mercredi 12 décembre 2012

Du nihilisme comme de l'un des beaux-arts — 3



"J'attends la mort avec sérénité, c'est vraiment une belle chose et je ne conçois pas les fous qui parlent de vie éternelle. Imaginer cela me donne la nausée d'avance et l'idée seulement de faire mes besoins un milliard d'années de suite me brouille avec les religions révélées, ce qu'elles nous promettent m'en dégoûte et prouve qu'elles sont humaines, trop humaines […]Le gros des hommes se composera toujours de singes ayant une voix articulée et nous n'y pouvons rien, l'espèce étant imperfectible en gros, c'est une vérité fondamentale et qui fut oubliée au siècle des Lumières, il me paraît que nous y revenons, la queue entre les jambes et la tête basse. Le Paradis et l'Enfer sont des singeries métaphysiques, les élus sont des babouins transfigurés, les réprouvés des macaques foudroyés, Dieu, l'empereur suprême des cynocéphales et muni d'une triple verge en érection permanente […] Je suis athée et j'enveloppe les croyants dans un mépris égal, n'importe l'objet de leur foi, je n'en respecte aucune, je n'ai d'estime que pour les simulateurs dont les croyants sont les victimes et qui les mangeront au nom de l'idéal, avec ceux-là au moins l'on peut s'entendre. La bonne foi des sots n'est qu'une peste, leur bonne volonté n'est qu'un délire et maintenant qu'ils nombrent plusieurs milliards, nous n'auront bientôt que le choix de les exterminer ou de les chaponner. La Gnose seule me contente, elle me rend une raison de l'univers absurde où nous nous incommodons à plaisir et nous nous brûlons pour des visions cornues". 

Albert Caraco
Ma Confession

23 commentaires:

  1. Cher Frédéric,

    En voici un texte roboratif, chez un auteur que je ne connaissais pas.

    Ce passage « … les religions révélées, ce qu'elles nous promettent m'en dégoûte et prouve qu'elles sont humaines, trop humaines », fait songer à Xénophane, lorsqu’il écrit : « Si les bœufs, les chevaux et les lions avaient des mains et savaient dessiner, les chevaux forgeraient des dieux chevalins, et les bœufs donneraient aux dieux forme bovine : chacun dessinerait pour son dieu l'apparence imitant la démarche et le corps de chacun ».

    La dernière phrase, cependant, me paraît obscure, ne voyant pas ce que vient faire ici la Gnose (entendue comme hérésie chrétienne ou connaissance ésotérique) :
    « La Gnose seule me contente, elle me rend une raison de l'univers absurde où nous nous incommodons à plaisir et nous nous brûlons pour des visions cornues ».

    Amicalement
    Axel

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    1. Cher Axel,

      Caraco, Cioran et moi-même, nous appartenons à une obédience gnostique appelée gnosticisme vulgaire , et qui se caractérise par la foi inébranlable en un Dieu auteur de ce monde mais totalement maladroit, incompétent, et en proie à une psychose maniaco-dépressive. D'où l'absurdité de tout ce qui arrive ici-bas, où le meilleur se mêle au pire, l'heureux au malheureux, le beau au laid, etc. Vous comprenez qu'il est impossible de rendre un culte à notre Créateur, tellement Il est nul, et qu'au lieu de Le prier il vaut mieux s'adonner au plaisir des imprécations contre Ses ratages.

      Vu le temps exécrable qu'il fait aujourd'hui et qui donne une preuve de l'existence de ce Démiurge sans talent, je vais passer ma journée à fulminer en regardant le ciel.

      À vous,

      Frédéric

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    2. Comme le dit la blague chère à Beckett, regardez le monde et regardez le pantalon...

