vendredi 8 février 2013

Du nihilisme comme de l'un des beaux-arts (suite)


Albert Caraco


"Portrait de l’auteur: […]On sent d’abord qu’il n’aime pas la vie, son corps lui pèse étrangement, il aurait préféré n’en avoir point ou bien de l’avoir glorieux, il est rassasié de jours depuis le temps qu’il est au monde, il trouve absurde les arrangements qui perpétuent notre existence, à commencer par l’obligation de se nourrir et ce qui en découle. […] L’amour est à ses yeux une bizarrerie et que ces hauts élancements ne doivent aboutir qu’à l’opération une et la même, n’importe les espèces, n’est pas sans l’étonner, les femmes au surplus lui semble l’unité multipliée par légion, ce commun dénominateur qu’elles ont toutes l’indispose. Pour les enfants, il ne les goûte que débarbouillés et pomponnés, ce durant un demi quart d’heure, mais il ne voudrait se charger d’aucun, fût-ce l’enfant Jésus, leurs questions sempiternelles et leurs amusements du ridicule le plus achevé lui feraient préférer quelque poisson dans un bocal. Il ne hait pas les animaux et leurs combats le désennuient, il lui plaît fort de les voir se manger les uns les autres, il y retrouve une leçon de choses et pleine d’applications suivies, le lot des nations est là préfiguré, la différence n’est pas grosse.[…]"
Albert Caraco
Le semainier de l'incertitude 


2 commentaires:

  1. Cher Frédéric,


    Aujourd’hui, dans la novlangue de la bien-pensance, Caraco serait rangé sans conteste dans la catégorie dite des « catastrophistes » ; et cela vaudrait évidemment condamnation a priori – ceci afin de prémunir le quidam de toute velléité de le lire.
    Or cette envie de lire Caraco, vous me l’avez transmise lors de l’un de vos précédents billets.
    C’est du Bréviaire du chaos que je tire l’extrait suivant :

    « Les hommes se sont répandus sur l’univers comme une lèpre et plus ils se multiplient, plus ils le dénaturent, ils croient servir leurs dieux en devenant toujours plus innombrables, leurs marchands et leurs prêtres approuvent leur fécondité, (…) les intérêts de la morale et du négoce forment une alliance indéfectible, l’argent et la spiritualité ne souffrent pas que le mouvement s’arrête, les marchands veulent des consommateurs, les prêtres veulent des familles, la guerre les effraye moins que le dépeuplement : c’est dans les marchands et les prêtres que l’ordre pour la mort trouve ses appuis les plus fermes ».

    Bien amicalement
    Axel

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    1. Cher Axel,

      Caraco est un homme charmant tant il déteste les hommes qui, quand ils ne se forgent pas des dieux, croient en eux-mêmes. Naturellement, mais je crois l'avoir déjà dit ici ou là, athée n'importe quelle tête plate peut l'être. Généralement, Dieu perd de son prestige et de son crédit auprès des humains au moment de leur adolescence avec les premières éruptions d'acné. En revanche, la pire des superstitions, c'est-à-dire la croyance en l'homme, à sa grandeur, à sa perfectibilité, à sa liberté, que sais-je, est une croyance prêchée par les philosophes et, notamment, athées. Il est plus facile de ne pas croire en un dieu imaginaire qu'en des êtres bel et bien existants. L'ananthropisme , pardon pour le mot, reste la pensée du tout petit nombre. Caraco en est une figure admirable.

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