"Quand
j’étais enfant, mon héros cinématographique, comme pour beaucoup de gamins,
était Charlot — je ne parle pas des personnages que Chaplin jouera dans ses
longs métrages et que je découvrirai plus tard au ciné-club de mon lycée et tels que: Les
lumières de la ville, Les Temps
Modernes, Le Dictateur, et le plus sombre d’entre eux, Monsieur Verdoux. Si je ne mesurais pas
tout le fond subversif de cette forme de burlesque, j’en subissais avec
jubilation les séductions. J’en percevais vaguement aussi la tonalité tragique,
le fond pessimiste. Car le génie de Chaplin n’était pas seulement de susciter
par le rire une vive sympathie pour le personnage d’un vagabond rebelle,
espiègle, allergique aux policiers, rétif au travail, amateur de jolies filles,
etc., mais de rappeler que la vie pouvait à tout moment devenir une suite de
mésaventures sur fond de désolation et qu’aucune structure ne soutenait
durablement le monde. «Le grand thème de la vie, c'est
la lutte et la souffrance», écrivait-il dans Ma vie ; ou encore : «La beauté est une omniprésence de la mort et du charme, une tristesse souriante qu'on discerne dans la nature et en toute chose». Qu’il fût patineur, usurier, employé dans un
cirque, chercheur d’or, etc., Charlot incarnait l’Irrégulier qui, par ses
gaffes, ses maladresses, ses irrévérences, et sans déranger l’impeccable mise
de ses frusques, replongeait le monde dans son état initial de chaos chargé de
tous les périls. Ce clochard sentimental toujours fauché et, quoi qu’il arrive,
tiré à quatre épingles, fut mon premier maître en dandysme et en anarchisme."
In La Beauté
Une éducation esthétique
Éditions Autrement
En librairie le 12 septembre 2012
Cher Frédéric,
RépondreSupprimerSi je ne me trompe pas, Alain Soral vit à Bayonne.Je n'ose imaginer votre rencontre. Un pitbull croisant un setter anglais.
Et Beigbeder, à Guéthary, le croisez-vous?
Stéphane N. Bordeaux.
Cher Schiffter,
RépondreSupprimerJe trouve saisissant votre exposé de l’impression que vous faisaient ces petits films que nous regardions, sans nous connaître, en même temps… par la force des choses et de la technique, à ce moment.
Disons que le dandy — jusque dans la misère —, anarchiste, sentimental et toujours vif vainqueur des lourds et vulgaires butors, était bien ce que je voyais également et qui m’inspirait, mais j’avoue n’y avoir jamais vu que « la vie pouvait à tout moment devenir une suite de mésaventures sur fond de désolation et qu’aucune structure ne soutenait durablement le monde. », alors même que je venais d’en faire l’expérience historique très précise.
Seules ses victoires m’intéressaient.
C’est ce qu’on appelle avoir des caractères opposés, et il est plus saisissant de le voir sur un exemple comme celui-là, qui touche à l’enfance, que de le sentir dans des exposés théoriques.
Sinon, Corcovado, dont vous avez eu la bonne idée de donner, chez V., l’interprétation par Sinatra, (ici, clic ), est un hymne sensualiste qui nous a directement inspirés et vers lequel nous tendons toujours with love and emotion.
Quiet nights of quiet stars quiet chords from my guitar
Floating on the silence that surrounds us
Quiet thoughts and quiet dreams quiet walks by quiet streams
And a window looking on the mountains and the sea, how lovely
This is where I want to be here with you so close to me
Until the final flicker of life's ember
I, who was lost and lonely believing love was only
A bitter tragic joke, have found with you,
The meaning of existence, oh my love
Donc : Love is not [only] a tragic joke, and, Idyllic-Libertin, you can find, with your lover, the meaning of existence.
Cela ne peut pas être du pessimisme ravageur.