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    3. Cher Frédéric,


      Après m’être (malencontreusement ?) égaré sur une page de lingerie féminine, ayant ajouté le prénom de notre homme, je me suis aperçu sur la toile que Caraco semblait être un personnage à tout le moins controversé, sinon sulfureux.
      Chemin faisant j’ai fini par tomber sur une fort belle citation tirée de ‘Bréviaires du chaos’ (livre malheureusement qui n’est plus raisonnablement accessible) qui habille fort bien notre époque placée sous le joug d’un dérèglement climatique majeur d’origine anthropique.

      ” Nous sommes déjà trop nombreux pour vivre, pour vivre non pas en insectes, mais en hommes ; nous multiplions les déserts à force d’épuiser le sol, nos fleuves ne sont plus que des sentines et l’océan entre à son tour en agonie, mais la foi, la morale, l’ordre et l’intérêt matériel s’unissent pour nous condamner à la peuplade : il faut aux religions des fidèles, aux nations des défenseurs, aux industriels des consommateurs, c’est dire qu’il faut des enfants à tout le monde, n’importe ce qu’ils deviendront, adultes. Nous sommes poussés dans les reins au-devant de la catastrophe et nous ne pouvons maintenir nos fondements qu’en allant à la mort, jamais il ne s’est vu de paradoxe plus tragique, jamais il ne s’est vu d’absurdité plus manifeste, jamais la preuve que cet univers est une création du hasard, la vie, un épiphénomène et l’homme, un accident, n’a reçu de plus générale confirmation. Nous n’avons jamais eu de Père au Ciel, nous sommes orphelins, à nous de refuser l’obéissance à ceux qui nous égarent et d’immoler ceux qui nous dévouent à l’abîme, car nul ne nous rédimera si nous ne nous sauvons nous-mêmes. ”

      Il me semble enfin que la déclaration d’athéisme de Caraco ne cadre pas avec l’affirmation d’un gnosticisme, quand bien même s’agirait-il d’un ‘gnosticisme vulgaire’. Ce monde apparaît plutôt comme un semblant d’ordre (un ordre qui fait désordre d’ailleurs) perdu au milieu d’un océan de chaos sans finalité certes, mais sans cause non plus. Mais ceci n’engage que moi.

      Fort bon début de week-end
      Amicalement

      Axel

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    4. Cher Frédéric,


      Il vient ici aussi d’émerger, au-dessus de l’épine dorsale mise a nu des peupliers, la grosse bille orange du soleil.

      Quant au ciel du Nord, en laissant de côté la poudre blanche de quelques nuages ras, il a l’allure ce matin de « cette femme immense au torse immensément bleu », tel que décrit dans l’un des texte du livre égyptien de la ‘Sortie au jour’.

      Je ne résiste pas au plaisir d’en recopier un passage

      « Elle le ciel est une femme immense
      au torse immensément bleu
      la nuit les étoiles
      sont le pigment de sa peau
      sa bouche et l’aine
      les horizons
      le soleil avec le mort la traverse
      se couche dans sa bouche
      se lèvre entre ses cuisses
      chaque jour et c’est ainsi
      elle accouche à l’orient »

      Amicalement
      Axel

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    5. Axel sera content d’apprendre que le Bréviaire du chaos, comme la majorité des œuvres de maturité de Caraco, est offert par la boutique virtuelle de L’Age d’homme.

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    6. Cher Axel,

      Il est bien clair que Caraco — et votre serviteur — se fout de la Gnose réelle, je veux dire doctrinale, aux subtilités de laquelle l'honnête homme ne comprend goutte. Simplement, le mauvais Démiurge, pour parler comme Cioran qui se recommandait de ce gnosticisme, est une métaphore assez drôle et commode dont usent les athées et autres mécréants — dont votre serviteur — pour évoquer le hasard comme maître du monde, ou, plutôt, du non-monde dans lequel nous sommes voués à gesticuler assez brièvement. Par association d'idées, notre petit échange me fait penser à cette réflexion du Patron, alias Schopenhauer et qui dit : "S'il y avait un Dieu, je n'aimerais pas être ce Dieu, la misère du monde me déchirerait le cœur."

