samedi 12 juin 2021

Du pasotisme au Pays basque

Je vis au Pays basque depuis plusieurs décennies et pour rien au monde je n’irais couler mes jours sous d’autres cieux. Pourtant, je n’y suis pas né. Je ne parle pas l’euskara et il ne m’est jamais venu à l’esprit de l’apprendre. Le «peuple basque» m’apparait comme une chimère. Seuls les individus existent et, à mes yeux, il n’y a que leur personnalité qui compte et non leur prétendue identité nationale. 

Je me suis peu baladé dans les montagnes surplombant la côte. Mes déplacements se font suivant un axe immuable: Anglet, Biarritz, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, Saint-Sébastien. Ainsi, je ne perds pas de vue l’océan que j’observe depuis quelques terrasses de cafés et de restaurants — toujours les mêmes. Comme je m’ennuie dans une foule, je ne vais jamais aux fêtes de Bayonne. Je hais les uniformes, or la tenue en blanc et rouge en est un. 

Peu caméléonesque, je n’ai jamais pris la couleur locale. Pourquoi, alors, me suis-je attaché à cette terre? Pourquoi j’en chante en toute occasion les louanges, moi qui suis étranger à l’esprit chauvin? Précisément parce qu’on peut s’y enraciner sans être obligé de se plier à un folklore. Parce qu’elle accueille les contemplatifs, les flâneurs, les nonchalants, trois types de sujets sans qualité qu’on peut regrouper sous le terme générique espagnol de pasotas — terme traduisible en français par: je-m’en-foutistes, ou, mieux, peut-être, par: dilettantes. Je crois que son climat y est pour beaucoup. On sait qu’Aristote et Montesquieu avaient observé une influence du froid, de la chaleur, de la douceur, des conditions atmosphériques, sur la psychologie des diverses populations du monde. J’ignore les effets que le gulf stream, les tempêtes, le voisinage des vagues, les embruns, le soleil des quatre saisons, le vent du sud, exercent sur l’«âme collective» des habitants du Pays basque. Sur la mienne, cette météorologie a jeté un charme et, depuis mon enfance biarrote, m’a converti au pasotisme. Je doute que, séjournant sous d’autres latitudes, j’eusse pu atteindre à une telle sagesse.  


Paru dans:

 Béret sur tous les fronts 

au Pays basque (clic), mai 2021



 

3 commentaires:

  1. Cher Frédéric, moi-même je pratique cette philosophie version italienne "Me ne frego", la devise de mon idole Dean Martin le plus grand menefreghista de l'histoire du show-biz, l'homme le plus cool qui ait foulé cette terre de misère.
    Me ne frego !

    RépondreSupprimer
  2. Cher Frédéric, revenant de quelques jours passés dans votre région, je souscris à tout ce qui précède. J’y ajoute une propreté des lieux publics et une courtoisie dans les rapports humains qui sont quasiment disparues de mon univers méditerranéen. Y ont-elles un jour été la règle !…

    RépondreSupprimer
  3. Le "Pasotisme", on aimerait le pratiquer chaque jour. Un hamac confortable à l'ombre d'un chêne loin du bruit de la foule. Une posture parfois difficile à tenir quand on observe qu'offrir des fleurs à une soi-disant féministe est une agression et que tuer un chauffeur de bus de Bayonne est une incivilité !

    RépondreSupprimer

Les commentaires anonymes et fielleux seront censurés.

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.