mardi 9 janvier 2018

Lettre du marquis de Pinsaguel à Madame de *** sur les dangers de l'étiolement philosophique


Château de Pinsaguel

Je ne résiste pas au plaisir de montrer aux abonnés de ma page la trouvaille que j’ai faite en consultant les archives de la Bibliothèque Régionale de Toulouse. Il s’agit peut-être du premier document faisant état de l’étiolement. C’est une lettre adressée à une dame de haute naissance — dont je n’ai pas réussi à identifier le nom — écrite de la main d’un gentilhomme, Monsieur de Costesesque, marquis de Pinsaguel, datant du 13 mars 1652: «J'ai peur Madame, que vous croyiez que je ne parle pas ici sérieusement; mais cela serait contraire au respect que je vous dois, et que je ne manquerai jamais de vous rendre. Je puis dire, avec vérité, que l’habitude que j’avais prise il y a peu de temps de me vouer à la lecture des philosophes et à l’exercice de la raison dont ils font exploit, que cette habitude, donc, m’a plongé depuis des semaines en une sorte d’alanguissement de mes esprits animaux. C'est cette terrible incommodité que mon docteur, le savant Monsieur Poutard, nomme étiolement, qui m’a poussé à la décision de me retirer aux champs d’où je vous écris. Car à la ville, qu’elle soit la plus occupée du monde ou la plus tranquille, le risque est trop grand d’y rencontrer des gens qui se piquent de philosophie et qui, non encore atteints par l’étiolement, pourraient aggraver le mien. Si je prends la liberté de vous écrire, Madame, c’est pour vous mettre en garde contre tout quidam se coiffant de la qualité fantaisiste d’«ami de la sagesse» qui ne manquera pas de provoquer chez un être de nature délicate, tel que vous Madame, un dépérissement de l’entendement et des muscles. Mais ce billet m’a coûté de la force. Je souhaite qu’il armera votre prévention contre le danger de l’étiolement philosophique et qu’il vous rappellera que je suis, Madame, votre indéfectible serviteur.» Bien évidemment, si mes recherches me conduisent à dénicher d’autres pépites de ce genre, je ne manquerai pas de les publier ici afin de satisfaire au désir d’édification de mes lecteurs.