"Pour suggérer combien les destinées humaines sont
fragiles et aléatoires, Héraclite écrivait: «Le temps est un enfant
qui joue au tric-trac. Royauté d’un enfant.» Or, comme s’il eût la réminiscence
de cet aphorisme, Peckinpah nous en proposait une version sauvage. La première
séquence [de The Wild bunch] montrait un petit groupe d’enfants accroupis devant une ornière
se réjouissant de l’agonie d’un scorpion qu’ils avaient capturé et jeté au
milieu d’un grouillement de fourmis rouges. Puis, comme si la cruauté de ce
spectacle ne leur suffisait pas, les gamins mettaient le feu aux bestioles,
redoublant ainsi de joie et d’hilarité. Là, en quelques secondes, Peckinpah
nous délivrait sa vision de l’humanité. Le monde est une horreur parce qu’il
est infesté d’humains, espèce dont la férocité surclasse celle de toutes les
espèces animales les plus venimeuses et qui se manifeste déjà pleinement chez
les petits — comme on peut l’observer dans cette première scène filmée à la
manière d’une leçon de choses."
In La Beauté, une éducation esthétique
(Éditions Autrement)