André
Müller : Pouvez-vous préciser pourquoi les familles avec enfants vous
paraissent si détestables ? Vous avez dit qu’il fallait couper les
oreilles à toutes les mères.
Thomas
Bernhard : J’ai dit ça parce que c’est
une erreur lorsque les gens croient donner naissance à des enfants. C’est un
subterfuge vraiment grossier. Car ils donnent naissance à des adultes, pas à
des enfants. Ils mettent au monde un aubergiste ou un tueur en série transpirant,
bedonnant, répugnant, pas des enfants. Les gens disent qu’ils attendent
l’arrivée d’un petit marmot, mais en réalité ils attendent un vieillard de
quatre-vingts ans qui fuit de partout, qui n’y voit plus rien et qui pue, qui
traîne la jambe, paralysé par la goutte, voilà ce qu’ils mettent au monde. Mais
ils ne le voient pas, à seule fin que la nature puisse continuer à avoir le
dernier mot et que cette saloperie puisse se prolonger sans fin.
Sur les traces de la vérité