mercredi 3 août 2011

Sauve qui peut (les mots).



Certains jours, je me dis qu’il y a des mots sans défense qu’il faudrait protéger quand on les liquide en douce, et d’autres dont il faudrait laver l’honneur quand on en ternit le sens. Qui « on » ? Les journalistes, bien sûr. De la radio, de la tévé, ceux qui griffonnent dans les gazettes. Tous ces gens tellement chatouilleux sur leur déontologie, parlent et écrivent sans le souci de la précision élémentaire. Écoutez-les, lisez-les. Des professionnels du vague, de l’approximation, du cliché, du raccourci. Rien de plus logique : quand on fait métier d’informer le peuple, on s’exprime comme le peuple. Non pas le peuple tel que de Céline à Alfonse Boudard en passant par Jean Meckert, une littérature en a fait un sujet poétique ou romanesque, mais le peuple réel, c’est-à-dire ces foules de types et de bonnes femmes qui s’engouent pour les messes planétaires du foutebole, la fête de la musique, la réussite ou la déchéance des trèdeurs, la grossesse d’une starlette, la perversion sexuelle supposée d’un dirigeant mondial, le spectacle de milliers de cadavres gisant au sol après un raz-de-marée, l’éruption d’un volcan, une guerre néocoloniale, que sais-je encore — bref, ce peuple qui se goinfre des « infos » ou de l’« actu » en continu jusqu’à atteindre l’obésité mentale et dont le langage se réduit à un lexique de sportif professionnel, d'éducateur spécialisé, de commercial.


Or ce peuple, justement, sait-il encore faire la distinction entre les termes de «populaire » et de « public » ?


« Public » est un mot en sursis. C’était jadis un adjectif utilisé pour désigner une volonté politique d’administrer au sein d’une nation l’instruction, la santé, les transports, le courrier, le crédit et l’énergie. Les services publics, n’étaient pas et ne sont pas des services populaires. Ils évoquent une forme de souveraineté confiée aux citoyens les plus éclairés d’un État — lesquels n’ont cure de plaire au peuple, mais, prioritairement, et quitte à être impopulaires, d’œuvrer pour l’intérêt général. À l’inverse : quand les démagogues s’attaquent aux pouvoirs ou aux services publics, ils le font au nom d’aspirations populaires. Que demande le peuple? La baisse des impôts. La chasse aux Roms. La réduction du nombre de fonctionnaires. Un jour, qui sait, le rétablissement de la peine de mort pour les pédophiles et les tueurs de policiers. Et qu’on ne vienne pas nous objecter que les populistes seraient les faux amis du peuple — victime, quant à lui, selon ses vrais amis, de je ne sais quel « mensonge social ». La vérité est que le peuple fait ami-ami avec n’importe quel parti qu’il laisse parler en son nom pour peu qu’il trouve à traduire son mécontentement du moment — mécontentement faisant toujours suite à un enthousiasme imbécile. Quant au « mensonge social », Georges Darien, l’aristocrate de l’anarchie, dans Le Voleur, en avait dit l’essentiel : «Ses soi-disant victimes savent très bien à quoi s’en tenir et ne l’acceptent comme vérité que par couardise ou intérêt ».


Et puis, quoi ! Le mot « populaire » est laid. Le prononce-t-on en ma présence que, hors de l'oubli où la voix politique relègue aucun contour, se lève, peu ragoûtante, l’idée d’un vil potage. Prenez Michel Homay, par exemple, qui, fâché avec l’école publique, a laissé sa place de pion dans un lycée de bonnes sœurs pour une chaire d’un enseignement supérieur fictif. Qui peut croire que la philosophie en ressort grandie ? Son Université populaire est à la philosophie ce que la soupe du même nom est à la gastronomie.


