jeudi 1 février 2018

Horreur de la surgé


Sans grand risque de me tromper, je puis affirmer que la directrice des ressources humaines — DRH — est, avant même le prêtre et le policier, l’être le plus méprisable. La raison pour laquelle elle suscite pareille répugnance tient au fait qu’elle incarne LA bonne femme par excellence, soit une femme rongée par la frustration, ayant borné sa vie amoureuse à la procréation, sa vie sentimentale à la famille et qui se revanche de son déficit érotique dans le travail. Rien n’est plus terrifiant que la bonne femme au travail. Car la bonne femme ne travaille pas: elle s’investit dans son travail persuadée que le devenir de l’humanité en dépend. Comme elle représente une forme parfaite de soumission désirée, l’objectif du capitalisme moderne est de faire en sorte que tous les salariés soient mentalement des bonnes femmes. On ne peut donc s’étonner que le patronat, ou tout autre instance de domination, recrute en majorité ses responsables des ressources humaines dans cette catégorie de larbines zélées. La Directrice des Ressources Humaines — DRH — n’inspire pas seulement le dégoût à cause de son rôle d’exécutante des basses œuvres du management, et ce, au nom de la rationalité gestionnaire, mais aussi pour ses opinions et ses goûts. Ses opinions: Il faut l’entendre répéter avec veulerie le discours de ses maîtres selon quoi le code du travail relève d’un archaïsme social, les chômeurs abusent de leurs droits à l’indemnité, les retraités sont des nantis, les fonctionnaires, privilégiés en surnombre, doivent être traités comme les employés du secteur privé — et autres propos d’une bêtise aussi péremptoire. Ses goûts: Appartenant à la classe moyenne-moyenne mordant sur la frontière de la classe moyenne-supérieure, la DRH veut compenser l’indigence livresque de ses diplômes par une culture générale. L’ennui est que, comme elle ignore ce que signifie être une personne cultivée, elle consomme sans discernement des produits de librairie dont l’emballage, totalement mensonger, lui garantit un bon niveau intellectuel. Une inspection rapide de sa bibliothèque révèle la nullité de ses lectures. Là, sur ses étagères en bois lasuré Ikea, ou Bois et Chiffons, elle a rangé les auteurs qui comblent sa curiosité, répondent à ses interrogations, font écho à sa sensibilité de bonne femme. Jean d’Ormesson, David Foenkinos, Delphine de Vigan, etc., pour la littérature, Frédéric Lenoir, Matthieu Ricard, Christophe André, etc., pour la spiritualité et le bien-être. Même si elle se charge de perpétrer la violence patronale, la DRH pense qu’une âme libre loge en elle. Aussi lit-elle Michel Onfray, le cuistre joufflu aux immondes lunettes, dont les ouvrages, conçus pour dispenser d’étudier les philosophes, lui permettront de citer le nom de l’un d’entre eux lors d’une réunion du staff d’encadrement. Au fond, la DRH me rappelle la figure, tant moquée quand j’étais lycéen, de la surveillante générale. Servile, carriériste, inculte, elle est la surgé du libéralisme.