jeudi 19 octobre 2023

Houba !

 


En traînant hier à Biarritz, je suis allé à la Librairie Darrigade. Pour mon anniversaire, j'avais l'envie de m'offrir un Spirou, QRN sur Bretzellburg, et l'opuscule de Schopenhauer, Senilia, l'art de vieillir. Spirou me renvoie dans l'enfance, le Patron me rappelle mon âge. En repartant sur ma Vespa PX 125, j'eus l'idée de m'arrêter à la buvette du phare. J'ai pris Senilia afin d'en picorer quelques apophtegmes en buvant un Coca. Quand je tiens un inédit de Schopenhauer, je brûle d'impatience, comme on dit, de le parcourir avant de le lire. C'est comme si je venais de recevoir le courrier d'un ami cher, un complice intellectuel. J'ai donc ouvert l'ouvrage au hasard et j'ai lu: «L'enfer n'est autre que ce monde. Les hommes y sont tantôt les damnés, tantôt les démons.» Sur une autre page: «La misanthropie et le goût de la solitude sont des notions équivalentes.» Je ne sais si je suis un grand esprit, mais les mots du Bousilleur de métaphysiques rencontrent toujours ma sensibilité. Je crois pouvoir dire que Schopenhauer est le seul philosophe qui me parle. Maintenant, le Marsupilami, c'est quelqu'un, aussi!


samedi 14 octobre 2023

Fuir les peuples


En traînant à la Chambre d'amour, avant l'orage, je me demandais pourquoi des individus prétendaient appartenir à un peuple, sauf pour se permettre de mépriser ou de stigmatiser d'autres individus prétendant aussi appartenir à un peuple, et se donner la liberté de les persécuter. Quand un homme ou une femme me mentionne son appartenance à tel ou tel peuple - avec ses références religieuses, ses valeurs, ses traditions, bref avec tout son folklore - je suis pris de crainte. Comment, moi, qui ne fais partie de nul troupeau humain, vais-je être perçu par ce type ou cette bonne femme? Leur fierté grégaire ne me dit rien de bon. Aussi ma prudence de brebis égarée depuis toujours me conseille-t-elle d'aller traîner plus loin. 


 

dimanche 8 octobre 2023

Le plaisir de l'indignation


Les Afghans, les Ukrainiens, les Arméniens, les Israéliens. Dans mes jeunes années, les Vietnamiens, les Chiliens, les Palestiniens. J’ai toujours vu de belles âmes s’indigner du sort subi par des «peuples», des «nations», des «populations», des individus. Dans un élan de courage elles signent les pétitions d’intellectuels, défilent dans les villes paisibles. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, elles placardent le drapeau de tel ou tel pays, proclament «Je suis ceci», «Je suis cela». Je ne sais si les belles âmes feignent leur indignation. Je constate que pareille passion, dans son expression mélodramatique, présente pour elles les avantages non seulement de se mettre en valeur aux yeux des autres et de se dispenser d’agir autrement que par des gesticulations, mais, surtout, de s’instituer en procureurs. Car l’expérience m’a montré que si les belles âmes défendent une cause — sans nuire à leur confort — c’est pour accuser les suspects qui ne manifestent à son égard ni compassion, ni solidarité, ni intérêt. «Ils ne condamnent pas le Mal? Alors ils sont condamnables.» Suspecter, accuser, condamner les indifférents apporte toujours cette jouissance sans laquelle les belles âmes ne s’indigneraient pas. Je crains qu’elle ne soit leur seule motivation.      


 

dimanche 1 octobre 2023

Méditation au crépuscule


En traînant ce soir à la Chambre d'amour, peu après le coucher du soleil, je méditais sur les risques de malentendus entre les êtres. J'en suis venu vite à la conclusion qu'il n'y en avait aucun puisque Dieu n'avait donné les mots aux humains précisément pour qu'ils ne se comprennent jamais.


 

mardi 26 septembre 2023

Le traîneur et son ombre

 


En traînant dans mon quartier, hier après-midi, je suis passé devant le mur blanc qui entoure une propriété. Mon ombre s'y projetait. J'ai pensé à Platon, à sa parabole de la caverne du livre VII de La République et, aussi, à Adelbert von Chamisso l'auteur de L’étrange histoire de Peter Schlemihl. Platon affirme que les prisonniers de la caverne prennent leur ombre pour leur individualité propre, Chamisso conte l'histoire d'un homme qui, par cupidité, vend son âme au Diable et, dès lors, n'a plus d'ombre. Comment n'aurais-je pas songé, également, à Baudouin Villard, le personnage de mon roman, Rétrécissement, qui voit son ombre de l'épaisseur d'un câble serpenter sur le trottoir? En arrêt devant cet étrange reflet qui me ressemblait, je me suis dit que je n'étais pas le malheureux Baudouin, que je faisais bien la différence entre mon corps et son ombre, que le Diable, pas plus que Dieu, ne s'est jamais intéressé à mon âme. J'ai ajusté mon panama sur les yeux et j'ai continué à traîner.


