jeudi 29 août 2013

Le Diable était là


Nous avons accepté bien volontiers l'invitation de la librairie Le Thé des écrivains afin de satisfaire, par notre présence, la curiosité d'une foule de Parisiens, et même de Français venus de provinces lointaines, désireuse de voir et d'entendre un nihiliste balnéaire évoquer le charme des penseurs tristes. À cette occasion, nous avons eu le plaisir de faire la connaissance d'une blogueuse-amie de qualité (clic). Bien sûr, le Diable était là. Nous n'avons pas manqué de signer un pacte avec lui — comme en témoignent les images de ce moment volées par l'Infâme.  

samedi 24 août 2013

Le charme des penseurs tristes — en librairie le 28 août — commencerait-il à opérer?




(cliquer ici)


Retrouvez l'auteur le mercredi 28 août dans l'émission 

et, le soir même, sur le coup de 18h30, à la librairie 



où il s'entretiendra avec Alexandre Lacroix et les personnes de qualité venues l'écouter. 
La causerie sera suivie d'un coquetèle.  




mercredi 24 juillet 2013

Ad usum mei — 20


Pour les ennemis de la solitude, du silence et de l’ennui, c’est toujours une aubaine quand une ville célèbre ses fêtes. Quatre jours durant, le grégarisme, le boucan et la vulgarité, revêtus de l'uniforme blanc et rouge, régneront sans partage et ad libitum sur Bayonne. Les ruelles du quartier le plus populeux changeront de nom. La rue Pannecau deviendra rue du Pissat, celle des Cordeliers rue du Vomi, la place Saint-André place des Miasmes. Les quais de la Nive, de l’Adour, les remparts, seront les lieux recherchés des rixes, des viols et des comas éthyliques. L’intérêt est que, pendant cette parenthèse dionysiaque et conviviale, les plages et les vagues verront une baisse sensible de fréquentation. L’abrutissement de la foule en liesse fait parfois la félicité du petit nombre des cœurs mélancoliques et balnéaires. 


samedi 22 juin 2013

Ad usum mei — 19


On m'apporte à l'instant les exemplaires de mon livre. En couverture, une photographie de l'ami Nori. On y reconnaît ce virage de l'avenue du Prince de Galles qui mène à la plage de la Côte des Basques. À droite, la villa Belsa (villa noire), sorte de Xanadu juché sur un rocher attaqué par la houle. À gauche, la falaise morte où poussent des tamaris recouvrant les restes des blockhaus de la dernière guerre. Dans la trouée, l'océan. Au loin, les Pyrénées. L'Espagne. Le quidam qui marche le long de ce boulevard du crépuscule pourrait être le philosophe sans qualités. Le paysage qui l'attend au sortir de ce goulot est une vaste baie dont la beauté a toujours tenu ses promesses de mélancolie.   



samedi 15 juin 2013

La sainte crapule


J’ai souri en apprenant qu’à l’occasion d’une audience donnée ce jour à des parlementaires français, le pape aurait exhorté ces derniers à abroger les lois sur l’avortement, l’euthanasie, le mariage gay, afin d’apporter à la France «l'indispensable qualité qui élève et anoblit la personne humaine». J’ai souri comme toujours quand j’entends une crapule en appeler à la dignité de l’homme.  

