Bruno Lalonde, libraire à Montréal, évoque le plaisir qu'il a éprouvé à lire Le Plafond de Montaigne (ouvrage épuisé). Il est réconfortant de savoir que des pages que l'on a écrites et qui se sont envolées vers d'autres cieux sont tombées en de bonnes mains.
dimanche 2 juin 2013
jeudi 30 mai 2013
Ad usum mei — 17
Un nombreux public joyeux et réactif
à la conférence inaugurale de la Fête de la Philo
J’apprends qu’une «fête
de la philo» se déroule tout au long du mois de mai et jusqu'à la mi-juin à Paris comme en province.
On nous annonce que «de nombreuses manifestations
investiront l'espace public (musées, théâtres, universités, lycées, écoles,
mais aussi la rue et les cafés, les restaurants, les librairies, etc.)»,
marquant par là «une volonté pour les organisateurs de rendre la philosophie
”populaire” et de la voir s'ouvrir à une audience la plus large possible». Le
public des exclus du concept profitera de l’aubaine pour écouter des
conférences présentées comme «ludiques, accessibles et existentielles» et, dans
un souci de «dialogue citoyen», il sera même invité à philosopher avec «des
intervenants prestigieux». Après les Restos du cœur de Coluche et la Soupe
populaire d’Onfray, voici donc la Distribution gratuite de jugeote patronnée
par Jacques Attali, Elisabeth Badinter et Luc Ferry. C’est une bonne nouvelle. Avant la fête nationale du
tapage musical, il y aura désormais un festival des vents de bouche.
samedi 25 mai 2013
Ad usum mei — 15
Fan du PSQ photographiée lors d'une éclaircie
L’ennui avec le temps
maussade, c’est qu’il nourrit la conversation des gens qui n’en ont pas — de
conversation. Surtout, il devient un sujet de plainte comme si le printemps devait
tenir ses belles promesses. Où sont passées les journées ensoleillées et les
douces températures ? Qu’il n’y ait nul responsable auquel on puisse
imputer pareille défection, rajoute au ressentiment général. Dès lors, non
seulement il me faut endurer la pluie, mais aussi l’indignation météorologique
de mes contemporains. Je préfère de loin la première.
L’avantage du mauvais
temps est qu’il vous contraint à rester chez vous et à vous convertir au
stoïcisme, c’est-à-dire à faire de nécessité vertu. En l’occurrence, j’en
profite pour rendre visite aux livres de ma bibliothèque — celle des romans,
les livres de philosophie étant «rangés» ailleurs. J’en prends un,
je le feuillette, je le repose. Parfois, je relis un passage que j’avais
souligné jadis au crayon. Il m’arrive d’en percevoir toujours la beauté ou la
pertinence. C’est même le cas à chaque fois — ce qui m’incite à penser que le
moi dont je suis doté aujourd’hui reste dans la lignée spirituelle ou
esthétique du moi d’alors. D’où vient cette continuité dans les pensées ou le
goût? Question ou fausse question que je laisse en suspens. Je me
contenterai de me dire que vieillir n’est pas changer. On rompt avec quelques
habitudes et on prend d’autres plis. Rien de radical. L’homme est l’animal
petit-bourgeois. Là où j’ai changé, en revanche, c’est dans le fait que je lis
de moins en moins de romans et que je ne souligne plus aucune phrase au crayon.
Les phrases qui me plaisent, j’ai coutume depuis un certain temps de les écrire
moi-même et de les compiler dans des volumes. Même par temps de pluie, je n’ai
pas le désir de les feuilleter. Reste mon blogue que j’ai de plus en plus la
flemme de tenir. Mais je m’y efforce. Nulla
dies sine linea. Bonne méthode pour ne pas laisser rouiller son esprit et
son style. Pour ma part, je ramollis la maxime. Pas une semaine sans une ligne.
Dieu se reposa le septième jour qui suivit la Création. Je fais aussi dans l'hebdomadaire. Mais j’ai opté pour le
rythme inverse. Je paresse six jours et j’écris le septième.
samedi 18 mai 2013
Ad usum mei — 14
Mon précédent billet a
suscité bien des réactions — et des échanges — chez les fidèles abonnés de ce blogue. Je comprends.