« Philosophe », voilà un autre mot sali par la novlangue des media. Il n’y eut jamais qu’un seul philosophe, qui n’était ni professeur, ni chercheur, ni auteur de livres : Socrate. Or, qu’est-ce qu’un philosophe pour le peuple ? Un intellectuel qui occupe deux mi-temps. Un mi-temps consacré à enseigner et à publier, un autre mi-temps réservé au journal et au débat télévisés afin d’alerter l’opinion sur une cause morale à défendre, un engagement politique à suivre, ou sur la meilleure manière de vivre une vie d’homme, intérieure et citoyenne. Un communicant en idéologie pour une classe moyenne pauvrement lettrée. Un lampion qui se prend pour une Lumière du siècle. Qu’on lise Platon et Xénophon relatant le procès de Socrate — condamné à mort, je le rappelle, non par un régime tyrannique, mais par une démocratie. Imagine-t-on cet homme s’adresser au peuple sinon pour le bafouer ?


D’aucuns, parmi ceux qui lisent ces lignes, se rappellent peut-être la séquence de ce film, Palombella Rossa, où l'on voit le personnage de Nanni Moretti qui, hors de lui, gifle une petite journaliste inculte lui posant des questions farcies de mots passe-partout et de poncifs branchés: "Mais d'où sortez-vous ces expressions ? Mais comment parlez-vous? Comment parlez-vous? Les mots sont importants! Les mots sont importants!", lui rappelle-t-il en hurlant sa douleur. Ah ! Claquer le beignet à un Giesbert, à un Ruquier, à une Ariane Massenet ! Quel amoureux de la langue réagirait autrement? À moins que le découragement ne l’accable et qu’il se résigne à l’idée que Dieu ne donna le Verbe aux humains que pour les jeter dans le malentendu et la confusion, et que, à présent, les professionnels du verbiage ayant pris le pouvoir, Sa volonté est faite.     

24 commentaires:

  1. Question :

    Mais d'où tenez-vous que les mots sont importants ?

    J'y vois un cliché, répandu chez ceux qui en savent un peu plus sur la vie et le monde que la "moyenne pauvrement lettrée".

    Je vois des Hommes partout, en haut et en bas, quelque soit la manière dont ils utilisent les mots ; Socrate n'aurait pas dit autre chose, il me semble ; mais peu importe Socrate ; tout jeter ; y compris les mots ; donner de l'importance aux mots, c'est donner de l'importance à ceux qui les utilisent.

    S'assoir. Regarder le soleil. Défier le Néant. Les yeux victorieux.

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  2. Remarquable! Samedi sur France Culture, M.Onfray disait un truc intéressant: un agrégé de philosophie n'est pas plus forcément un philosophe qu'un agrégé d'anglais n'est forcément un anglais.. Un autre point était la comparaison entre le philosophe antique qui avait une vie conforme à sa philosophie, et le philosophe post-antique qui vit complètement différemment, voire à l'opposé sur l'air de "faites ce que je dis mais pas ce que je fais..."

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  3. S'ASSEOIR, Cédric, et non S'ASSOIR. L'orthographe est importante.

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  4. Cher Monsieur (ou Madame) Ndbp,

    Michel Homay, oublie de dire qu'un agrégé d'anglais parle un anglais plus châtié qu'un supportère de foutebale britiche et, aussi, qu'un agrégé de philosophie ne s'autoriserait pas à énoncer, comme il le fait tranquille Émile, n'importe quelle foutaise à un auditoire inculte et soumis.
    http://lephilosophesansqualits.blogspot.com/2010/05/13-mai-2010-triomphe-du-sanchopancisme.html

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  5. Cher Frédéric, (je me permets cette étrange formule, normalement destinée à ceux qu'on "connait" )

    C'est vrai, j'aurais moi-même écrit "s'asseoir", mais voici ma défense : l'ayant mal pianoté, souligné de ce fait de rouge, j'ai bêtement fait confiance au gentil correcteur orthographique qui propose automatiquement "s'assoir" en tête de liste. Essayez, vous verrez ! Voilà pour ma défense ;-) !

    J'ai trouvé par ailleurs ceci :

    - assoir (orthographe rectifiée de 1990)

    Note : L’orthographe assoir pour l’infinitif est ancienne. En 1932, la Grammaire de l’Académie française, page 137, l’accepte concurremment avec asseoir.


