Une jolie camarade de classe embrasse Lenny pendant la récréation. Ils ont cinq ans. Elle lui dit qu’elle l’aime. Le soir, Lenny demande à son père, Frédéric Beigbeder, de l’éclairer sur la nature de cet étrange sentiment, l’amour. Leur conversation a-t-elle duré 1h15? C’est en tout cas le temps du spectacle pendant lequel Frédéric Beigbeder offre au public des «lectures sentimentales». Je dis «offre» car, assis dans un fauteuil club, vêtu d’un costume gris anthracite, portant une cravate à la Jean d’O, il nous régale d’extraits de romans, de poèmes, de lettres d’écrivains, de textes de chansons aussi émouvants que lucides. Sans la moindre lassitude, nous l’écoutons citer Houellebecq, Molière, Shakespeare, Musset, Baudelaire, Albert Cohen, Bukowski, Sagan, lui-même, et d'autres. Beigbeder cause, aussi, oscillant entre cynisme et autodérision, en vrai humoriste — non comme ces comiques qui nous accablent de leurs vannes. Un moment, il invite l’auditoire à un quiz. Qui reconnaîtra ce passage d’une œuvre, l’auteur de cette tirade, de ce billet d’amour? Le gagnant a droit à un «shot» de vodka. La marque? Le Philtre. Une production familiale. Pour les lettrés, une allusion, bien sûr, à Tristan et Iseut. Cette heure et quart doit aussi son chic au talent d’Émile Fournier, jeune pianiste qui ponctue le monologue de Beigbeder en jouant et fredonnant quelques mesures de standards de crooners. En regardant ce spectacle, je songeais que Beigbeder était tout le contraire de Luchini. Pas de cabotinage, pas de cuistrerie, pas de mégalomanie. Juste la simplicité du charme d’un éternel amoureux du peuple féminin et de la littérature.
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