dimanche 29 janvier 2012

Le Surhomme, le Sage, le Saint, le Juste, fantasmes de nabots


« À quoi faire ces pointes élevées de la philosophie sur lesquelles aucun être humain ne se peut rasseoir et ces règles qui excèdent notre usage et notre force ? Je vois souvent qu’on nous propose des images de vie [des modèles de sagesses] lesquelles ni le proposant ni les auditeurs n’ont aucune espérance de suivre ni, qui plus est, envie.»

Montaigne, Les Essais 
Livre III 
§ 9 
— De la vanité.

9 commentaires:

  1. Cher Frédéric,


    Sur ces sagesses inaccessibles, ces morales perdues dans les nues, ces temples de vertus absolument vides, comment ne pas donner raison à Montaigne ? C’est peut-être précisément là que réside sa propre sagesse.

    Promenant mon ennui professionnel sur la toile inspiré par votre billet, je suis tombé sur cette petite sentence de Daniel Defoe qui me plait bien, même si elle n’est peut-être pas tout à fait à ma portée : « Le plus haut degré de la sagesse humaine est de savoir plier son caractère aux circonstances et se faire un intérieur calme en dépit des orages extérieurs ».

    Très amicalement
    Axel


    Ps : Sirotant le nectar montaignien à mon propre rythme, je n’en suis pas encore arrivé au livre III (certes, ma méthode de lecture est laborieuse… ).

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  2. Cher Frédéric,

    En ne pouvant atteindre les cieux, les vendeurs de sagesse nous fournissent des béquilles,

    http://www.crcb.org/la-canne-de-dali/.html


    Bien à vous, Virginie.

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  3. "Les Essais", cher Axel, sont à la fois un nectar et du poison. Un nectar car la prose de Montaigne coule bien (dans l'édition Arléa, bien sûr — private joke). Du poison car Montaigne nous intoxique avec son scepticisme à effet immédiat ou retard. On peut donc déguster un chapitre de temps en temps, histoire de se griser d'intelligence

    Montaigne compare ses essais à une marqueterie disjointe. Prenons-le au mot : piochons au hasard tel ou tel essai.

    À vous,

    FS

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  4. Puisque la sagesse n'apporte rien en ce monde,
    Ce n'est que l'homme insensé qui y trouve son compte.
    Apporte-moi de ce qui m'enlève la raison:
    Peut-être qu'alors le monde me verra d'un œil plus serein.

    Le breuvage de la vie est tantôt limpide, tantôt trouble.
    Notre tenue est faite tantôt d'étoffe grossière, tantôt de tissu de lin.
    Tout cela n'est cependant d'aucune importance pour un sage:
    Ce qui l'est, c'est qu'il faut rendre l'âme.

    Khayyâm qui cousait les tentes de la sagesse
    Tomba dans le four du chagrin et brûla soudain.
    Les ciseaux de la mort tranchèrent la corde de sa vie.
    Le laquais du Destin le vendit pour rien!

    Omar Khayyâm (1048-1131), Robâiyât (Quatrains), Actes Sud

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  5. Chère Virginie,

    Comme nous le rappelle Dali dans cette petite vidéo, les cannes ont un tout autre usage que les béquilles.

    Laissons donc les escrocs vendre des béquilles.

    Amusons-nous plutôt à faire virevolter nos cannes de dandys.

    http://www.miscellanees.com/m/marsan01.htm

    Bonne soirée,

    Frédéric

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  6. Cher Pascal Klein,

    Khayyám, Montaigne, avant eux l'Ecclésiaste... De la lucidité comme de l'un des beaux-arts.

    Bien à vous,

    FS

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  7. La bêtise a toujours raison, la bêtise a toujours le dernier mot. Elle vise le définitif, la tranquillité, la sagesse éternelle. Mais si le contraire de l’ignorance n’est pas la vérité mais sa mise en doute, alors le contraire de la bêtise n’est pas l’intelligence mais l’humilité, à l’image de Montaigne, l’homme le plus cultivé de son temps, qui doute sans cesse de son savoir (…)
    La bêtise c’est la cigüe de Socrate, le philtre empoisonné que les humains s’administrent à chaque fois qu’ils communient dans l’amour ou dans la haine, et qu’ils veulent changer le monde, plutôt que leur desirs. On la reconnait chez les polygraphes donneurs de leçons (Luc ferire, la chouette onfraye etc…) , dont la conduite contredit les paroles, chez les harceleurs et imprécateurs athées, qui croient que Dieu c’est le diable, ou encore chez les hedonistes fervents qui jouissent, non pas pour être heureux mais plutôt pour oublier qu’ils ne le sont pas. Mais on la reconnait aussi chez ceux qui croient la reconnaitre et la diagnostiquent en se donnant le beau rôle, à la façon dont l’hyponcondriaque fait graver sur sa tombe : « je vous l’avais bien dit ! ». (Merci Raphaël)

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  8. J’étais à l’atelier, en train de m’acharner sur un morceau de tableau qui me résistait de façon réjouissante, quand j’ai entendu ça : « Le désespoir est une forme supérieure de la critique. Pour le moment, nous l’appellerons “bonheur”, les mots que vous employez n’étant plus “les mots” mais une sorte de conduit à travers lequel les analphabètes se font bonne conscience… » C’était éructé par Léo Ferré dont j’ai retrouvé quelques galettes… J’en suis resté le pinceau coi et j’ai pensé à vous. C’est tout.
    Belle journée !

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  9. Pour tous ces philosophes et leurs livres de sagesse éternelle et impossible, on devrait créer une collection, à la couverture rose et qu'on appelerait aussi Harlequin.

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