Volontairement ou non sous-informée, l’opinion n’a vu dans la démission de Benoît XVI et l’élection du pape François qu’un changement de chef de l’Église sans comprendre qu’il s’agissait d’un coup d’Etat au sein de la curie romaine orchestré par sa branche mafieuse.
Pourvoyeuse de fonds de la démocratie chrétienne et de ses avatars néo-libéraux, la mafia italienne instrumentalise l’Église depuis la fin de la guerre pour blanchir son argent. Nombre de scandales financiers et de meurtres ont révélé qu’elle en est le noyau dur depuis quarante ans. Instrumentalisée à son tour par les Etats-Unis et, par là même, chargée durant les années quatre-vingt-dix d’accélérer la décomposition de l’empire soviétique, elle fit nommer pape le Polonais Karol Józef Wojtyła qui apparut comme le berger de l’antitotalitarisme, et par ses prêches œcuméniques, comme le pasteur de la mondialisation — fraternelle, bien sûr. Jamais la mafia ne fut aussi active et, en même temps, oubliée, que sous le règne de Jean-Paul II, règne qui fut aussi celui de Berlusconi — ancien membre de l’organisation criminelle Propaganda due — dite Loge P2 liée à la faillite de la banque Ambrosiano du Vatican.
Avec la mort de Jean-Paul II et l’élection de Benoît XVI rien n’alla plus aussi bien. Pour la curie, le pape allemand semblait présenter de bonnes garanties de représentation. Intellectuel, philosophe de haut niveau, on attendait de lui, même s’il était moins charismatique que son prédécesseur, qu’il offrît une belle vitrine spirituelle de l’Église derrière quoi elle pouvait perpétuer ses crimes. Or, sous ses airs de vieux théologien uniquement versé dans les questions doctrinales, Benoît XVI a tenté de s’opposer à la curie en donnant à la presse italienne, via son majordome, les preuves de collusion entre des membres éminents du Saint-Siège et les milieux des trafics interlopes. Ce fut l’affaire dite de «vatileaks». Prompte à contre-attaquer, la curie fit éclater des scandales sexuels touchant les évêques alliés au pape, scandales qui poussèrent ce dernier, isolé, à la démission.
Le nouveau pape, dès lors, est l’homme de la situation pour redorer la façade du Vatican. Collaborateur actif de la junte militaire argentine durant ses années de pouvoir sanglant, et ayant eu l’habileté jésuitique de faire oublier cette période en devenant l’évêque des pauvres, c’était lui que la curie mafieuse devait nommer. En allant laver les pieds des taulards, il gagne la popularité des pauvres d’esprit. En dénonçant un odieux «lobby gay» au sein de l’Église, il élimine les réformateurs. En lançant des imprécations contre la richesse et les puissants, il renoue avec le message révolutionnaire des évangiles. Du bon boulot. Les combinazioni vont pouvoir reprendre leur cours normal.  


dimanche 2 juin 2013

Philosophie mélancolique et balnéaire par moins vingt degrés


Bruno Lalonde, libraire à Montréal, évoque le plaisir qu'il a éprouvé à lire Le Plafond de Montaigne (ouvrage épuisé). Il est réconfortant de savoir que des pages que l'on a écrites et qui se sont envolées vers d'autres cieux sont tombées en de bonnes mains. 


jeudi 30 mai 2013

Ad usum mei — 17


Un nombreux public joyeux et réactif 
à la conférence inaugurale de la Fête de la Philo

J’apprends qu’une «fête de la philo» se déroule tout au long du mois de mai et jusqu'à la mi-juin à Paris comme en province. On nous annonce que «de nombreuses manifestations investiront l'espace public (musées, théâtres, universités, lycées, écoles, mais aussi la rue et les cafés, les restaurants, les librairies, etc.)», marquant par là «une volonté pour les organisateurs de rendre la philosophie ”populaire” et de la voir s'ouvrir à une audience la plus large possible». Le public des exclus du concept profitera de l’aubaine pour écouter des conférences présentées comme «ludiques, accessibles et existentielles» et, dans un souci de «dialogue citoyen», il sera même invité à philosopher avec «des intervenants prestigieux». Après les Restos du cœur de Coluche et la Soupe populaire d’Onfray, voici donc la Distribution gratuite de jugeote patronnée par Jacques Attali, Elisabeth Badinter et Luc Ferry. C’est une bonne nouvelle. Avant la fête nationale du tapage musical, il y aura désormais un festival des vents de bouche.

samedi 25 mai 2013

Ad usum mei — 15


Fan du PSQ photographiée lors d'une éclaircie

L’ennui avec le temps maussade, c’est qu’il nourrit la conversation des gens qui n’en ont pas — de conversation. Surtout, il devient un sujet de plainte comme si le printemps devait tenir ses belles promesses. Où sont passées les journées ensoleillées et les douces températures ? Qu’il n’y ait nul responsable auquel on puisse imputer pareille défection, rajoute au ressentiment général. Dès lors, non seulement il me faut endurer la pluie, mais aussi l’indignation météorologique de mes contemporains. Je préfère de loin la première.
L’avantage du mauvais temps est qu’il vous contraint à rester chez vous et à vous convertir au stoïcisme, c’est-à-dire à faire de nécessité vertu. En l’occurrence, j’en profite pour rendre visite aux livres de ma bibliothèque — celle des romans, les livres de philosophie étant «rangés» ailleurs. J’en prends un, je le feuillette, je le repose. Parfois, je relis un passage que j’avais souligné jadis au crayon. Il m’arrive d’en percevoir toujours la beauté ou la pertinence. C’est même le cas à chaque fois — ce qui m’incite à penser que le moi dont je suis doté aujourd’hui reste dans la lignée spirituelle ou esthétique du moi d’alors. D’où vient cette continuité dans les pensées ou le goût? Question ou fausse question que je laisse en suspens. Je me contenterai de me dire que vieillir n’est pas changer. On rompt avec quelques habitudes et on prend d’autres plis. Rien de radical. L’homme est l’animal petit-bourgeois. Là où j’ai changé, en revanche, c’est dans le fait que je lis de moins en moins de romans et que je ne souligne plus aucune phrase au crayon. Les phrases qui me plaisent, j’ai coutume depuis un certain temps de les écrire moi-même et de les compiler dans des volumes. Même par temps de pluie, je n’ai pas le désir de les feuilleter. Reste mon blogue que j’ai de plus en plus la flemme de tenir. Mais je m’y efforce. Nulla dies sine linea. Bonne méthode pour ne pas laisser rouiller son esprit et son style. Pour ma part, je ramollis la maxime. Pas une semaine sans une ligne. Dieu se reposa le septième jour qui suivit la Création. Je fais aussi dans l'hebdomadaire. Mais j’ai opté pour le rythme inverse. Je paresse six jours et j’écris le septième.               



