vendredi 28 décembre 2012

De la constance des cons


«Lorsque quelqu'un demande à quoi sert la philosophie, écrit Gilles Deleuze, la réponse doit être agressive, puisque la question se veut ironique et mordante.[…][La philosophie]sert à nuire à la bêtise, elle fait de la bêtise quelque chose de honteuxQuelle naïveté… La bêtise ignore la honte; l’agressivité lui est consubstantielle et c’est pourquoi elle nuit depuis toujours au philosophe — contraint au stoïcisme.  


mercredi 12 décembre 2012

Du nihilisme comme de l'un des beaux-arts — 3



"J'attends la mort avec sérénité, c'est vraiment une belle chose et je ne conçois pas les fous qui parlent de vie éternelle. Imaginer cela me donne la nausée d'avance et l'idée seulement de faire mes besoins un milliard d'années de suite me brouille avec les religions révélées, ce qu'elles nous promettent m'en dégoûte et prouve qu'elles sont humaines, trop humaines […]Le gros des hommes se composera toujours de singes ayant une voix articulée et nous n'y pouvons rien, l'espèce étant imperfectible en gros, c'est une vérité fondamentale et qui fut oubliée au siècle des Lumières, il me paraît que nous y revenons, la queue entre les jambes et la tête basse. Le Paradis et l'Enfer sont des singeries métaphysiques, les élus sont des babouins transfigurés, les réprouvés des macaques foudroyés, Dieu, l'empereur suprême des cynocéphales et muni d'une triple verge en érection permanente […] Je suis athée et j'enveloppe les croyants dans un mépris égal, n'importe l'objet de leur foi, je n'en respecte aucune, je n'ai d'estime que pour les simulateurs dont les croyants sont les victimes et qui les mangeront au nom de l'idéal, avec ceux-là au moins l'on peut s'entendre. La bonne foi des sots n'est qu'une peste, leur bonne volonté n'est qu'un délire et maintenant qu'ils nombrent plusieurs milliards, nous n'auront bientôt que le choix de les exterminer ou de les chaponner. La Gnose seule me contente, elle me rend une raison de l'univers absurde où nous nous incommodons à plaisir et nous nous brûlons pour des visions cornues". 

Albert Caraco
Ma Confession

jeudi 6 décembre 2012

L'anti-gnangnan


"Aux fadaises altruistes, on pourrait aisément opposer les considérations de Freud sur l’instinct de mort, les analyses de René Girard sur le mimétisme des désirs poussant les humains au carnage, ou, tout simplement, les aspirations progressistes sincères et profondes dont tout tueur en série est animé — comme en témoigne ce billet glissé par Jack l’Éventreur dans le sac à main d’une de ses victimes : «Un jour les hommes se souviendront, et comprendront, que j’ai donné naissance au XXe siècle».

Une parabole valant mieux que des raisonnements, voici le récit que Critilo fait à son jeune élève Andrénio dans le Criticón de Baltasar Gracián : On jette vivant un criminel dans une fosse profonde grouillant d’affreux insectes, de reptiles, de fauves, après quoi on en ferme hermétiquement l’ouverture afin qu’il périsse à l’abri des regards. Un voyageur vient à passer par là.  Entendant des cris de douleur et des appels à l’aide, il retire la dalle qui obstrue la fosse. Aussitôt, un tigre bondit, et le voyageur, qui croit être déchiqueté sur le champ, voit que le fauve lui lèche les mains. Quand surgit un serpent, il craint d’être étouffé quand celui-ci s’enroule autour de ses jambes ; mais il est surpris de constater que l’animal se prosterne à ses pieds. Toutes les autres bêtes font de même, lui rendant grâce de leur avoir sauvé la vie menacée dans cette périlleuse promiscuité avec un homme. Reconnaissantes à l’égard de leur bienfaiteur, elles lui conseillent de filer au plus vite avant qu’il ne soit menacé à son tour par le cruel prédateur. Et, sitôt dit, elles s’enfuient les unes en volant, les autres en courant, d’autres encore en rampant. Resté seul et perplexe, le voyageur voit enfin l’homme sortir. Ce dernier, pensant que son libérateur a de l’argent, se rue sur lui, le tue et le dépouille. Et Critilo de conclure que la nature, pour éviter que des espèces s’entredétruisent, fut bien avisée de faire en sorte que les animaux les plus dangereux ne pussent jamais égaler la férocité humaine."

In Le Philosophe sans qualités
Flammarion