mardi 9 décembre 2025

Merci, Michèle Furtuna !


Le dernier ouvrage de Frédéric Schiffter frappe d’abord par la qualité de son écriture. Minutieuse, précise, enlevée, élégante, elle nous emporte avec un plaisir délicat au travers des différents chapitres qui composent ces Carnets d’un honnête homme, «celui qui ne se pique de rien». Aussi n’ai-je pas été surprise de lire, à la page 99 à propos de La Rochefoucauld et Gracian: 

« Si leurs ouvrages respectifs continuent d’être lus et commentés de nos jours, cela tient à leur style. Faire bref et, à cette fin, choisir les mots pour leur simplicité et leur justesse. “Ce qui se dit bien se dit en peu” notait Gracián. Le style est l’élégance du penseur». 

L’auteur ici dialogue avec lui-même, convoque ses auteurs de prédilection, ses compagnons de pensée et de vie, dans une entreprise qui fait de l’œuvre littéraire un medium entre lui et le monde. Avec finesse, au fil des pages, nous rencontrons ceux qu’il estime, qui l’ont formé, le rendent heureux, nous plongeons au cœur des réflexions que lui inspirent ses auteurs favoris. Les citations, nombreuses, voix autres, paroles choisies, nourrissent le cheminement et donnent lieu à des développements qui ne tournent pas sur eux-mêmes mais toujours nous éclairent, d’abord sur nous, sur les autres, sur le monde. 

On croisera au fil des pages les plus grands : Schopenhauer, Nietzsche, Pascal et ceux de Port-Royal, Machiavel, Balthazar Gracián, Montaigne évidemment, Chamfort, Gontcharov, mais aussi Gaston Lagaffe, Zorro et bien d’autres. Et la lumière des philosophes de l’Antiquité, des extraits de l’Ecclésiaste, éclairent régulièrement le déploiement de la pensée. 

La lecture est des plus stimulantes pour le lecteur ; les uns après les autres, les chapitres, d’une grande finesse et d’une grande érudition, nous plongent dans leur lecture en même temps qu’ils nous font lever la tête pour réfléchir. Un évènement de lecture de cette sorte n’arrive qu’avec un livre qui nous retient. Évidemment, pour que ce genre de réveil survienne, il faut que la lecture nous ait d’abord tenu en éveil. 

Je pourrais dire bien d’autres choses encore de ces très riches Carnets : par exemple que je n’ai pas été surprise de voir ici expliqué le différend à propos de Nietzsche (que j’ai toujours soupçonné, les connaissant un peu tous les deux ) différend qui oppose FS à son cher ami Clément Rosset, une vraie belle “dispute” au sens classique, entre pairs. Mais il est temps de conclure. 

On trouvera la table des matières en premier commentaire, qui donne à elle seule “matière” à réflexion, un beau programme pour un honnête homme. 

Laissons le dernier mot à l’auteur, avec un extrait du chapitre “petit abécédaire du farniente”. Entrée: VOLUPTÉ

«L’effet le plus néfaste du travail comme des autres contraintes sociales, est la privation du plaisir de vivre. Voilà pourquoi l’être du farniente les fuit. Il ne vise cependant pas les jouissances de la lubricité et de la paillardise mais les sensations et impressions que procurent ses flâneries, ses baignades, ses petits sommes au soleil et, bien sûr, ses jeux sensuels avec l’être qui l’aime ou le désire.»

Comment trouver plus bel excipit? Une sortie pleine de panache.

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