J’ai souri en apprenant qu’à l’occasion d’une
audience donnée ce jour à des parlementaires français, le pape aurait exhorté
ces derniers à abroger les lois sur l’avortement, l’euthanasie, le mariage gay,
afin d’apporter à la France «l'indispensable qualité qui élève et anoblit
la personne humaine». J’ai souri comme toujours quand j’entends une crapule
en appeler à la dignité de l’homme.
Volontairement ou non sous-informée, l’opinion n’a
vu dans la démission de Benoît XVI et l’élection du pape François qu’un
changement de chef de l’Église sans comprendre qu’il s’agissait d’un coup
d’Etat au sein de la curie romaine orchestré par sa branche mafieuse.
Pourvoyeuse de fonds de la démocratie chrétienne et
de ses avatars néo-libéraux, la mafia italienne instrumentalise l’Église depuis
la fin de la guerre pour blanchir son argent. Nombre de scandales financiers et
de meurtres ont révélé qu’elle en est le noyau dur depuis quarante ans. Instrumentalisée
à son tour par les Etats-Unis et, par là même, chargée durant les années quatre-vingt-dix
d’accélérer la décomposition de l’empire soviétique, elle fit nommer pape le Polonais Karol
Józef Wojtyła qui apparut comme le berger de
l’antitotalitarisme, et par ses prêches œcuméniques, comme le pasteur de la
mondialisation — fraternelle, bien sûr. Jamais la mafia ne fut aussi active et,
en même temps, oubliée, que sous le règne de Jean-Paul II, règne qui fut aussi
celui de Berlusconi — ancien membre de l’organisation criminelle Propaganda
due — dite Loge P2 liée à la faillite de la banque Ambrosiano du Vatican.
Avec la mort de Jean-Paul II et l’élection de
Benoît XVI rien n’alla plus aussi bien. Pour la curie, le pape allemand
semblait présenter de bonnes garanties de représentation. Intellectuel,
philosophe de haut niveau, on attendait de lui, même s’il était moins
charismatique que son prédécesseur, qu’il offrît une belle vitrine spirituelle
de l’Église derrière quoi elle pouvait perpétuer ses crimes. Or, sous ses airs
de vieux théologien uniquement versé dans les questions doctrinales, Benoît XVI
a tenté de s’opposer à la curie en donnant à la presse italienne, via
son majordome, les preuves de collusion entre des membres éminents du
Saint-Siège et les milieux des trafics interlopes. Ce fut l’affaire dite de
«vatileaks». Prompte à contre-attaquer, la curie fit éclater des scandales
sexuels touchant les évêques alliés au pape, scandales qui poussèrent ce
dernier, isolé, à la démission.
Le nouveau pape, dès lors, est l’homme de la
situation pour redorer la façade du Vatican. Collaborateur actif de la junte militaire
argentine durant ses années de pouvoir sanglant, et ayant eu l’habileté
jésuitique de faire oublier cette période en devenant l’évêque des pauvres, c’était
lui que la curie mafieuse devait nommer. En allant laver les pieds des taulards,
il gagne la popularité des pauvres d’esprit. En dénonçant un odieux «lobby gay»
au sein de l’Église, il élimine les réformateurs. En lançant des imprécations
contre la richesse et les puissants, il renoue avec le message révolutionnaire
des évangiles. Du bon boulot. Les combinazioni vont pouvoir reprendre leur cours normal.