jeudi 31 mai 2018

Otium cum litteris — XIII


O Livro do Desassossego de Fernando Pessoa paraît enfin en français sous le titre: Livres de l’inquiétude. Traduire le terme de desassossego par le néologisme d’«intranquillité» était une funeste coquetterie littéraire prisée des têtes plates ayant eu pour effet d’affadir l’ennui, les hantises, les dégoûts, les interrogations, les obsessions, les tourments, les tentations de la folie et du suicide éprouvés par le narrateur. Bernardo Soares ne souffre pas d’une légère incommodité de vivre, mais d’un malaise radical. Son inquiétude ne le pousse ni à s’en prendre à Dieu ni à gémir sur son sort. Il n’est pas un Job en col blanc qui prend à témoin les Lisboètes de l’infortune qui le frappe. Il ne veut susciter la pitié de personne. Pour tenir le coup, il rédige le journal de sa déréliction avec la légèreté de ton de ceux qui n'en mènent pas large dans l'existence.


samedi 19 mai 2018

Otium cum litteris — XII

Gabriela Manzoni

«Si j’ai un jour arrêté d’écrire, c’est parce que, simplement, je me suis mis à douter de tout. De moi, du sens de mon travail et de l’intérêt des livres en général. Quand on se met à réfléchir à ce genre de problèmes, cela signifie qu’on a déjà basculé de l’autre côté. Publier demande un minimum de foi, d’orgueil et d’aveuglement. Or, je ne possède plus aucun de ces sentiments énergétiques. Je n’ai plus la vitalité ou l’innocence qui permet d’avancer d’un jour sur l’autre, de passer d’une phrase à la suivante. Tout au plus suis-je désormais capable de décrire les symptômes de ma paralysie, de me livrer moi-même à une médiocre autopsie de ma vie. Alors quand un individu dans votre genre me demande le pourquoi de mon retrait, j’invoque systématiquement la paresse. Je n’ai jamais fait partie, cher Hans, de ceux qui croient que l’écriture est une activité noble. Un romancier n’a jamais été pour moi autre chose que le résultat d’un croisement hybride entre un grammairien et un concessionnaire Toyota. Je me comprends.»
Jean-Paul Dubois Kennedy et moi

mardi 8 mai 2018

Incipit sans suite — 16


Elle en voulait à ses parents de l’avoir fait naître en novembre, le mois où son anniversaire coïnciderait avec l’interminable disparition de l’été.