      Mais aujourd'hui le Démiurge doit se trouver en phase de quiétude : le jour se lève et le ciel apparaît tout propre, tout clair.

      À vous,

      Frédéric

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  2. Cher frère Frédéric, Qu'en est-il des simulateurs?

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  3. Le voila ti pas ben beau le dieu des nihilâtres ! bravo Schiffter ! coming out réussi !
    Jugnon

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    1. Ah, tiens. Le retour de Jugnon-Lajoie qui partage avec le divin le caractère de l'Ineffable. Deux attributs infinis: la connerie et la confusion mentale. Bête jusqu'à la sainteté , disait Nietzsche de je ne sais plus quelle brêle.

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    2. Jugnon-Lajoie, bien vu. C'est la risée des blogs où il laisse ses commentaires abscons.

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  4. Cher Schiffter,

    J’en étais resté à votre affirmation de votre appartenance au courant du gnosticisme vulgaire, et à celle de votre croyance en un Demiurge sans talent, et, bien qu’il ne soit pas dans mon propos de contester la façon dont chacun peint son tableau, ni ce dont il juge bon de se servir pour son élaboration, je trouvais que cette superstition, chez vous, faisait tâche : l’idée que vous adhériez, comme une vulgaire moule de café-philo, un vulgaire adepte, à ce fla-fla de la Gnose (le fla-fla, c’est le blabla plus la volonté d’en jeter par l’obscur et l’ésotérique), je l’avoue, m’attristait un peu : où était donc le gentleman, nihiliste et balnéaire, accessoirement philosophe… ?
    Je vous imaginais transformé en rat philosophique de grimoires, rongeant le vieil os gnostique — tout transporté d’illumineries abstruses…

    Heureusement — je le découvre en lisant la suite des commentaires —, ce n’était qu’un trait d’humour que le gris du ciel m’avait voilé, et l’honnête homme nihiliste, balnéaire contrarié par le climat du moment, est resté tel que je me le représentais : un contempteur du monde, qui n’a besoin d’aucune sotte superstition, ni d’aucune fumeuse pseudoscience prétendument élitaire et tout juste bonne à impressionner les imbéciles, pour fulminer contre le monde.

    Du coup, j’ajoute à ce qui s’est dit, ce texte de Caraco (Ma Confession), lui aussi assez prophétique, dont la conclusion laisse penseur :

    « Imaginez un monde où trente milliards d'humains végéteraient à la façon des peuples de l'Asie, en quelques villes ayant à peu près la taille de la France, en des maisons de cent étages renfermant cent mille chambres, où l'eau n'arriverait que deux heures par jour, et la plupart naîtraient, vivraient et mourraient confinés entre dix unités formant un tout-ensemble, respirant l'air fourni par des machines et consommant des nourritures assez effrayantes, à base d'algues et de cellulose, voire d'insectes ? Est-ce merveille que d'aucuns éprouvent la démangeaison de tout anéantir, ne fût-ce que pour éluder un cauchemar dorénavant fatal ? Un œcoumène en cendres, peuplé de quelques millions de survivants, les épouvante moins que l'ordre à quoi nous nous acheminons. »

    Et cet autre, du même ouvrage, dans lequel mon étrange caractère trouve comme un écho à ce qu’il m’enjoint à peindre, puisque — comme vous le savez sans doute — dans le tableau que je brosse, le Surhomme s’est, en quelque sorte, transformé en Surlibertin : le Libertin-Idyllique… sensualiste et balnéaire — ce qui nous fait au moins un point commun…

    « Ne nous le dissimulons pas, l’espèce humaine ne survivra guère, à moins qu’elle ne se métamorphose et si nous parvenons à modifier ses comportements, si nous réussissons à la désanimaliser en l’humanisant toujours davantage, elle verra soudain ce que présentement les meilleurs voient et désespèrent de communiquer aux foules. L’idée du surhomme est une idée raisonnable et nous ne devons désormais prétendre à moins. »

    L’idée du Surlibertin, du Libertin-Idyllique, est une idée raisonnable et nous ne devons désormais prétendre à moins.