La thèse de Santiago Espinosa est si paradoxale qu’elle ne peut que surprendre.
Cela dit, toutes les idées philosophiques, ou, simplement, intelligentes, sont
paradoxales. Pour rester dans le domaine esthétique, on se souvient qu’Oscar
Wilde tenait pour lui — dans son délicieux essai L’effondrement du mensonge — que ce n’était pas l’art qui imitait
la vie, mais la vie qui imitait l’art. À juste titre. Personnellement je
connais des nanas, des lolitas, des bovarys. Candide, je les crédite d’abord
d’un certain romantisme. Mais le romantique, c’est moi. Jeune homme, j’étais le
Antoine Doinel de la côte basque, même si, souvent, on voyait en moi un don
juan. Certains soirs d’été à Guéthary, les ciels s’efforcent d’égaler les
couchants de Turner. Parfois, ils y parviennent, laissant place à la douceur
des choses. Quand la nuit est avancée, ma belle et moi nous regagnons Biarritz en
cabriolet démodé. Les tubes italiens nous accompagnent. C’est la dolce vita.
Pour en revenir au livre
de Santiago Espinosa, ce qui est difficile non tant à comprendre mais à
admettre, est l’idée que la musique est une expression, sans doute, mais qui
n’exprime rien — rien d’autre qu’elle même au moment précis où elle est jouée.
Un oiseau qui chante, comme on dit, n’exprime rien. Le plaisir pris à l’écouter
est « gratuit » — sauf si l’auditeur projette ses propres affects sur
les trilles perçues, et sauf si celles-ci déclenchent chez lui une émotion,
telle la gaieté. Mais en aucun cas l’auditeur, sauf à céder à
l’anthropomorphisme, ne pourra affirmer que le rossignol est joyeux et que s’il
s’égosille c’est pour manifester son état d’âme. On objectera qu’un compositeur
n’est pas un rossignol et, dès lors, qu’il peut fort bien avoir l’intention d’exprimer telle ou telle passion
dans son œuvre — l’enthousiasme ou le transport héroïque, par exemple, et
qu’elle sera éprouvée par l’auditeur. « Quand je sors d’un opéra de
Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne », dit Woody Allen. Mais pareille
objection en appelle une autre contre elle, à savoir que quelle que soit
l’intention du compositeur l’auditeur peut parfaitement ne pas l’écouter en ce
sens et ne s’en tenir qu’à un plaisir désintéressé, au sens kantien du terme,
c’est-à-dire un plaisir simple de mélomane ou de musicien. On voit ainsi la
ligne de démarcation tracée par Ortega y Gasset — tant dans La déshumanisation
de l’art que dans Musicalia — entre,
d’une part, une écoute «naïve» de la musique comme langage des émotions
ordinaires et comme occasion particulière de les ressentir un peu autrement,
sous une forme esthétique, et, d’autre part, une écoute «savante» ou «cultivée»
des œuvres comme architectures sonores peu ou prou sophistiquées destinées à
susciter des sentiments étrangers à toute psychologie. Les amateurs de la
première écoute appartiennent à la masse. Ils aiment la musique comme moyen de
danser, de protester, de s’indigner, de pleurer ou de se réjouir. Ceux de la
seconde appartiennent à l’élite. Ils écoutent la musique quand elle
s’offre comme l’expression à la fois réitérée et inouïe, harmonieuse ou non, de la cacophonie de l’existence, cette «histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et
de fureur et qui ne veut rien dire».
Libellés :
comédie des passions,
dolce vita,
élégance,
style
lundi 6 mai 2013
Ad usum mei — 11
Aujourd’hui, je n’ai pas surfé
une vague ni écrit une ligne. Dans l’un et l’autre cas, je ne me suis pas jeté
à l’eau. J’ai opté pour un farniente ombre et soleil. Ombre chez moi. Soleil à la piscine de l’HP.