Pour Chaplin d’accord ; mais on garde Corcovado, et c’est dans ce même mood corcovadien que je vous envoie ces quelques mots, dans la chaleur du soir…
Pour vous remercier pour Sinatra, et comme je me demandais où vous aviez pu voir Chaplin ailleurs qu’au ciné-club de votre lycée, il m’est revenu un petite musique et l’image d’une animation dans laquelle une voiture se retournait : j’ai retrouvé ceci http://www.youtube.com/watch?v=uncwBGJSvdk&feature=related
I hope it will do…
À vous,
R.C. Vaudey
L’Internationale lettriste se manifeste publiquement pour la première fois à Paris le 29 octobre 1952, en attaquant au Ritz la conférence de presse tenue par Charlie Chaplin pour la promotion de son film Limelight. Berna, Brau, Debord et Wolman lancèrent un tract d'insulte (Finis les pieds plats !) qui traitait notamment Chaplin d'« escroc aux sentiments » et de « fasciste larvé ». Seuls Jean-Louis Brau et Gil J Wolman purent pénétrer dans la salle de la conférence de presse et y jeter les tracts. Guy Debord et Serge Berna furent arrêtés par la police (qui les prenait pour des admirateurs) en essayant de s’introduire frauduleusement par les cuisines du Ritz. Isou, Pomerand et Lemaître, refusant de cautionner cette action, publièrent aussitôt un démenti dans le journal Combat du 1er novembre 1952. Ce désaveu public acheva de marquer cette séparation idéologique.
RépondreSupprimerOn n'en a rien à foutre, mon petit Anonyme. Vraiment.
Supprimer« La surface n’est pas pour Nietzsche ce qui s’oppose à la profondeur mais au contraire ce qui permet à la profondeur d’être visible, ce par quoi la profondeur se manifeste : comme en témoignent les Grecs de l’époque classique, dont Nietzsche écrit au début du Gai savoir qu’ils étaient « superficiels par profondeur ». » p 59 – 60.Clément Rosset – La force majeure.
RépondreSupprimerCharlot, cher Frédéric, c’est l’homme d’humour par excellence. L’homme de la superficialité, du paraître. Mais à la surface du rire, sous l’apparence du masque, c’est la profondeur du réel qui transpire. C’est le comique du tragique.
Chez Charlot l’allégresse est d’une lucidité acerbe, c’est le savoir de la désillusion, celui le moins réjouissant de tous : le reflet sordide de l’humaine condition.
Sous l’apparence insouciante de Charlot : les obsessions tenaces, les pouvoirs illusoires, les abus, les démesures, les cruautés, les tentations, les absurdités…
Charlot, c’est la sensible observation, le fin discernement, la claire distinction, cachés sous des acrobaties blanches.
Une dramaturgie burlesque et tragique, en somme.
Bien à vous - Le chêne muet.
Virginie,
SupprimerBelle réflexion.
Merci.
En fait, quand j'étais petit, Charlot me faisait flipper !..
RépondreSupprimerCher Frédéric,
RépondreSupprimerJe m'attendais, de votre part, plutôt à un éloge de Buster Keaton.
Bien à vous.
Stéphane N. de Bordeaux
Chère Virginie, cher Frédéric Schiiffter,
RépondreSupprimerConcernant Clément Rosset qui a été cité ci dessus, il est à noter la parution de deux nouvelles oeuvres ''Récit d'un noyé'' et ''L'invisible'', le 11 Octobre aux Editions de Minuit
Vivement la ''Beauté'' et ces deux oeuvres....
Bien à vous.
Stéphane.
Un soir, au restaurant, Clément Rosset me fit le récit de sa noyade à Majorque. C'était bidonnant, comme d'habitude. Il fallait l'entendre pester contre les secours arrivés juste à temps pour le sauver. Je précise qu'il n'avait aucune intention de mourir. Simplement, en nageant, il eut l'envie de dormir. Il s'est assoupi en nageant la brasse comme d'autres s'endorment au volant...
SupprimerChaplin, Keaton, Rosset...