samedi 16 septembre 2023

Miss Bloody et moi


Au centre d'analyses d'hémoglobine, la jeune vampire remplit ma fiche avant de prélever mon humeur. Elle me demande où je suis né. À Bobodioulasso. Où? Je répète et épelle. Quel pays? Burkina Faso. L'ordinateur ne trouve aucun des deux noms. La Draculette aux yeux verts écrit dans les rubriques respectives: Inconnu. Dans le petit cabinet, je lui fais, le temps de la brève piqûre, un cours d'histoire et de géographie. Elle reste persuadée que le Burkina Faso et Bobo Dioulasso sont des lieux que j'ai inventés. Ce n'est pas l'avis des Français qui s'en font actuellement chasser, lui dis-je. Miss Bloody sourit. Elle me prend pour un mythomane. Après tout, vous avez le droit de naître nulle part, déclare-t-elle. Oui, lui ai-je rétorqué. N'importe où, dès lors que c'est hors du monde.


 

vendredi 1 septembre 2023

Sunset


En traînant hier soir à la Chambre d'amour, et en essayant de regarder le soleil en face, je songeais que les vacances se terminaient. Même si je ne suis pas concerné par le retour au bagne, j'ai éprouvé la mélancolie de l'écolier avant la rentrée des classes.


 

mercredi 30 août 2023

La servitude désirée


Je conçois fort bien que des jeunes filles mahométanes revêtent au lycée ce seyant effet nommé «abaya». Si cela correspond chez elles à un besoin de provoquer l'autorité et de heurter la société, sans que pareille tenue ne représente pour elles une véritable marque de foi, elles réussissent leur coup. Les petites-bourgeoises des années 60 adoptaient le style hippie, celles des années 70 le style punk, celles des années 80 le style gothique, celle des années 90 le style grunge, etc. Hormis les hippies, les demoiselles de ces décennies-là se maquillaient, se tatouaient, se perçaient les parties du visage pour effrayer. Déranger et faire peur est le conformisme de l'adolescence, c'est bien connu, et le style abaya ne semble pas y échapper. Toutefois, si revêtir cet atour répond à un authentique acte de foi, alors il faut n'y voir que l'expression d'un désir de soumission — tout aussi répandu que la manie de choquer en se déguisant. Car la soumission, dans bien des cas, n'est pas tant volontaire, comme le prétendait La Boétie, que désirée. Qui dit désir d'être soumise dit jouissance à l'être et, surtout, à le paraître. Le narcissisme obéit aussi à la pulsion de l'enlaidissement et du rabaissement.


 

dimanche 27 août 2023

Philosopher à l'ombre?


En traînant à Biarritz, l'autre jour, la chaleur commençait à m'importuner. Impossible de philosopher. Je me suis alors demandé quelle était la température la plus favorable pour que mon esprit se lance dans l'élaboration de concepts. Je me suis souvenu que telle était pour Gilles Deleuze la vocation du philosophe. Avec ses "machines désirantes", ses "rhizomes", son "pli", que sais-je encore, Deleuze, en effet, sur ce point, ne nous a pas déçus. Mais philosophait-il par fortes températures? J'ai creusé ma mémoire pour me rappeler en quelle condition atmosphérique j'avais forgé jadis les concepts de "chichi", de "blabla", de "gnangnan". En vain. J'ai eu toutefois souvenir que si je n'avais pu peaufiner le concept de "concon" qui visait à définir des théories sur le bonheur, la joie, la vie réussie, ce n'était pas pour des raisons météorologiques, mais par flemme. Ma flemme connaît des variations, mais elle est mon unique climat intime.


 

dimanche 13 août 2023

Acide


Le prix de la Maison Rouge de Biarritz a été attribué hier soir à Victor Dumiot pour son roman Acide (éditions Bouquins).
Parution: jeudi 17 août.






 

mercredi 9 août 2023

En traînant dans le Gers


Une escapade dans le Gers évite d'aller en Italie. Je me satisfais d'une atmosphère - comme Des Esseintes qui renonce à aller à Londres après une promenade en calèche sur un boulevard parisien par une nuit brouillardeuse. Les voyages, je les laisse aux vacanciers.




 

vendredi 4 août 2023

En traînant dans mon salon


En traînant dans mon salon, l'autre soir, je me suis laissé tenter par la diffusion de Et pour quelques dollars de plus. J'ai vu ce film des dizaines de fois. Je ne m'en lasse pas. J'y trouve le même plaisir esthétique que j'avais éprouvé tout jeune adolescent. La violence, le cynisme, les plans si soignés... Certes, le jeu de Gian Maria Volonte - El Indio - n'est pas très sobre, mais il est compensé par le flegme de Clint Eastwood - Le Manchot - et l'élégance de Lee Van Cleef - Le Colonel-. Morricone joue aussi, bien sûr, sa partition. Sergio Leone aura été pour moi un éducateur esthétique. Un maître en pessimisme, aussi. Ses héros, pas très positifs, triomphent des salauds sans chercher à améliorer le monde.