    Voilà, je crois m'être mieux défendu que ce brave Socrate. Et je refuse de boire la ciguë !

    Bien à vous.

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  6. Vos remarques me font penser à un autre VRAI philosophe, Wittgenstein, qui s'est intéressé aux sortilèges du langage - et dont la vie fut d'ailleurs très originale et un modèle de rigueur : je vois très bien W foutre une baffe à une idiote de journaliste ! Point important : LW n'était pas un réactionnaire (critique facile mais erronée contre ce genre de propos que vous-même tenez, Schiffter). Il est au contraire annexé par les postmodernes mêmes. C'est dire la nécessité ! J'ajouterai pour finir que beaucoup d'écrivains nihilistes (tel Cioran) ont une prédilection pour LW, sa vie d'abord, sa personnalité elle-même nihiliste, et pourquoi pas son oeuvre, que j'ai personnellement un peu étudiée et que je trouve grandiose. Et vous Schiffter, après Socrate, est-ce un philosophe que vous conseillez de lire, dont vous conseillez les livres (très bien traduits en français) ? A mes yeux, Wittgenstein est un phare essentiel, ne l'oublions pas !

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  7. Cher Frederic,

    Les humains ont créé le langage, les mots qui designent le monde et les idées. Chaque humain fait un complexe de supériorité par rapport à ce monde et ces idées, car simplement par l'usage d'un mot croit qu'il a compris ce monde et ces idées ou qu'il peut faire croire qu'il a compris ce monde et ces idées. Le langage et les mots coupent la majeure partie des humains de la réalité et chacun tel un apprenti sorcier, croit dire la vérité sur ce monde et ces idées juste parce qu'il fait sortir des mots de sa bouche comme un magicien des lapins de son chapeau. Et oui, c'est dingue ce qu'on peut faire avec les mots.Du chichi, du blabla et du gnangnan comme vous le dites justement.
    Jusqu'à present les hommes s'en servent surtout pour dominer les autres, se faire bien voir ou seduire les femmes car les mots cachent merveilleusement les intentions réelles. Des lapins du chapeau vous dis je. De la poudre aux yeux. Des paillettes. De la merveilleuse fausse monnaie. Chacun fait marcher sa planche à billets.C'est pour cela qu'on a voulu faire la peau à Socrate, qui denonçait cela.
    Amicalement

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  8. Cher Delarge,

    Merci pour votre commentaire.

    Ludwig Wittgenstein est l'Anti-blablateur même.

    Je lui rends hommage dans tous mes petits essais.

    Outre le Tractatus, le texte qui m'inspire le plus est sa Conférence sur l'Éthique. Un condensé d'intelligence explosive. Le marteau nietzschéen, en regard, fait figure de joujou en plastoc.

    Parmi les écrivains nihilistes — adjectif que les benêts post-modernes ne peuvent comprendre —, Roland Jaccard lui a consacré un bel ouvrage: L'Enquête de Wittgenstein (PUF).

    Pierre Hadot, également, a publié une brillante étude sur lui (chez Vrin) — sans, d'ailleurs, que cela ne modifie en rien ses naïves croyances sur le pouvoir psychagogique de la philosophie...

    Quant à Socrate, tous les philosophastres oublient que sa devise n'était pas "Connais-toi toi-même" — ragot de Platon colporté jusqu'à nos jours dans les classes et les amphithéâtres —, mais : "Je ne sais rien". Présenter la philosophie comme un savoir est une escroquerie. C'est condamner Socrate à mort une seconde fois.

    Bien à vous,

    FS

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  9. humpty dumpty03 août, 2011

    les mots ont le sens que je décide qu'ils ont au moment ou je les emploie

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  10. "…au moment OÙ je les emploie", Humpty Dumpty. Vous ne pouvez pas changer la grammaire ni l'orthographe. Les accents ne sont pas là pour décorer mais pour donner du sens. Sinon, mon ami, c'est la confusion mentale. La confusion tout court. Navré pour vous.

