En traînant dans mon quartier, hier après-midi, je suis passé devant le mur blanc qui entoure une propriété. Mon ombre s'y projetait. J'ai pensé à Platon, à sa parabole de la caverne du livre VII de La République et, aussi, à Adelbert von Chamisso l'auteur de L’étrange histoire de Peter Schlemihl. Platon affirme que les prisonniers de la caverne prennent leur ombre pour leur individualité propre, Chamisso conte l'histoire d'un homme qui, par cupidité, vend son âme au Diable et, dès lors, n'a plus d'ombre. Comment n'aurais-je pas songé, également, à Baudouin Villard, le personnage de mon roman, Rétrécissement, qui voit son ombre de l'épaisseur d'un câble serpenter sur le trottoir? En arrêt devant cet étrange reflet qui me ressemblait, je me suis dit que je n'étais pas le malheureux Baudouin, que je faisais bien la différence entre mon corps et son ombre, que le Diable, pas plus que Dieu, ne s'est jamais intéressé à mon âme. J'ai ajusté mon panama sur les yeux et j'ai continué à traîner.