mardi 31 août 2010

Surprise


«C’est quand on les saisit par derrière que les seins donnent la sensation d’être plus volumineux. Quand on les surprend ainsi et qu’on les presse, on devine leur aspiration, on les sent tirer, tirer en avant, s’échapper, se tendre, saillir. C’est seulement ainsi, en les prenant par derrière qu’on les confond, qu’on les devine : car, sans même le vouloir, quand ils sont surpris de face, ils se rétractent un peu, se retirent dans leur coquille, se blottissent… Oh, cette chasse défendue qui consiste à les saisir tout à coup par derrière! Comme ils se livrent, pareils à une femme à qui on met par surprise les deux mains sur les yeux! Ils croient que c’est l’Idéal qui les saisit ainsi, et ils se dilatent de plaisir.»

Ramón Gómez de la Serna
Seins

vendredi 27 août 2010

Exercice spirituel


Chaque fois qu'il éprouvait la tentation du plaisir sexuel, dont il était esclave, Marc Aurèle se répétait que l'amour physique n'est qu'"un frottement de ventre avec éjaculation, dans un spasme, de liquide gluant". Du Houellebecq par anticipation.

mercredi 18 août 2010

Belle journée ensoleillée


"Il n'y aura plus sur la terre aucun vestige de ce que nous sommes : la chair changera de nature; le corps prendra un autre nom; même celui de cadavre ne lui demeurera pas longtemps: il deviendra, dit Tertullien, un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue : tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu'à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes."

Jacques-Bénigne Bossuet
Sermon sur la mort

dimanche 8 août 2010

L'amitié du drapeau noir


Si je tire fierté d'être l'essayiste le moins lu de France, c'est parce que je suis aussi l'un des mieux lus. La preuve. Voici ce que Arnaud Le Guern — l'auteur du beau roman Du soufre au cœur, fils de Serge Gainsbourg et de Françoise Sagan, "obsédé amoureux", pirate ami des naufragés et qui soulage son dégoût que lui inspire l’immonde environnant par des baisers volés aux jeunes filles, par des heures de lecture et d’écriture, par des cuites entre amis en hommage au monde d’avant —, voici ce que Arnaud Le Guern, donc, écrit sur mon compte dans le magazine Causeur de juillet-août 2010:  
"Pour les vieux adolescents ayant abandonné le sport, le surf a longtemps évoqué une chanson des Beach Boys, les nombreux visionnages de Point Break - Extrême limite de Kathryn Bigelow - avec le regretté Patrick Swayze en dirty danseur des spots et des braquages - et les apparitions de Kelly Slater dans Alerte à Malibu.
C'était peu de choses mais ça esquissait une certaine idée de la grâce et de l'été : des mélodies légères, le soleil qui se lève, qui se couche sur la mer, des jeunes filles aux cheveux mouillés, à la peau salée, que Claude Nori aurait pu photographier sur les plages d'Italie. La Petite philosophie du surf de Frédéric Schiffter prolonge le plaisir de ces impressions. Dès les premiers mots, c'est une invitation à la musarderie : "A celle qui m'a jeté dans le creux de la vague". Une phrase plein coeur, de celles que Schiffter cisèle comme personne et qui, recueillies dans de minces volumes – lire Traité du cafard et Délectations moroses -, font de la mélancolie un éclat de beauté à la boutonnière de nos vies.

L'immonde réenchanté

“Philosophe sans qualités” et “penseur de charme”, Schiffter est un réenchanteur triste de l'immonde. L'inverse de Michel Onfray, peine-à-jouir boursouflé de l'autopromotion de ses névroses. Dilettante classieux, Schiffter pose son regard sur les temps où nous vivons, se souvient de Montaigne, de Wilde, de Chamfort et jette ses fulgurances à la gueule du désastre en cours. Dans Petite philosophie du surf : “Les cartes postales colorent l'ennui et offrent aux humains une image rassurante de leur dérisoire présence dans l'univers.”; “La vague est la fille d'un océan tourmenté par une dépression.”; ou encore : “Une vague ne se cache pas pour mourir. Elle aime disparaître sous le regard des hommes.”
Dans la tourmente des flots, Schiffter quête la beauté que portent quelques héros, quelques héroïnes. Les héros s'appellent Mickey Dora, dit the Cat, Greg Noll, dit the Bull, Gerry Lopez pour qui “Le surf nous apprend à affronter la vie”, Tom Curren, Jeff Clark ou Mark Foo, “un des grands riders de Waimea, [qui] meurt noyé dans les remous de gravats liquides au pied des falaises de Mavericks.” Les héroïnes ? C'est du côté de ses braconnages sur le ouèbe que Schiffter dessine la jolie silhouette d'une “flâneuse de l'onde”: "Première journée de juillet. La marée monte depuis longtemps. Comme si leur mécanisme s’épuisait, les séries de vagues arrivent mollement. Couchée sur sa planche, la surfeuse a un peu froid. Elle décide de sortir de l’eau. Elle attend l’ultime vague qui la ramènera sur le sable. Une ondulation se dessine. Elle rame dans sa direction. Elle opère un demi-tour, rame de nouveau vivement pour démarrer et se lève. L’onde lui offre son flanc gauche. Peu puissante, elle lui permet quand même de glisser prestement et de goûter à quelques instants de jubilation. Fin de la session."
Petite philosophie du surf est un livre à glisser dans la poche intérieure d'une veste en lin blanc et à lire, à l'ombre d'une terrasse, face à l'océan, une lucky strike ou une winston bleue comme le ciel aux lèvres, un verre de vin blanc devant soi."

vendredi 6 août 2010

Correspondance



Quand Edward Hopper peignait la pétrification des individus dans leur solitude, Fernando Pessoa, à la même époque, écrivait dans Le livre de l'inquiétude : "Puisque la vie ne nous a offert qu'une cellule de reclus, tentons alors de la décorer, ne serait-ce que de l'ombre de nos songes, dessins et couleurs mêlés, sculptant notre oubli sous l'immobile extériorité des murailles".