    À vous,

    R.C. Vaudey

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    1. Cher Vaudey,

      Une superstition, chez moi, je vous rassure, ne fera jamais tâche, comme vous l'écrivez. Manquerait plus que je me fatigue pour ça. Cela dit, même si je ne connais rien à la Gnose, et que, entre vous et moi, je m'en fous comme de mon premier pain de wax , il me semble que de toutes les superstitions les plus ahurissantes de sottise sont celles qui consistent non pas à croire en je ne sais quel Dieu, mais en l'homme, en sa perfectibilité, sa grandeur, son dépassement, sa potentielle surhumanité et j'en passe. Etre athée est à la portée de n'importe quel entendement bas de gamme. Partout des crétins se vantent de leur liberté d'esprit en proclamant que Dieu n'existe pas — voyez, par exemple, les pauvres onfrayistes. Quelle audace! Ils se prennent pour des esprits libres alors qu'ils ne sont que des radicaux socialistes de la métaphysique. Ils confondent Alain et Marx. En revanche, n'avoir aucune foi dans les humains reste une philosophie beaucoup plus rare — et risquée, j'en sais un rayon là-dessus — sans compter que l'on n'a ni à prouver ni à nier les preuves de l'existence de pareils êtres. Seul ce scepticisme ananthrope trouve grâce à mes yeux. Tout autre me semble doctrine pour bonnes femmes. " L'homme est l'époux de la mort et la mort préside à ses démarches , rappelle Albert Caraco dans son délicieux Bréviaire du Chaos , simple phrase qui, si on la médite en feuilletant un honnête livre d'histoire prend tout son sens véridique.

      À vous,

      FS

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    2. Cher Schiffter,

      Je n’ignore rien de votre scepticisme radical, et je sais bien à quel point vous n’attendez rien des indigènes de cette planète… et vous devinez comment et pourquoi, pour moi, le poète est le maître et le législateur du monde et des indigènes.

      Mais, de notre vivant, à part des catastrophes, que peut-on en attendre ?

      À l’inverse de vous, je crois à la plasticité de l’autocréation humaine — que je n’idéalise ni en beau ni en laid — ; surtout si on lui donne son sens, si on la modèle.

      Mais c’est, je le reconnais — et considérant les plages de temps… —, plutôt un genre esthétique et élitaire. Une question de caractère.

      Je ne suis pas certain que le fait de n’avoir aucune foi dans l’humain soit une philosophie rare — au contraire. Ceux qui professent autre chose s’abusent, et s’autohypnosent — le plus souvent. Il me semble.

      Je n’ignore pas non plus que ceux qui parlent de la mort appartiennent toujours au cercle des vivants autorisés à en parler. Il y a trente ans, dans un service regroupant des gens définitivement exclus du cercle de la communauté des humains du fait de leur apparence monstrueuse, je n’ai jamais entendu personne en parler. Et pas davantage il y a deux ans, avec des gens qui en revenaient douloureusement. Et je ne pense pas qu’on en parle davantage dans les H.P.

      Parler de la mort — littérairement, philosophiquement —, dans ce sens, est toujours bon signe : c’est le fait d’un, revenu dans le cercle de ceux qui ont le luxe d’être en vie, et de pouvoir parler de cette vie — fût-ce pour la maudire.
      Mais rien ne dure.

      Vous parlez de la secte des onfayistes : je doute que Caraco ait envisagé l’idée du surhomme, dans le texte que je citais, comme ces gens et leur directeur de conscience, dont j’ignore à peu près tout (manquerait plus que je me fatigue pour ça…) doivent le faire.

