vendredi 24 avril 2020

Souvenir — 2


Le Dôme, juin 2016,
en compagnie de l'Infâme R.J.

Mon ami et éditeur Roland Jaccard me confia un jour que, grâce au succès commercial du Petit Traité des grandes vertus d'André Comte-Sponville qu'il publia dans la collection Perspectives critiques, il put financer la réfection de sa garçonnière parisienne. Je suis retombé sur une lettre que le philosophe m’avait écrite à l’époque sachant que je traversais une passe difficile. «On ne parle plus guère des vertus. Cela signifie-t-il que les gens n’en aient plus besoin ou qu’ils doivent y renoncer? Sans donner des leçons de morale, pourquoi ne feriez-vous pas comme moi, pourquoi n’aideriez-vous pas chacun de vos proches à devenir son propre maître et son unique juge pour qu’il soit plus humain, plus heureux, et vous, par cet enseignement, de même?»  Son mot est resté sans réponse. Qu’aurais-je pu dire, sinon que, pour ma part, chaque fois que je feuillette un livre d’éthique, ancien ou actuel, je me demande ce que j’ai bien pu faire de répréhensible à son auteur pour qu’il me souhaite, selon les mots de mon correspondant, plus vertueux ou plus humain?