Mon précédent billet a
suscité bien des réactions — et des échanges — chez les fidèles abonnés de ce blogue. Je comprends.
La thèse de Santiago Espinosa est si paradoxale qu’elle ne peut que surprendre.
Cela dit, toutes les idées philosophiques, ou, simplement, intelligentes, sont
paradoxales. Pour rester dans le domaine esthétique, on se souvient qu’Oscar
Wilde tenait pour lui — dans son délicieux essai L’effondrement du mensonge — que ce n’était pas l’art qui imitait
la vie, mais la vie qui imitait l’art. À juste titre. Personnellement je
connais des nanas, des lolitas, des bovarys. Candide, je les crédite d’abord
d’un certain romantisme. Mais le romantique, c’est moi. Jeune homme, j’étais le
Antoine Doinel de la côte basque, même si, souvent, on voyait en moi un don
juan. Certains soirs d’été à Guéthary, les ciels s’efforcent d’égaler les
couchants de Turner. Parfois, ils y parviennent, laissant place à la douceur
des choses. Quand la nuit est avancée, ma belle et moi nous regagnons Biarritz en
cabriolet démodé. Les tubes italiens nous accompagnent. C’est la dolce vita.
Pour en revenir au livre
de Santiago Espinosa, ce qui est difficile non tant à comprendre mais à
admettre, est l’idée que la musique est une expression, sans doute, mais qui
n’exprime rien — rien d’autre qu’elle même au moment précis où elle est jouée.
Un oiseau qui chante, comme on dit, n’exprime rien. Le plaisir pris à l’écouter
est « gratuit » — sauf si l’auditeur projette ses propres affects sur
les trilles perçues, et sauf si celles-ci déclenchent chez lui une émotion,
telle la gaieté. Mais en aucun cas l’auditeur, sauf à céder à
l’anthropomorphisme, ne pourra affirmer que le rossignol est joyeux et que s’il
s’égosille c’est pour manifester son état d’âme. On objectera qu’un compositeur
n’est pas un rossignol et, dès lors, qu’il peut fort bien avoir l’intention d’exprimer telle ou telle passion
dans son œuvre — l’enthousiasme ou le transport héroïque, par exemple, et
qu’elle sera éprouvée par l’auditeur. « Quand je sors d’un opéra de
Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne », dit Woody Allen. Mais pareille
objection en appelle une autre contre elle, à savoir que quelle que soit
l’intention du compositeur l’auditeur peut parfaitement ne pas l’écouter en ce
sens et ne s’en tenir qu’à un plaisir désintéressé, au sens kantien du terme,
c’est-à-dire un plaisir simple de mélomane ou de musicien. On voit ainsi la
ligne de démarcation tracée par Ortega y Gasset — tant dans La déshumanisation
de l’art que dans Musicalia — entre,
d’une part, une écoute «naïve» de la musique comme langage des émotions
ordinaires et comme occasion particulière de les ressentir un peu autrement,
sous une forme esthétique, et, d’autre part, une écoute «savante» ou «cultivée»
des œuvres comme architectures sonores peu ou prou sophistiquées destinées à
susciter des sentiments étrangers à toute psychologie. Les amateurs de la
première écoute appartiennent à la masse. Ils aiment la musique comme moyen de
danser, de protester, de s’indigner, de pleurer ou de se réjouir. Ceux de la
seconde appartiennent à l’élite. Ils écoutent la musique quand elle
s’offre comme l’expression à la fois réitérée et inouïe, harmonieuse ou non, de la cacophonie de l’existence, cette «histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et
de fureur et qui ne veut rien dire».
Cher Frédéric, quand j'écoute Strange Fruit de Billie Holiday, j'ai des doutes quant à la validité de la thèse de Santiago Espinosa. Mais avoir des doutes ne veut pas dire ... non, je ne peux me résoudre à finir cette phrase, vous n'avez peut-être pas tort.
RépondreSupprimerMauvaise foi dans la fumée (panique ?) me semble cependant à l'origine de toute sentence.
Cher Marquis,
SupprimerJe me demande aussi si j'arriverai un jour à danser la gigue en écoutant My funny Valentine dans cette version du grand Chet: http://www.youtube.com/watch?v=UOEIQKczRPY
Cher Frédéric,
RépondreSupprimerUne fois de plus, vous éveillez chez moi un incontrôlable désir de lecture. Me voilà donc en quête de l’œuvre de Ortega y Grasset.