En réalité, le grand moment de la
journée s’est passé à 19H30, heure à laquelle on a remis le prestigieux prix
Jean Vigo à Jean-Charles Fitoussi pour son long métrage L’enclos du temps. Les jurés ont récompensé un «film poétique et
lumineux». Bien vu bien dit. Il faut accepter les prix que l’on nous décerne,
même s’ils sont mérités. En attendant, je suis heureux de jouer dans les films
de Fitoussi le personnage de William Stein, arrière petit-fils du baron Victor Frankenstein — sculpteur de féeries anatomiques. Le cinéma c’est le temps vécu avec d’autres moyens.
samedi 13 avril 2013
Ad usum mei — 4
Article sur le Patron terminé et envoyé. Chaque fois que j’écris sur lui, je retrouve le sourire. Le «saccageur de rêves», l’appelait Maupassant. Jubilant. Si Jean Salem n’avait pas publié un excellent essai sur l’auteur de Bel-Ami, je me serais attelé à la tâche. De tous les écrivains marqués par Schopenhauer — Zola, Flaubert, Huysmans, Mallarmé, Proust —, Maupassant est à mes yeux son plus avisé lecteur. Il lui a même consacré une nouvelle — Auprès d’un mort. «Qu'on proteste ou qu'on se fâche, écrit-il, qu'on s'indigne ou qu'on s'exalte, Schopenhauer a marqué l'humanité du sceau de son dédain et de son désenchantement. Jouisseur désabusé, il a renversé les croyances, les espoirs, les poésies, les chimères, détruit les aspirations, ravagé la confiance des âmes, tué l'amour, abattu le culte idéal de la femme, crevé les illusions des cœurs, accompli la plus gigantesque besogne de sceptique qui ait jamais été faite».
Aujourd’hui, hormis quelques rares essayistes, c’est bien
entendu Michel Houellebecq qui a repris le flambeau schopenhauerien.
Contrairement à ce que répètent Sollers et, surtout, Haenel et Meyronnis — les
Dupond et Dupont de la revue Ligne de
risque ——, le succès de Houellebecq n’est pas dû à son nihilisme dans quoi
l’époque se reconnaîtrait. Houellebecq est un écrivain couru pour de mauvaises
raisons. On n’achète pas ses livres pour sa « philosophie », mais
parce qu’il passe pour un auteur pornographique et trash. Contresens total. Cette époque qui sacralise l’économie, le
consumérisme, la techno-science, et qui, en même temps, charrie
l’analphabétisme culturel, le fanatisme religieux et une criminalité
ultra-violente, les néo-heideggériens la condamnent pour son «nihilisme».
Sous leur plume «nihilisme» est un autre mot pour barbarie. Le
sens, ici, ne renvoie pas aux pensées de l'Ecclésiaste, Lucrèce, Montaigne, Schopenhauer, Cioran
ou Caraco, mais à la morale ou à la sociologie militante. Le nihilisme de
Houellebecq, comme celui de Maupassant, s’inscrit dans la lignée de ces
penseurs. Houellebecq ne croit pas en l’humanité. Il a parfois pitié pour elle.
L’exploitation est la seule réalité sociale et l’aliénation un concept vide.
Tant pis pour les hégéliens de gauche, la vie sera toujours une souffrance pour
rien. «A quoi se rattacher?, demande Norbert de Varenne, l’aïeul de Houellebecq, à Georges Duroy.Vers qui jeter des cris de détresse ? A quoi pouvons-nous croire ? La mort seule est certaine».
vendredi 22 mars 2013
La roue tourne
«[…] N’ayez crainte, mon ami,
je n’ai point pris ombrage des mots avec quoi ce ministre a tenté de ternir La Princesse de Clèves. Pourquoi
souffrirais-je d’une attaque à propos d’un ouvrage dont la rumeur et elle seule
m’attribue la facture ? Quand bien même serais-je l’auteur de ce petit
roman, qui, à Paris, donnerait crédit au jugement d’un homme sans goût pour les
choses de l’esprit, uniquement attaché à cette ferblanterie d’apparat dont il
croit nécessaire de s’accoutrer pour prouver la petite hauteur de sa condition,
qui enrage de n’être point reçu là où se rencontrent les personnes de qualité, sauf,
d’après ce qui est dit, en la maison de Madame de *** où, par son opiniâtreté à s’y faire
connaître, il jouirait de quelque considération et de quelque largesse?»
Lettre
de Madame de La Fayette
à
François de La Rochefoucauld
(18
février 1679)
Libellés :
rire des cons et de leurs alliés
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