Mon
éditeur m’apprend que mes Journées
perdues sont épuisées. Dans un pays où les citoyens ont voté pour un parti
portant le nom vulgaire de En
marche !, je me félicite du succès de mon
éloge de l’immobilité. Après les concepts de chichi, de blabla, de gnangnan, je projetais l’idée d’en
peaufiner un autre, en vue de fonder une éthique, à savoir le concept de planplan. Eh bien, ma Philosophie du planplan, je considère
qu’elle se trouve pour l’essentiel dans mes Journées
perdues. Il n'y aura pas un retirage du bouquin. Tant pis pour ceux qui ne se sont
pas empressés de se le procurer.
L’été se
faufile en plein mois d’avril. Il est des resquilleurs plus indésirables. J’en
profite pour reprendre mes habitudes oblomoviennes sur la terrasse. Allongé sur
mon canapé d’extérieur, je lis L’Endroit
du paradis, le dernier opus de Clément Rosset (Encre marine). «Dès lors que règne la joie de vivre, il
n’est aucun fait, aucune circonstance qui puissent la perturber ou la
contrarier». Pardon, Clément, mais ta mort, pour tes amis, ce n’est pas la
joie, comme on dit.
Sur les
conseils de Guy Karl (clic), je lis aussi L’Anxiété
de Lucrèce, un livre que le Dr Benjamin-Joseph Logre écrivit pendant l’Occupation alors
qu’il se cachait des nazis. Pour le psychiatre, il convient de lire le De Natura rerum comme les confessions d’un mélancolique, comme «le récit d’un drame intérieur» et, aussi, comme l’effort spirituel
du poète pour se délivrer de la «tyrannie
de l’angoisse». Une ascèse vouée à l’échec. Car Logre donne raison à saint
Jérôme: Lucrèce se suicida. Pour le fervent disciple d’Épicure, la seule ataraxie
fut la mort. Sans être psychiatre ni philosophe, je me demande si elle n’est
pas la seule ataraxie pour tous.