Tout le monde aimait Charlot ! Un génie du ratage réussi, facétieux et agile, avec cette fébrilité enthousiaste et communicative dans le mouvement, et la dimension poétique bien sûr, pathétique souvent. Et il était beau ! Quel regard ! L'un des seuls si je ne m'abuse à avoir réussi le passage du muet au parlant, beaucoup s'y sont cassé les dents, Buster Keaton entre autres.. J'avoue que j'ai gardé une tendresse particulière pour le duo Laurel et Hardy. Merci de cette avant-goût, cher Frédéric, en attendant septembre !
RépondreSupprimerPour une fois je peux dire : "Vivement la rentrée !"
RépondreSupprimerComme Axel, Chaplin (et Keaton aussi d'ailleurs) me faisait flipper quand j'étais gamine. Son intrusion dans le monde des fées (lectures des filles du siècle dernier) condamnait à voir le réel alors qu'il semblait invivable. Plutôt fermer les yeux.
RépondreSupprimer"Groucho Marx m'a enchanté (...) Il y avait aussi Laurel et Hardy (...) A l'époque on allait voir ça le jeudi. Les familles n'étaient pas contentes. Elles estimaient que ce n'était pas assez éducatif. On devait aller voir des films emmerdants. Ça a toujours été comme ça: ce qui est culturel est obligatoirement emmerdant. Chaplin a été le plus grand acteur du monde. Il a eu du génie avant de devenir chiant. Lorsqu'il a lu les journaux, il a pris une grosse tête."
RépondreSupprimerTrouvé dans "Audiard par Audiard"... Cadeau de fête des pères... Mais c'est de votre faute, aussi, cher Schiffter. Si "La beauté" était sorti avant j'aurais pu orienter le choix de ma progéniture...
Par ailleurs il avait de bons yeux, Charlot, pour discerner la tristesse souriante en toute chose... Moi, souvent, elle m'échappe...
Ce Chaplin que vous avez choisi de nous montrer, c'est à le regarder la métaphore de l'artiste/écrivain timide et débutant entrant pour la première fois dans un salon mondain, ou peut-être passant à la TV dans "Ce soir ou jamais". Bref, c'est génial.
RépondreSupprimermagnifique blog
RépondreSupprimersur le vagabond rebelle
permettez-moi de vous offrir
une de mes chansons
alors que j'étais
vagabond poète moi-même
CHANSON POUR MA GUITARE
COUPLET 1
durant une grosse semaine
j’ai laissé ma guitare toute seule
d’une chambre à 4
à l’armée du salut
j’voulais d’la légèreté
ressentir mes mains nues
en marchant des centaines
de coins de rue
j’me disais veux-tu ben m’dire
à quoi ça sert de chanter en français
quand tout autour de toé
le monde ça parle en anglais
REFRAIN
on est fragile dans vie
quand on est loin
de sa meilleure amie
fragile dans vie
même si l’hiver à Toronto
c’est si joli
COUPLET 2
à matin les gardiens d’sécurité
du centre Eaton de Toronto
m’ont vu chanter
y devait être 7 heures – quart.
Ma guitare me traversait l’corps
j’avais les yeux fermés
j’ai r’cu tellement de good morning
comme si les anglais
s’étaient ennuyés
de ma guitare pis moé
de ma guitare pis moé
ou peut être juste de ma guitare comme moé
COUPLET 3
midi et quart 8 ème étage
du magasin la Baie
assis à une table
d’un restaurant vitré
j’joue d’la guitare
en face d’un édifice
avec une grosse horloge
qui m’donne la soif de vagabonder
y a tellement d’soleil s’es aiguilles
qui fait que tout c’que j’vois
c’est la beauté d’la mer
les plages de Vancouver
ma guitare pis moé pour le prochain hiver
Pierrot
vagabond céleste
www.enracontantpierrot.blogspot.com
www.reveursequitables.com
http://www.tvc-vm.com/studio-direct-235-1/le-vaga bond-celeste-de-simon-gauthier
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