de s’auto-entarter (Gloup ! Gloup !) en ramenant sa science — à rebours du penseur ou de l’écrivain qui se range à l’avis de Ludwig Wittgenstein selon quoi « ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». 

lundi 22 novembre 2010

Le Prince — relire le chapitre XVIII

Le défaut majeur de Nicolas Sarkozy dont les caisses du crédit accordé à sa personne sont vides, n’est pas tant de ne rien maîtriser de l'art de la prudence politique, que de négliger la lecture de Machiavel chez qui il aurait trouvé ce conseil avisé: «Le Prince a peu à craindre les conspirations lorsque son peuple lui est attaché; mais aussi il ne lui reste aucune ressource, si cet appui vient à lui manquer. Contenter le peuple et ne pas désespérer les grands, voilà la maxime de ceux qui savent gouverner.»

mardi 16 novembre 2010

Tape à l'œil contemporain

 


"Une œuvre d'art, aujourd'hui, c'est n'importe quel objet qui coûte cher."

Nicolas Gómez Dávila

jeudi 13 mai 2010

Michel Onfray et ses suiveurs ou du sanchopancisme intellectuel

Conférence à l'Upé de Caen

Au § 34 du Crépuscule des idoles, Nietzsche décrit et fourre dans le même sac deux modèles d’hommes du ressentiment: le chrétien et l’anarchiste.
«Quand l’anarchiste, en tant que porte-parole des couches dégénérées de la société, exige avec une belle indignation le “Droit”, la “Justice”, “l’Égalité des droits”, il agit sous la pression de son inculture qui l’empêche de comprendre pourquoi il souffre au fond, et de quoi il est pauvre — c’est-à-dire de vie. […] S’il se sent mal, il faut que quelqu’un en soit la cause… Ainsi, sa “généreuse indignation” lui fait déjà du bien. Pour tous les pauvres types c'est toujours un réel plaisir de pouvoir proférer des imprécations — cela leur donne une petite ivresse de puissance. […]. Le chrétien et l’anarchiste sont tous deux des dégénérés. Quand le chrétien condamne, dénigre, salit le monde, on retrouve le même instinct qui pousse [l’anarchiste] à condamner, dénigrer, salir la société.»
Dans ce portrait de l’anarchiste, comment ne pas trouver un air de famille avec Michel Onfray? — non tant parce que ce dernier se désigne comme tel en toute occasion, mais parce qu’il oriente son enseignement, ses livres et sa posture médiatique dans le sens de l’imprécation contre des institutions et des personnes dénoncées comme des formes et des figures de pouvoirs oppressifs — lesquelles n’ont d’autre réalité que celle des monstrueux géants de Don Quichotte. À l’entendre ou à le lire, tout se passe comme si curés, fanatiques de tout poil et, à présent, thérapeutes freudiens, se liguaient pour forcer les braves gens du populo à aller à la messe, à se convertir à leur foi, à se faire racketter l’âme à un tarif prohibitif — alors que notre société consumériste, sans transcendance, érige l’hédonisme en devoir, encourage la liberté de conscience, exhorte à un joyeux œcuménisme, propose une foultitude de méthodes d’épanouissement personnel, consacre l’esthétisation du corps, en appelle à une sexualité polymorphe et heureuse.
Onfray a-t-il conscience de donner l’assaut à des moulins à vent quand, pour reprendre les termes de Nietzsche, il «condamne» l’idéal ascétique, «dénigre» les monothéismes, «salit» la mémoire de Freud ? Si la sincérité de son donquichottisme peut laisser perplexe, le sanchopancisme de ses admirateurs ne fait aucun mystère par la banalité même de ses ressorts psychiques. Cervantes et le
Petit Robert nous renseignent sur ce sujet.
En cheminant le cul sur une mule au côté de Don Quichotte, non seulement Sancho Pança consent à être le suivant d’un illuminé, mais, surtout, un suiveur au sens donné par le
Petit Robert : «celui qui s’inspire d’autrui, sans esprit critique, qui ne fait que suivre — un mouvement intellectuel, etc.». Pourquoi cet homme ignare, mais doué de bon sens et ne souffrant pas de visions, accepte d’être le compagnon, le serviteur et le défenseur d’un délirant, et ce, en toute connaissance de cause ? Pourquoi un tel suivisme que l’on retrouve chez les onfrayistes ? L'explication est simple. Concernant Sancho : quand bien même ce paysan juge Don Quichotte foutraque, les divagations de ce dernier flattent son amour-propre. À l’écoute de son maître qui se prend pour un chevalier, Sancho, oubliant sa monture, peut lui aussi se laisser aller à l’illusion de n’être pas un homme de peine, mais un écuyer. Grâce au baratin bien tourné de l'hidalgo le voilà comme ennobli. Concernant les onfrayistes, il en va de même. Affligés de carences livresques d’où procède leur complexe d'infériorité intellectuelle par rapport à des écrivains ou des universitaires, ils puisent dans les discours ou les textes de leur professeur —fort de vingt ans de carrière dans l’enseignement catholique — matière à une revanche narcissique. Séduits par sa rhétorique qui leur fait accroire que leur inculture générale n’est pas due à leur propre incurie mais à la confiscation du savoir par l’Élite parisienne et friquée — un géant très méchant ! —, ils épousent et servent la cause de leur champion et, ainsi, enfourchant la bourrique de bataille de la Contre-Philosophie, goûtent aux frissons d’une pensée héroïque. Un «anti-manuel de philosophie» au poing et voilà les dociles étudiants changés en esprits foutrement rebelles et volcaniques. Naturellement, pas plus que Sancho Pança ne s’intéresse aux romans de chevalerie — il ne sait pas lire —, les onfrayistes ne se passionnent vraiment pour la philosophie, la littérature ou les sciences humaines. Si tel était le cas, au lieu de se contenter d’une connaissance par ouï-dire, ils étudieraient eux-mêmes, et avec soin, les auteurs et les ouvrages que l’alter-universitaire subventionné exalte ou attaque. Non, ce qu'ils attendent d'Onfray c'est qu'il ait «tout lu» pour eux, qu’il fasse le tri dans les doctrines, établisse la morale qui sera bonne pour leur existence et, surtout, qu’il désigne à leur vindicte les coupables de leur condition de mal lotis de la culture (qu’ils demeurent, bien sûr, en raison même de leur « formation » à l’Université populaire) afin qu’ils puissent s’en revancher. Comment ? Par le seul moyen à la hauteur de leur impuissance : la plainte. Rien de bien surhumain ? Certes. Mais, après tout, comme le note Nietzsche en évoquant la révolte de l’anarchiste: «Le simple fait de se plaindre suffit à donner à la vie un charme qui la rend supportable».