Je conçois fort bien que des jeunes filles mahométanes revêtent au lycée ce seyant effet nommé «abaya». Si cela correspond chez elles à un besoin de provoquer l'autorité et de heurter la société, sans que pareille tenue ne représente pour elles une véritable marque de foi, elles réussissent leur coup. Les petites-bourgeoises des années 60 adoptaient le style hippie, celles des années 70 le style punk, celles des années 80 le style gothique, celle des années 90 le style grunge, etc. Hormis les hippies, les demoiselles de ces décennies-là se maquillaient, se tatouaient, se perçaient les parties du visage pour effrayer. Déranger et faire peur est le conformisme de l'adolescence, c'est bien connu, et le style abaya ne semble pas y échapper. Toutefois, si revêtir cet atour répond à un authentique acte de foi, alors il faut n'y voir que l'expression d'un désir de soumission — tout aussi répandu que la manie de choquer en se déguisant. Car la soumission, dans bien des cas, n'est pas tant volontaire, comme le prétendait La Boétie, que désirée. Qui dit désir d'être soumise dit jouissance à l'être et, surtout, à le paraître. Le narcissisme obéit aussi à la pulsion de l'enlaidissement et du rabaissement.