      À vous,


      R.C. Vaudey

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    3. Cher Vaudey,


      Les athées religionnaires du rationalisme voudraient nous faire gober que c'est une victoire de leur esprit que de ne pas se prosterner devant Dieu, un élan, même, de leur surhumanité de penseurs du dimanche. Mon maître Montaigne disait que l'on est chrétien comme l'on est périgourdin ou allemand, c'est-à-dire que pareille croyance vous échoit à cause de votre milieu. J'ajouterai que comme il entre si peu de conviction en cette forme de religiosité, c'est assez naturellement, sans états d'âme psychologique ou philosophique, en tout cas sans héroïsme, que l'on perd la foi — en même temps, à peu près, que l'on se débarrasse du credo du père Noël. C'est encore plus vrai quand on est né dans un milieu familial incroyant, car là, pardonnez cette évidence, l'athéisme va de soi.

      Ce que les crétins de l'athéisme militant partagent avec les crétins de la croyance militante c'est leur ignorance des mécanismes psychiques de la foi tels que Montaigne, précisément, mais avant lui Lucrèce, et après lui Hume, Schopenhauer, Nietzsche, Marx, Freud et, plus près de nous, Clément Rosset, ont tenté de mettre à jour.

      Mais, encore une fois, ce scepticisme à l'égard du divin m'importe moins que le scepticisme à l'égard de l'humain. Car, pour aller vite, je nourris le soupçon que ceux qui s'attaquent à Dieu désirent se jeter aux pieds de ce qu'ils appellent l'Homme, auto-idolâtrie délirante consistant à imaginer qu'ils auraient le pouvoir de parvenir à la sagesse, à la béatitude, à l'ataraxie, à la liberté, bref, d'être forces de salut pour eux-mêmes — homo homini deus —, alors que ce ne sont, que nous ne sommes, que de bien pauvres animaux malades qui remuent en attendant la mort.

      Quand je dis qu'il est risqué de se recommander, comme votre serviteur, de l' ananthropisme , de l'athéisme envers l'humain (et, bien sûr, envers le divin) je ne fais pas allusion à des questions de sécurité. Bien que... Non, je veux signifier par là que c'est une philosophie inaudible, non pas parce que l'on ne l'entend pas, mais au contraire parce que l'on ne l'entend que trop bien et que l'on n'en veut rien en savoir . Comme dirait Clément Rosset le risque, quand on philosophe de la sorte, est d'essuyer une fin de non-recevoir ou de non-percevoir — ce qui n'est pas le cas de l'athéisme qui est une bannière portée par une foule d'humanistes de tout poil (et qui se figurent en butte à de méchants croyants).

      Mais, bon, assez griffonné pour ce soir. Que la nuit vous soit douce.

      FS

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  5. Cher Schiffter,

    Sur le premier point que vous évoquez, à savoir le peu de difficultés, pour beaucoup, à se débarrasser d’un léger vernis religieux, acquis culturellement, en quelque sorte, et la revendication d’une sorte de radicalité héroïque que certains, sinon tous ceux que vous appelez les athées religionnaires du rationalisme tirent de cette irréligiosité si facilement « conquise », je ne peux que vous suivre.

    Je vous suis tout aussi parfaitement lorsque vous écrivez : « Ce que les crétins de l'athéisme militant partagent avec les crétins de la croyance militante c'est leur ignorance des mécanismes psychiques de la foi. »

    Tout au plus peut-on remarquer qu’il y a chez beaucoup un héritage « anti-calotin » de classe, la religion étant assimilée au clergé, et ce dernier étant compris et ayant été vécu (plutôt par leurs parents, d’ailleurs) comme l’allié de la bourgeoisie industrielle, telle qu’on la connaissait encore avant-guerre et jusque dans les années soixante-dix.