Septicisme partagé. J'ignore tout de l'état d'esprit d'Erik Satie au moment où ce dernier a composé ses Gnossiennes. Mais j'ai une petite idée du mobile pour lequel Louis Malle les a intégrées à son adaptation de Le feu follet. J'imagine mal Alain, le personnage central, déambuler dans Paris sur fond de yéyé.
RépondreSupprimerC'est Schopenhauer qui disait que si le monde venait à disparaître, la musique, elle, subsisterait. J’éprouve toujours un malaise quand on parle de création musicale et de création tout court. On ne crée rien, la musique ''est'' point. Elle est, indépendante de nous , de notre monde , du cosmos. Les grands compositeurs ne sont que les plus habiles architectes de sons. Ainsi '' Dieu même n'est qu'une hallucination sonore ''.
RépondreSupprimerBien à vous monsieur Schiffter.
De la même manière que Cioran n'a rien inventé, il a été seulement le secrétaire du chat qui feignait d'être chat chez Mallarmé...
Supprimer:-)
Il existe un cas où la théorie en question se vérifie parfaitement :
RépondreSupprimerle compositeur n'a jamais appris à faire de la musique et l'auditeur n'a jamais écouté de la musique.
:-)
Oui, chère Ella, une musique en tout point identique à ce couteau sans lame dont on a jamais vu le manche.
SupprimerPlus sérieusement, j'ai relu le billet et j'ai compris le propos, qui est bien articulé et, malgré la brièveté, fait le tour de la question.
RépondreSupprimerCette théorie a suscité ma curiosité.
J'ai cherché et j'ai trouvé !
Voici quelque chose qui peut l'illustrer :
http://www.domizil.ch/neukom.html
En cliquant en bas à gauche, Studie 18,
puis à droite, en bas, 18.1 etc., on peut écouter les morceaux.
Chacun ne dure que trois minutes.
J’en ai écouté quelques uns.
On peut dire d’eux qu’ils procurent "des sentiments étrangers à toute psychologie",
pour reprendre les mots de Frédéric Schiffter,
mais peut-on pour autant les ranger dans la seconde catégorie ?
On n'est plus dans le romantisme, certes, mais on n'est pas encore dans la distanciation, réclamée par Ortega, qui élève à la contemplation.
On est dans quoi, donc ?
Je dirais qu’on est dans le divertissement, tout simplement…
L'attention est mobilisée un instant, puis c'est tout.
Dix minutes, un quart d’heure d’écoute et nous voilà en état de relaxation.
Un peu plus ? On ne sera pas loin du lavage de cerveau.
C’est tout le problème avec l’art dit moderne.
Il brise les codes, mais pourquoi et pour quoi faire ?
Malgré son "romantisme", La leçon de jazz, avec une ligne mélodique aussi épurée, propre à l’inimitable fado, et une exécution aussi contenue où l’artiste, transi,disparaît complètement derrière l’interprétation, est plus propice à produire l’expérience esthétique.
Cette expérience qui, nous est dit si bien dans Philosophie sentimentale, de Frédéric Schiffter, p. 80, « nous exempte des sempiternelles gesticulations à quoi nous vouent nos désirs, nous délivre de la douleur et de l’ennui qui rythment notre vie,
nous prémunit, au moins momentanément, de l’illusion » et qui est ainsi le propre de l'art véritable.
En me relisant, j'ai repéré une objection que l'on peut me faire.
RépondreSupprimerLe divertissement ne peut-il produire les mêmes effets, nous exempter des gesticulations, nous délivrer de l'ennui...?
Si, le divertissement peut tout cela.
Son nom-même le dit : "divertere", "détourner" ...
Alors, quelle différence ?
Patatras ! faut que je revoie ma copie !
En attendant, voici un ravissant divertissement :
http://www.youtube.com/watch?v=hReVoZkPAiA
:-)
Bonsoir à tous,
RépondreSupprimerJe lis ce blog depuis quelque temps.
Il est rassurant de voir des gens se réunir autour de l'art et de la philosophie,
de nos jours quand dans établissements de soins on jette de manière ostentatoire à la poubelle un livre de philosophie reçu en cadeau.
Sur un blog on ne peut pas développer des thèmes, mais les billets peuvent faire réfléchir et donner envie d'approfondir le sujet.