samedi 18 mai 2013

Ad usum mei — 14




Mon précédent billet a suscité bien des réactions — et des échanges — chez les fidèles abonnés de ce blogue. Je comprends. La thèse de Santiago Espinosa est si paradoxale qu’elle ne peut que surprendre. Cela dit, toutes les idées philosophiques, ou, simplement, intelligentes, sont paradoxales. Pour rester dans le domaine esthétique, on se souvient qu’Oscar Wilde tenait pour lui — dans son délicieux essai L’effondrement du mensonge — que ce n’était pas l’art qui imitait la vie, mais la vie qui imitait l’art. À juste titre. Personnellement je connais des nanas, des lolitas, des bovarys. Candide, je les crédite d’abord d’un certain romantisme. Mais le romantique, c’est moi. Jeune homme, j’étais le Antoine Doinel de la côte basque, même si, souvent, on voyait en moi un don juan. Certains soirs d’été à Guéthary, les ciels s’efforcent d’égaler les couchants de Turner. Parfois, ils y parviennent, laissant place à la douceur des choses. Quand la nuit est avancée, ma belle et moi nous regagnons Biarritz en cabriolet démodé. Les tubes italiens nous accompagnent. C’est la dolce vita.
Pour en revenir au livre de Santiago Espinosa, ce qui est difficile non tant à comprendre mais à admettre, est l’idée que la musique est une expression, sans doute, mais qui n’exprime rien — rien d’autre qu’elle même au moment précis où elle est jouée. Un oiseau qui chante, comme on dit, n’exprime rien. Le plaisir pris à l’écouter est « gratuit » — sauf si l’auditeur projette ses propres affects sur les trilles perçues, et sauf si celles-ci déclenchent chez lui une émotion, telle la gaieté. Mais en aucun cas l’auditeur, sauf à céder à l’anthropomorphisme, ne pourra affirmer que le rossignol est joyeux et que s’il s’égosille c’est pour manifester son état d’âme. On objectera qu’un compositeur n’est pas un rossignol et, dès lors, qu’il peut fort bien avoir l’intention d’exprimer telle ou telle passion dans son œuvre — l’enthousiasme ou le transport héroïque, par exemple, et qu’elle sera éprouvée par l’auditeur. « Quand je sors d’un opéra de Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne », dit Woody Allen. Mais pareille objection en appelle une autre contre elle, à savoir que quelle que soit l’intention du compositeur l’auditeur peut parfaitement ne pas l’écouter en ce sens et ne s’en tenir qu’à un plaisir désintéressé, au sens kantien du terme, c’est-à-dire un plaisir simple de mélomane ou de musicien. On voit ainsi la ligne de démarcation tracée par Ortega y Gasset — tant dans La déshumanisation de l’art que dans Musicalia — entre, d’une part, une écoute «naïve» de la musique comme langage des émotions ordinaires et comme occasion particulière de les ressentir un peu autrement, sous une forme esthétique, et, d’autre part, une écoute «savante» ou «cultivée» des œuvres comme architectures sonores peu ou prou sophistiquées destinées à susciter des sentiments étrangers à toute psychologie. Les amateurs de la première écoute appartiennent à la masse. Ils aiment la musique comme moyen de danser, de protester, de s’indigner, de pleurer ou de se réjouir. Ceux de la seconde appartiennent à l’élite. Ils écoutent la musique quand elle s’offre comme l’expression à la fois réitérée et inouïe, harmonieuse ou non, de la cacophonie de l’existence, cette «histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne veut rien dire».