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  11. Humpty Dumpty03 août, 2011

    je dirai pour ma défense que Cédric m'a mis sérieusement le doute quant à mon correcteur orthographe

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  12. Frederic,

    En fait la video du film de Moretti, c'est la parfaite illustration du 'riquiqui' :-)
    Amicalement

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  13. Monsieur Schiffter,

    Même en ne connaissant pas "Palombella Rossa", j'ai bien l'impression que la diatribe de cet article sonne juste et l'est en fait, aussi bien que justifiée et salutaire de bout en bout.
    Juste un détail concernant un de vos commentaires, qui me laisse perplexe: j'avoue ne rien savoir de ce qu'a dit "pour de vrai" Socrate en dehors de ce qu'en ont rapporté Xénophon et Platon...

    Bien à vous.

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  14. hihi rigolo ce texte, quand on voit ce que vous faîtes du tableau de Hopper ^^

    Merci pour cette drôlerie qui ne manque pas d'ironie.

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  15. Un peu de sérieux ! :

    - Socrate : « Je ne sais rien. »
    - Cédric : « Bon début. Persévérez ! »

    Celui qui ne prétend pas affirmer la vérité ne produit que du vent !

    Socrate à notre époque ne serait qu'un vulgaire journaliste !

    Les poseurs de questions pullulent ! Qu'on m'amène des affirmateurs, espèce rare ! Qu'on rigole !

    Celui qui n'a pas répondu aux ridicules « Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ? » n'a pas encore commencé à penser !

    Celui qui se contente de dire « Je ne sais rien ! » en dit beaucoup trop !

    Si poser des questions, à l'époque de Socrate, était « révolutionnaire » ; aujourd'hui, il serait un pauvre hère membre d'associations à commencer par « Dignitas » !

    Car sa mort : Digne ? Pffff Plutôt lâche et ridicule !! Ok : ne pas fuir (encore que...face aux cons), mais surtout refuser de boire ce qu'on nous tend ! Balancer le poison à la figure de ceux qui nous l'offrent en affirmant : « Bande de nains, il faudra d'abord me tuer avant qu'une goutte de cette merde ne touche mes lèvres ! »

    Et puis ce qu'un type ait pu dire ou non, faire ou non il y a près de 2500 ans : en rire !! Je ris tout autant des mots ou des actions du fils du charpentier d'il y a deux mille ans !

    Se tenir debout, seul ! Laisser les idiots escalader les cadavres des hommes soit-disant illustres et les laisser se croire en hauteur, alors qu'une odeur qu'ils ne sentent même pas les enivre : celle nauséabonde de ces corps en décomposition sur lesquels ils ont la pensée posée.

    Pour autant : plutôt pourrir crucifié que «  mourir dans la dignité » !
    Mais surtout : laisser les morts pourrir en paix !

    La philosophie ne serait-elle qu'une compilation de formules, d'idées ? Un philosophe : un juke-box ???

    « Philosophe » ? Une insulte !

    Celui qui pense véritablement, n'a pas besoin des autres !

    Celui qui « croit » ce que je dis, fait de moi un gourou ou pire un prophète ; remettez tout en question ; la vérité n'est issue que de soi !

    Celui que mes mots choquent, n'est pas stable.

    Si on est contre moi, c'est qu'on a besoin d'être soutenu !

    J'attends des autres des affirmations !
    Le tremblant ou le mou n'aura pas mon oreille, seul le radical rencontre mon attention !


    Tout ceci n'est qu'un commentaire, cher Frédéric Schiffter, publiez-le ou non, vous décidez !


    Bien à vous, bien à tous.

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  16. Cédric, vous exagérez avec le pastis en plein cagnard.

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  17. "Quant à Socrate, tous les philosophastres oublient que sa devise n'était pas "Connais-toi toi-même" — ragot de Platon colporté jusqu'à nos jours dans les classes et les amphithéâtres —, mais : "Je ne sais rien"."