Cordialement
Life's but a walking shadow; a poor player,
RépondreSupprimerThat struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more : it is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing…
Deux siècles avant Schopenhauer, le grand Will avait mis en scène de manière magistrale
la Volonté...
Ce qui est curieux c'est que les chefs-d'oeuvre de la littérature universelle,
qui révèlent tous la Volonté, connaissent du succès auprès du public large.
Comment l'expliquer ? Il devrait les ignorer, si l'on s'en tient à la distinction opérée par ortega ...
Un petit mot à Axel :
Bonsoir, Axel
Comme vous lisez Ortega, vous en ferez peut-être un petit résumé, sur votre blogue.
Je serais intéressée surtout à savoir ce qu'il comprend par le mot "élite",
s'il s'agit, par exemple, de classes sociales cultivées, de gens érudits.
D'avance merci et bonne lecture !
Bonjour Frédéric Schiffter, Ella et aimables lecteurs,
RépondreSupprimerJ'ai lu Musicalia I et II d'Ortega (que je me sens incapable de commenter ici, en ce moment). Je vous remercie pour le renseignement.
La musique de la vidéo que vous nous proposez m'a fait penser au pianiste de jazz Errol Garner, qui finissait ses concerts avec un "Thanks for the memories" où il improvisait sur Rachmaninov, Debussy, Chopin.
En tout cas, on dirait que "Paroles" et "Musique" ont ici un délicieux rapport, manqué de toute cruauté.
Sur Santiago Espinosa, je viens de lire son article "Becket y el silencio", dont je relève ceci: "Renunciar a la expresión significa estar a la escucha" (Renoncer à l'expression veut dire être à l'écoute).
http://www.ub.edu/las_nubes/archivo/siete/articulos/Espinosa_Beckett7.htm
Peur-être qu'il y a une version française de l'article.
Bien à vous,
Rafael
Bonjour, Rafael
SupprimerMerci d'avoir indiqué cet article.
Je vous ai répondu dans l'espace Commentaires du billet no 13.
Bonne continuation à vous.
«Les adolescentes provocantes qui suscitent le désir des hommes ayant l’âge de leur père » n’existaient pas avant que Nabokov ne crée Lolita et Turner a inventé les ciels : c’est juste. Mais sans cinéma et sans Fellini, comment se fait-il que, la belle, Biarritz et le démodé auraient moins de charme ?
RépondreSupprimerLe cinéma est à la fois une école des sentiments et un atelier du regard.
SupprimerLe cinéma étant, comme le notait Malraux, une industrie autant qu'un art, est aussi le roman préformaté des classes moyennes et le miroir du narcissisme de masse - stade suprême du capitalisme si l'on en croit, notamment, Christopher Lasch ou Michel Clouscard.
RépondreSupprimerLe cinéma contemporain (qui n'a certes plus grand chose à voir avec celui de Michel Audiard ou de Dino Risi) atteste par excellence la justesse de la thèse de Wilde citée par vous selon laquelle la vie imite l'art - et l'art de masse produit mécaniquement une vie de masse.
Le cinéma de masse est une école du cliché et même, s'agissant des blockbusters hollywoodiens - marketing global de l'american way of life -, un laboratoire d'ingénierie sociale.
Mais, certes, je passe de l'esthétique à la sociologie, et sors un peu de votre élégant propos...
Cdlt à tous,
Guit'z
Pour paraphraser un auteur célèbre :
Supprimerle monde devient ce qu'il est...
Et pour citer un autre auteur, non moins célèbre :
SupprimerLe client : Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois !
Le tailleur : Mais, Monsieur, regardez le monde, et regardez votre pantalon...
(Beckett, Fin de partie)
Bonjour Ella,
SupprimerTout à fait!
Dans la version que j'ai à la main (Minuit, 1971) il dit: "Mais Milord! Milord Regardez -" etc. Serait-il un tailleur anglais?
Je viens de lire votre réaction à la musique que j'e vous ai recommandée et je me'n réjouis. (En fait je ne connais que très peu l'opéra de chambre de Ravel -L'enfant et les sortilèges, d'abord-, mais je la trouve charmante).
Encore une curiosité, que je viens de découvrir sur youtube, Khamma, un ballet égiptien de Debussy, que je ne connaissais pas:
http://youtu.be/UpoiVgzXkdU
Bonjour à tous,
RépondreSupprimerPour revenir au sujet divertissement/expérience esthétique, auquel je m'étais proposé de réfléchir...