    Beaucoup des membres de la classe moyenne qui arrivent aujourd’hui à la retraite — et qui font ce public que vous moquez — sont issus de milieux ouvriers ou paysans, qu’ils ont souvent, sinon méprisés, du moins voulu ignorer dans leur vie active, et il y a effectivement là un marché avec ces gens qui veulent la revanche, « en termes de philosophie », des mannards, des trimards, des gagne-petit, contre l’arrogance, ou le bienveillant paternalisme, des « possédants » et des « savants » ; — apprendre un nouveau Credo, leur permet peut-être de s’absoudre du mépris et de la honte qu’il ont parfois eu, plus ou moins secrètement, pour leurs parents ou leurs « amis restés au pays » ; on leur dit : vous me lirez un Jean Meslier et trois Sade…, et ils ressortent… allégés — comme d’une messe…

    Mais cela, c’est de la sociologie et de la psychologie faciles, où l’on voit peut-être que l’on ne se débarrasse pas si facilement des mécanismes psychiques du religieux — et de ses ressorts secrets.

    Or j’ai vu passer le Père Noël dans votre message, et, me souvenant d’un des plaisirs de votre enfance, tel que vous le racontez, je devine qu’une déniaiserie aussi simple, et dupe d’elle-même, au fond, que cet athéisme — en plus religieusement rationnaliste —, ne saurait satisfaire un esprit aussi pénétrant que le vôtre : et qu’il vous importe plus, comme vous l’écrivez, de débusquer comme superstition moderne, et plutôt inaperçue : non pas la foi en Dieu, mais la foi en l’Homme ; et on ne peut que vous accorder que c’est une déniaiserie plus à la hauteur du « Patron », qui s’était déjà chargé de la précédente, au siècle dernier, « en interprétant comme un vouloir l’en-soi des choses [faisant] un pas important contre l’idée d’un en-soi nécessairement bon, heureux et vrai… », ainsi que l’écrivait Nietzsche, dans La Volonté de Puissance.

    De la même façon, paraissez-vous animé, aujourd’hui, d’une volonté démystificatrice identique, mais appliquée au culte, non-dit mais partout sous-jacent, de l’Homme que vous voyez — avec la même sensibilité que Schopenhauer — comme « un pauvre animal malade qui remue en attendant la mort »… et non comme un être au fond « nécessairement bon, heureux et vrai », comme semble le sous-entendre la superstition post-moderne que vous levez comme on lève un lièvre bien camouflé.

    Pour ma part, si je ne peux que vous suivre sur le constat et sur le diagnostic de cette illusion, je ne peux m’empêcher de penser que, en ce qui concerne l’Être et l’Homme — et comme le « Patron » — : « vous idéalisez —en laid »

    à suivre,

    R.C. V

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  6. Ce qui, outre nos caractères, sépare le philosophe que vous êtes, de l’anti-philosophe que je suis, c’est le problème de la Vérité : je n’oppose pas la connaissance de la nature bonne, belle, vraie de l’Homme à cette autre connaissance qui le voudrait mauvais, laid et faux (et mon expérience personnelle me pousserait plutôt vers cette dernière…), pas plus que je n’oppose une conception de l’Être, compris comme Joie, Calme, Luxe et Volupté, à une autre qui le présenterait comme Monstre et Chaos, car la question de dire la Vérité de l’Homme ou de l’Être me paraît vaine.

    On peut penser qu’on ne peut plus rien dire à partir d’une telle position : c’est ne pas comprendre ce que j’appelle « la philosophie (ou l’anti-philosophie) envisagée comme œuvre d’art » : sans se préoccuper de la Vérité, vain fétichisme, l’artiste compose, peint, sculpte, affirme, et ouvre à un monde de sensations inattendues, parfois émouvantes et belles : c’est un sophiste, sensualiste… en quelque sorte.
    Il ne cherche pas, il trouve — sans jamais s’inquiéter de ce problème de la Vérité… Il prend ce qui lui paraît bon, et en fait la vérité de son tableau.
    Et la philosophie, qui fut ma première maîtresse — quand je n’en avais encore connue aucune autre —, du temps de la jeunesse et du doute, me paraît moins bonne que mon « anti-philosophie », assurée et définitive, plus tardive — du temps de mon Midi…

    Pour le reste, vous connaissez mes couleurs : je recherche, comme vous, et comme vous l’écriviez si justement cet été à un de vos détracteurs, ces moments où la vie m’affirme, et la grâce et la poésie vécues qui accompagnent cela : si je dois écrire ou créer, c’est au sortir de ces moments-là. Autrement, je m’en tiens à ce qu’écrivait Breton : « Je ne fais pas état des moments nuls de ma vie ».

