André
Müller : Pouvez-vous préciser pourquoi les familles avec enfants vous
paraissent si détestables ? Vous avez dit qu’il fallait couper les
oreilles à toutes les mères.
Thomas
Bernhard : J’ai dit ça parce que c’est
une erreur lorsque les gens croient donner naissance à des enfants. C’est un
subterfuge vraiment grossier. Car ils donnent naissance à des adultes, pas à
des enfants. Ils mettent au monde un aubergiste ou un tueur en série transpirant,
bedonnant, répugnant, pas des enfants. Les gens disent qu’ils attendent
l’arrivée d’un petit marmot, mais en réalité ils attendent un vieillard de
quatre-vingts ans qui fuit de partout, qui n’y voit plus rien et qui pue, qui
traîne la jambe, paralysé par la goutte, voilà ce qu’ils mettent au monde. Mais
ils ne le voient pas, à seule fin que la nature puisse continuer à avoir le
dernier mot et que cette saloperie puisse se prolonger sans fin.
Sur les traces de la vérité
Libellé parfait !
RépondreSupprimerThomas Bernhard, par l'intermédiaire d'un philosophe chic mais sans qualités, me donne avec ce propos une joie tempérée; un doux contentement de savoir que je vis toujours malgré l'évidence.
RépondreSupprimerEt Porchia qui rajoute son grain de sel : " Pour me libérer de ce que je vis, je vis."
Merci monsieur.
Hasard heureux, cher Frederic. Je lis votre dernier billet hier soir. Et en feuilletant ce matin le "Journal des erreurs" de Ennio Flaiano, ces mots : "Enfants dans des landaus, portant dejà les stigmates de leur futur opaque : directeurs, professeurs, surtout maris et pères". Pierre L.
RépondreSupprimerMerci Frédéric pour cette sincère et profonde pensée..
RépondreSupprimerC'est Roger Munier qui me semble pouvoir répondre merveilleusement à votre questionnement intérieur:
" Ce n'est pas la mort qui est pourriture, c'est la vie qui est pourrissante."
" Avec l'âge, on pénètre le sens des choses. Cela ôte le goût des choses."
" Je suis fait aussi de ce que je ne suis pas, jamais peut être ne serai. C'est même de cela, de cela seul, que part ce que je suis. "
En tous cas, je pense que ce sujet est un sujet très moderne sur lequel il faudrait écrire, car le désir de paternité, maternité s'inscrit aussi là-dedans... et une humanité qui ne désirerait plus, serait-elle encore humaine?
Bonne continuation,
Frédéric Serrano
Merci ! Passionnant ! J'avais prévu de lire cet écrivain : je vais foncer ! Quel livre me conseilleriez-vous s'il-vous-plaît ? Respectueusement.
RépondreSupprimerExtinction, Maîtres anciens , Mes Prix littéraires. Tout est bon.
RépondreSupprimerMerci ! "Extinction" me paraît tout indiqué !
RépondreSupprimerIl serait peut-être intéressant, cher Frédéric, de se demander si la perfection n'est pas dans l'enfance, si l'adulte n'est pas qu'un enfant qui a commencé à pourrir...et qui veut de toutes forces revenir sur ce qu’il a perdu et se perd chaque jour davantage, en « procréant « à tout prix, à n’importe quel prix. C’est là le mal radical.
RépondreSupprimerIl faut beaucoup d'innocence et d'inconséquence pour s'engager dans l'édification d'un être quand souvent, très souvent, on ne dispose même pas des moyens d'une sculpture de soi ou d'une construction de son propre couple dans la forme appropriée à son tempérament. L'engendrement agit en nouveau piège pour empêcher l'éros léger et condamner à la lourdeur d'une érotique familiale au service de plus qu'elle, à savoir la société.
RépondreSupprimerTout ceci est fort juste, mais ... Pourquoi les oreilles ?
RépondreSupprimerPourtant, cette petite chose agitée, hurlante, enduite de sécrétions sanguinolentes et visqueuses,
RépondreSupprimerc'était moi, tout craché !