Voici quelques réflexions, suggérées par la lecture du livre Philosophie sentimentale, de Frédéric Schiffter, et le survol de quelques pages de Pour une histoire culturelle de l’art moderne, de Pierre Daix.
En espérant que je m’exprime assez clairement et que je n’ennuie pas les lecteurs !
On peut soutenir, en effet, que les deux, divertissement et expérience esthétique, peuvent produire les mêmes effets, mais il existe entre eux une différence essentielle.
Le premier, même lorsqu'il prend une forme artistique, ne fait que détourner un instant l'attention, suspend momentanément le flux des préoccupations mentales habituelles, permet de penser ailleurs, de souffler un moment.
L'expérience esthétique, quand elle est occasionnée par l'oeuvre d'un artiste de génie, provoque chez le récepteur une dissociation de lui-même et produit la prise de conscience du fait que ses préoccupations ne sont que des manifestations d'une force qui le dépasse, appelée par Schopenhauer Volonté, une hyper-réalité qui se manifeste par une agitation confuse et bruyante de passions, une cacophonie sans cause, sans nécessité et sans but.
C'est pourquoi, dans cette perspective, on peut dire que la plupart des auteurs modernes ou contemporains sont des artistes mineurs, sans génie. Les modernes rompent avec la représentation antérieure de la réalité et les moyens d’expression traditionnels, les écrivains brisent le discours et le langage, les peintres brisent la perspective et le figuratif, l’auteur « laisse l’œuvre aller où elle veut », « derrière l’œuvre il n’y a que l’œuvre », dira-t-on.
Les contemporains vont rejeter ce nouveau paradigme pour instaurer l’absence de paradigme. La technologie, les installations de toute sorte, le virtuel envahissent le terrain. Il n’y a plus d’oeuvre, l’art consiste en la seule intention d’art.
Mais toutes ces nouveautés et leurs querelles ne reflètent, certes avec du talent, qu’une crise de civilisation (ère industrielle et post-industrielle, bouleversements scientifiques et sociaux, « émancipation » de l’individu…) et n’aboutissent qu’à une sorte d'infra-réalité.
Alors que l'art de génie (pour citer un seul exemple contemporain, la peinture de Bacon qui met en scène la condition humaine), provoque une crise de conscience, s’élève et nous élève à cette hyper-réalité. Tout en sachant que, le Monde n’existant pas et l’arrière-monde encore moins, mettre en valeur cette expérience esthétique ne signifie pas croire à « une éthique du salut par le beau ». Elle a juste une valeur jubilatoire. L’esprit, ce qui en nous cherche à comprendre, se réjouit d’avoir compris. Il lui reste à se débrouiller avec l’âme et la dompter, si cela est possible, elle qui, au fond, n’est qu’une manifestation de la Volonté…
PS :
RépondreSupprimerJ’occupe peut-être trop cet espace, désolée, mais il est réjouissant de pouvoir y échanger, avec l'aimable permission de notre hôte...
Peu importe si c'est à bâtons rompus, c'est un acte de résistance devant le magma ambiant qui tente d'engloutir toute pensée.
C'est rester vivant, comme disait M. Houellebecq...
Il est si loin, à jamais perdu, le temps de l'agora grecque, où la philosophie était un mode de vie et pouvait se pratiquer au coin de la rue…
Si j'avais les moyens j'achèterais un jardin, comme jadis Epicure…
Voilà une idée qui ne viendra jamais à un millionnaire !
Ce serait pour y convier les gens à débattre de la lucidité...
Et je proposerais comme point de départ le livre Philosophie sentimentale, de Frédéric Schiffter.
Cela a peut-être l'air d'une idée fixe chez moi, mais ce livre, condensé et limpide, passe en revue l'essentiel et surtout il est vivant ! Je suis assez déçue des présentations faites dans la presse, on l'y examine comme objet littéraire, on en relève l'insolite, le pittoresque, ce qui est passer à côté de sa substance et de sa portée.
Pensant à l'agora, il me vient à l’instant une idée : et si les moments de catatonie de Socrate étaient en fait des moments de prise de conscience du monde comme Volonté ?...
