mardi 16 février 2016

Semainier d'un Hors-Service — XXV (extraits)

Dimanche dernier, les critiques de l’émission Le Masque et la Plume ont défendu mon livre à l’exception de l’un d’entre eux qui a cherché à dire combien il ne fallait pas l’aimer parce que, selon lui, j’étais de droite et nietzschéen. L’amusant, est qu’il n’est pas le premier à considérer que je suis de droite, moi qui conserve pour Marx, le philosophe et le pamphlétaire, une admiration intacte. La guerre des classes continue plus que jamais et je reste nostalgique de la violence poétique de Ravachol et de Bonnot. Quant à mon nietzschéisme, ceux qui me lisent savent en quelle estime je tiens le maboul de Sils-Maria.  En réalité, comme souvent avec les types qui m’attaquent, le critique a montré que c’était moins mon bouquin que ma personne même qui lui flanquait de l’urticaire, notamment qu’il n’a pas dû supporter le fait qu’on me trouvait un physique d’acteur de la Nouvelle Vague — compliment qu’avec la meilleure volonté ou la plus mauvaise vue du monde on ne peut lui adresser.  

Dans la même émission, j’ai entendu aussi Michel Crépu qui ne comprenait pas pourquoi je me coiffais du qualificatif de «nihiliste» alors que tout semblait démontrer le contraire dans mon livre. Pourtant ce récit exprime mon nihilisme mieux que mes essais. Par ce terme je n’entends pas une mystique de la mort et de la destruction, ni ce que Nietzsche définissait comme une fatigue de la vie, ni ce que Heidegger assimilait au triomphe de l’arraisonnement technique et marchand du monde, mais, très simplement, comme la vive sensation que tout ce qui existe n’a pas d’être. Je ne dis pas que rien n’existe mais que rien (nihil) n’a d’être, c’est-à-dire de permanence ou de solidité ontologique parce que tout ce qui existe est voué au hasard, au temps et à la mort. Naturellement, de pareille vérité tout le monde est convaincu mais personne n’en veut rien savoir, passant ainsi à côté de ce qui est beau, précieux, rare et prompt à disparaître sans ordre de passage. Compris en cette acception, le nihilisme est une philosophie sentimentale sans illusion et sans espoir, oscillant entre le rire de Démocrite et les larmes d’Héraclite.

Un soleil froid et sec est revenu. Enfin. Les tempêtes ont beau être balnéaires, comme mon nihilisme, je trouve que, quand même, l’hiver, elles manquent de discrétion.


vendredi 27 novembre 2015

samedi 26 septembre 2015

Pas un jour sans Louis Watt-Owen


Chers habitués, je vous invite séance tenante à lire ce texte de Louis Watt-Owen sur Bukowski (clic).Puissiez-vous ainsi découvrir sa page, La main de singe, et vous y reporter dès que vous désirerez lire une prose en tout point intelligente et percutante.




vendredi 4 septembre 2015

Le gentilhomme de Bilbao


Iñaki Uriarte

Je n’ai rien écrit depuis plusieurs jours. C’est moins grave que de n’avoir rien à lire. Par chance, ce n’est pas le cas. Je lis des journaux. Non pas la presse, mais les journaux d’Iñaki Uriarte. J’en attaque ce jour le troisième tome. Depuis le mois de juillet, je me plais dans la compagnie de ce gentilhomme. Comme je le lui ai écrit, il regarde son entourage, le monde, la vie, avec une ironie flegmatique que je lui envie. Pas la moindre trace de mauvais poil sous sa plume, ou, alors, traité aussitôt en notes humoristiques. La terrible expérience du fâcheux marrant? «Quand on tient à me raconter une bonne blague, je panique à l’idée de ne pas la comprendre!» Le refrain du râleur populiste? « ”Et ça! C’est payé avec mes impôts!”, répète souvent Machin. Les gens n’imaginent pas la quantité de choses payées grâce aux impôts de Machin. Il faudrait élever une statue en l’honneur de cet homme, ou donner son nom à un square.» Le ressassement des idées noires en phase maximale d’ennui? «Ce matin, je pensai que seul un incendie, ou une guerre, ou une crise cardiaque, aurait pu m’extirper du vide désespérant où je me trouvais. Il y a des journées bouchées. Il y a des jours, des heures, où je mérite la sentence: ”À casser des pierres, voilà à quoi je te condamnerai”. J’ai opté pour la solution la plus commode: un tranquillisant. Jamais je ne me lasserai d’admirer la puissance des cachets. Le tétrapharmakôn d’Épicure n’est que de l’eau bénite en comparaison de ce que peut réellement pour moi Antonio, mon pharmacien.»

À propos de certains livres, Uriarte note: «Parfois je prolonge fort tard la lecture d’un ouvrage pour le finir et ne pas avoir à le reprendre un jour de plus.» Je redoute quant à moi d’arriver à la dernière page des essais de ce Montaigne basco-newyorkais.