La perspective de devoir présenter un QR Chose à un patron de bistrot pour avoir le plaisir de boire un café en terrasse, me coupe toute envie d’aller boire un café en terrasse. Je préfère renoncer à cette agréable habitude plutôt que de prendre celle, méprisable, de montrer patte blanche à un taulier ou, pire, à la maréchaussée.
L’instauration du passe m’apparaît comme un système de surveillance et d'intimidation policier, para-policier, patronal, consistant à violer le secret médical des gens et à les réprimer, par des amendes et des suspensions de salaire, s'ils ne se montrent pas sanitairement corrects. Les démocrates candides ont beau fustiger à haute voix ceux qui dénoncent une dictature sanitaire, ils ne peuvent nier qu’il s’agit bien de contrôler des citoyens — ils le seront aussi. La seule raison qu’ils trouvent pour justifier leur adhésion à la loi qui vient d’être votée est la défense d’un intérêt collectif: la santé. Au nom de la santé de tous, ils approuvaient hier l’enfermement, les couvre-feux, les laisser-passer. Comme ce sont des progressistes en matière de médecine, ils approuvent désormais le bannissement de la vie sociale de leurs concitoyens qui, fussent-ils vaccinés, refusent le passe-sanitaire. Je ne puis m’empêcher de voir dans ces champions de la démocratie, éclairés par la science et le gouvernement, un désir d’ôter aux «anti-passe» leurs droits civiques, alors qu’il ne me semble pas que, de leur côté, les «anti-passe» réclament la non-vaccination obligatoire pour tous, encore moins des sanctions ou des vexations pour les vaccinés. Par ailleurs, d’autres que moi l’ont déjà remarqué: si Marine le Pen était au pouvoir et qu’elle eût pris les mêmes mesures de coercition que le président Macron, ces démocrates auraient fait irruption sur les Champs Élysées au cri de:« À bas le fascisme sanitaire».
Pour ma part, je ne parle pas de dictature sanitaire. Les quelques gugusses qui ont arboré l’étoile jaune où il était inscrit «anti-vaccin» sont clairement des demeurés, mais ils sont le reflet symétrique inversé de ces autres demeurés «pro-passe», largement plus nombreux, qui plastronnent sur les plateaux de télévision et traitent les «anti-passe» de criminels, de conspirationnistes, d’obscurantistes, etc.
Je comparerais plutôt les décisions gouvernementales et parlementaires à celles d’une forme d'inquisition politico-médicale. Il y a un dogme: le Vaccin préserve du diable Delta. Il faut non seulement y croire mais s’y convertir sous peine d’ostracisme social. Or, on ne s’y convertit qu'à la condition de se faire baptiser en tendant le mou de son deltoïde à un prêtre en blouse blanche qui y plantera une seringue. Ainsi notre société se divise-t-elle à présent en baptisés et non-baptisés, les premiers résignés à produire leur certificat de baptême en toute occasion, les seconds bientôt condamnés à agiter une crécelle aux abords des lieux fréquentés. Personnellement, je me réjouirais que la nouvelle loi suscitât non pas un mouvement de résistance — le mot est bien ronflant — mais de resquille. Les resquilleurs font preuve de cette intelligence pratique et insolente qu’on appelle l'astuce. Je compte sur eux pour tourner en ridicule les grands et petits inquisiteurs qui se piquent, si j’ose dire, de convertir leurs prochains à leurs lubies sanitaires.