Sinon, comment expliquer que cet esprit brillant, capable de réduire à néant les affirmations de tout interlocuteur et qui essayait de rendre les gens conscients de leur ignorance disait, pourtant, si l’on croit Platon : Tout ce que je sais c’est que je ne sais rien ?
Entrevoyait-il, lors de ces moments, qu'au fond la raison habituelle ne fait que tourner en rond, qu'elle va d'elle-même à elle-même et non pas d’elle-même à la réalité, et qu'il faudrait, pour atteindre vraiment la réalité, avoir un autre type de raison ou, pour reprendre les mots de Frédéric Schiffter dans le passage sur Schopenhauer (p. 78) : « avoir du génie, cette paradoxale pathologie qui génère une force d'hyper représentation de la réalité - sorte de quatrième genre de connaissance » ?
On parle ici de quatrième genre peut-être en rapport avec le fait qu’ « en philosophie on distingue trois types de connaissance » :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Connaissance_%28philosophie%29
Il s’agirait alors de voir où cette quatrième se place, par rapport aux autres…
Et si on peut parler d’une révolution schopenhauerienne de la pensée, de Schopenhauer comme d’un Einstein de la philosophie, il faudrait refondre l’épistémologie et l’esthétique…
Mais halte-là !…J’arrête mes prouesses philo. Il tombe de la grêle en Lorraine et il fait si froid que l’on a envie de mettre ses idées au placard et d’aller regarder la lune aux tropiques !...
http://www.youtube.com/watch?v=O87iUDZGDKs
:-)
Cordiales salutations à tous...
Chère Ella,
RépondreSupprimerVos éloges répétés à mon sujet vont finir par me gêner... Mais ils font un aimable contrepoids aux petites déjections que déposent chaque jour des rats de blogues anonymes au bas de mes billets — petites chiures malodorantes que je précipite d'un clic dans les poubelles intersidérales.
Schopenhauer, donc. Par "quatrième genre de connaissance", je faisais allusion à Spinoza qui en retenait trois: la connaissance empirique, la connaissance rationnelle, la connaissance intuitive. La première est fautive. La deuxième plus exacte. La troisième consiste en "l'amour intellectuel de Dieu" — ou de la Nature. Je n'ai jamais compris le rapport que l'on pouvait établir entre l'amour et la connaissance, fût-ce ceux de la Nature, rebaptisée quant à elle obscurément Dieu. En revanche, tout me semble plus clair lorsque Schopenhauer nous dit que l'expérience esthétique consiste dans la représentation directe, sans fard ni illusion, des productions de la Volonté. L'art en expose les "modes" et nous en offre une représentation qui tient lieu de connaissance même du monde et de notre condition. L'art est donc à la fois divertissement — en ce qu'il nous offre l'occasion de nous soustraire pour un moment à la douleur et à l'ennui — et savoir — en ce qu'il fait en sorte que notre pensée perçoive exactement le réel. Raison pourquoi Schopenhauer avoue implicitement que les artistes surclassent les philosophes sur le plan du génie.
Je me suis donc permis d'appeler l'expérience esthétique un "quatrième genre de connaissance" afin de me moquer de Spinoza qui n'a jamais cru bon de consacrer une ligne à l'art tout occupé qu'il était à faire le géomètre.
Ah ! Cher Frédéric, voilà une idée qui ferait un excellent thème de mémoire (ou même, soyons fou, de thèse) : confronter le spinozisme à l’expérience esthétique.
SupprimerCeci n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.
Prenez ce sujet, cher Loïc. Je le traite un peu dans Philosophie sentimentale.
SupprimerPar simple curiosité,le titre de votre blogue m'a soudain évoqué un roman, et peut être de manière trop figurative.
RépondreSupprimerAvez vous lu le roman inachevé de Robert Musil, L'homme sans qualités?
Ah ! Lucie ! Toujours dans les nuages!
SupprimerÉternelle flânerie.
SupprimerJe suis jeune, il me reste des choses à apprendre. De toute façon nous ne savons jamais rien.
Michel Onfray nous éclaire sur Debussy
RépondreSupprimer« Un hédonisme du minimal. Un musicien pour musicologue, bien vu par la corporation des professionnels de la musique, une immense aspiration nihiliste vers le silence, le rien, le néant, la disparition… » (...) « Le caractère diaphane, éthéré, transparent de Debussy s’arrange bien, même pour une oeuvre orchestrale, voire pour le sublime Pelléas, du modeste volume du salon »