Nous avons
déjà indiqué au lecteur de cette page que nous préparions un essai sur
l’étiolement personnel. Or, en amassant de la documentation pour les besoins de
notre travail, nous sommes tombé sur ce rapport datant de 2013 établi par le
professeur Edward Sampson à la demande des instances de l’OMS, et qui, très
heureusement, traite de notre sujet. Nous en traduisons ici un passage des plus
instructifs: «Si on observe la nature de
l’étiolement (etiolation) on constate
qu’il tire très certainement son origine du goût pour la philosophie. L’âge
d’or en était exempt. L’âge d’argent, qui le suivit, conserva encore sa pureté.
L’âge d’airain donna naissance au goût pour les idées. L’étiolement apparut
alors ici et là, mais en des foyers circonscrits. C’est à l’âge de fer qu’il se
répandit avec force dans le monde en vertu de sa contagion et que l’on vit émerger les diverses formes de diminution mentale et physiologique qui
affectent les hommes depuis des siècles. Le platonisme produisit les humeurs
aiguës et frénétiques; l’aristotélisme, la jaunisse et l’insomnie; c’est du
matérialisme antique que vinrent les léthargies, les paralysies et les
langueurs; le thomisme fit les inflammations de poitrine; le cartésianisme, les
syncopes, le spinozisme les hallucinations géométriques, l’hégélianisme la gale;
le nietzschéisme donna la goutte et les idées noires; le marxisme la rougeole; le
scorbut fut la conséquence directe du positivisme, la dysenterie celle de la
philosophie analytique du langage. Le structuralisme causa l’apoplexie; les neurosciences
aggravèrent les migraines et les transports au cerveau; les études de genre générèrent
les troubles de la libido […]» Deux pages plus loin, Sampson introduit une remarque intéressante: «L’objectivité nous pousse à signaler que
d’autres chercheurs avancent l’hypothèse
que ce ne serait pas ces doctrines qui suscitèrent ces troubles mais, à
l’inverse, que ce serait ces troubles qui suscitèrent pareilles doctrines. Selon
l’équipe du Dr Herbert Cohen-Livak, l’hédonisme solaire, par exemple,
procèderait de crises aiguës de ballonnements accompagnées de bouffées
mégalomaniaques.» […] «Sans faire le
départ exact entre la cause et l’effet, reprend Sampson, on peut néanmoins affirmer que la
philosophie à elle seule a engendré plus d’étiolement que tout le reste ensemble
des microbes, virus et parasites, mais que, comme elle débite à son sujet le
persuasif mensonge selon lequel elle serait le remède aux maux qu’elle provoque,
au lieu de la blâmer et de se prémunir de ses effets morbides, les hommes la
louent et s’y adonnent comme s’il s’agissait d’une médecine salvatrice pour
l’esprit et le corps». Et Sampson de conclure: «Autant dire que la situation s’avère préoccupante». Inutile de
préciser que nous ne partageons pas la préoccupation de l’auteur de ce rapport
dans la mesure où nous concevons l’étiolement ni comme un bien ni comme un mal
mais, sauf accident, comme une nécessité de l’existence. N’en déplaise au
professeur Sampson, ce n’est pas en supprimant la lecture des philosophes,
recommandation sanitaire que nous considérons au demeurant comme positive, que
l’homme cessera d’être l’existant-pour-l’étiolement.
Mais nous en avons dit assez sur ce point.