    Du coup, mon air chante la gloire de l’Homme, malgré la teignasse qu’il persiste, et persistera longtemps à être. Mais ce chant n’est pas l’expression d’une connaissance de ce qu’il est au fond — comme le prétend la foi que vous dénoncez… au nom de ce qui paraît à mes yeux en être une autre, simplement inverse — : c’est un jeu et un vouloir… un très bon vouloir ; une volonté joueuse et créatrice.

    Pour le dire en suivant le chant d’un autre, on pourrait dire que l’anti-philosophe est un poète et un rédempteur du hasard, qui travaille l'avenir et, en créant, délivre tout ce qui fut.
    Délivrer le passé en l'homme et transformer le « c'était » jusqu'à ce que la volonté voluptueuse puisse dire : « Mais je l'ai voulu ainsi ! » Voilà le point !

    Tout cela dit afin que vous ne confondiez pas le chant du canard mandarin sauvage, avec le lourd prêche des gras chapons d’élevage en promotion dans les supermarchés de la néo-pensée marketée.

    Portez-vous bien,


    R.C. Vaudey

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    1. Cher Vaudey,

      Chantez la gloire de l'Homme, si cette idole vous inspire tant.
      Je préfère quant à moi me dévouer aux fesses des jolies — comme disait le grand Khayyám.

      Que Priape vous bénisse.

      FS

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  7. Ah ! Ah ! Je vois que c’est Noël, un peu avant l’heure… Vous m’avez gâté, question cadeau ! Une idole… et l’Homme avec ça ! Non, vous savez bien qu’en écrivant « la gloire de l’Homme », je l’entendais comme Nietzsche titrant Ecce Homo. Cela dit, l’Homme a du bon — comme on disait chez les Hittites —, et vous en avez choisi le meilleur morceau : les jolies
    Je vous souhaite donc de belles fêtes, dans une gloire de jolies

    Ce qui pêche dans votre position philosophique — et aussi dans la mienne —, vous le savez bien, c’est que nous ne puissions pas passer les six prochains mois sur une plage, avec un eau à 28°, à les regarder, ces jolies, prendre des vagues — ou l’inverse…

    Pour le reste, j'accepte sans hésiter la bénédiction de Priape, et je vous la renvoie bien volontiers…

    Portez-vous bien,

    R.C. V.

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    1. Ah! Cher Vaudey, entre la tâche et la pêche, vous péchez par excès d'accents circonflexes. Mais une philosophie de la pêche à la ligne comme seule tâche humaniste à remplir, ça me va!

      À vous,

      FS

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  8. Cher Schiffter,

    Sûrement, un dêsir secret de plâge, de mer châude et de vâgues, bref… d’Âsie… — à voir la forme de ces fâcheux petits châpeaux …

    À vous,

    R.C. Vaudey

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  9. Vouloir se débarrasser de la superstition ou même la détester est inopportun. Comme le dit si bien un illustre séducteur vénitien : par quoi la remplacerait-on ? Tout bien considéré, elle distrait les esprits simples et fournit philosophes et artistes en quantité de sujets à débattre. "Sacré bougre de Dieu dont je me fous !" comme disait l'autre ...

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  10. J'étais venu en matière de nihilisme, caracoler d'autres sources que Caraco qu'est bien mignon mais dont le propos nait d'une castration par sa mère, amenant prose partiale et non objective. Et quand on sait ça, même si le bonhomme écrit comme un dieu, le contenu fait sourire car outre, orgueilleux et exagéré, plus soucieux est-il, d'esthétique que d'authenticité.

    Existe-t-il une philosophie nihiliste libre, sincère et non affecté par l'expérience d'un vécu douloureux?

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