    Même dans les textes de Platon, on ne trouve pas de passage permettant de conclure à coup sûr que Socrate reprît à son compte le (trop) fameux "Connais-toi toi-même", à part l'Alcibiade, dont l'authenticité ne recueille pas l'unanimité.
    Le Charmide irait plutôt dans le sens d'une impossibilité fondamentale, puisque Socrate y défend l'idée que tout savoir a un objet distinct de lui-même : la vision ne peut se voir, l'audition ne peut s'entendre, etc.

    Bernanos a une maxime très plaisante : "Se connaître est la démangeaison des imbéciles".
    Les imbéciles, c'est-à-dire tous ceux qui s'accordent beaucoup trop d'importance...

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  18. Il est vrai, Frédéric (vous me permettrez cette familiarité), que j'ai manqué de sobriété !

    Mais ça ne peut être l'alcool qui depuis des années ne désaltère plus mon gosier.

    Sûrement l'ivresse d'être un Dieu ! ;-)

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  19. http://www.youtube.com/watch?v=7zjYBHZXHJY

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  20. Un technicien balnéaire05 août, 2011

    Callicles, Il est facile avec Blogger de créer un lien.
    Blogger accepte le code HTML.
    Je suis dieu, Gérard Manset  (clic) est plus esthétique et donc plus confortable pour le lecteur.
    J'interviendrai de temps en temps pour la maintenance et la bonne tenue technique du site du philosophe sans qualités.

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  21. L'usage des mots ou du langage en général, fût-il soigné et raffiné, manque irrévocablement sa cible : l'essentiel.Orgueil et vanité de l'intellect qui charrie la surface des choses noyée dans le flot des idées et le jeu des concepts.La belle affaire ! Pour le commun, tout est "dicible" jusqu'à l'inconcevable voire même l'innommable.L'évidence se dit avec aisance, admirable dé-liaison dangereuse avec le réel du signifié et du signifiant, ce couple infernal préféré des linguistes ne trouve là rien à re-dire : amusons nous un peu ! Je dis ce qui est car tout ce qui est s'énonce . Infatués que nous sommes ! Logique de l'insensé encensée par le peuple et le tribun, exacerbée par le sophiste, malmenée par le traducteur : ce traitre infâme,mais rien n'y fait pas même sa propre chute : avec la babelisation de l'être."

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  22. Bonjour Monsieur Schiffter,
    Dommage que vous n’écriviez que pour dénoncer l’imbécilité des troupeaux qui vous entourent, que vous ne soyez qu’un amoureux des lettres et pas un peu plus des gens ! Vous pourriez dépenser votre énergie à leur faire profiter de vos lumières, dans un élan de compassion et de générosité ? Vous maniez la langue, vous avez l’air de savoir des tas de choses et d'être très très intelligent, autant que je puisse en juger (je tremble d'ailleurs à l’idée d’écrire un post bourré de fautes). Je suis tombée sur votre blog par hasard, et j’avoue que j'essaye toujours de comprendre certaines formules comme « hors de l’oubli où la voix politique relègue aucun contour »... Mais votre blog est visiblement destiné à une élite lettrée, comme vous, désespérée de la bêtise populaire, pour lui dire qu’elle n'est pas seule à être lucide et intelligente ? Ça doit lui faire du bien, comme à vous j’espère, au moins.

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  23. Un clin d'œil à Mallarmé, chère Louise,

    "Je dis une fleur! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tout bouquet."

    Enfin, je crois. De mémoire.

    Petit rappel poétique gratis.

    De rien.

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  24. Votre extrait de Mallarmé est beau. Il devait être au programme dans les années 60, malheureusement (veinard ! J'ai loupé le coche à quelques décennies près). Depuis, c'est nivellement par le bas, érosion de la culture générale, générations décérébrées et compagnie, n'est-ee pas M. Schifftler ? Vous devez vous arracher les cheveux avec vos élèves. Je comprends que vous vous lâchiez dans votre blog.
    Ce qui m’ennuie, voyez-vous, c’est de ne toujours pas comprendre la citation de Mallarmé. D’après ce que lis sur internet, en la « googlant », « Mallarmé souhaite égarer son lecteur par le jeu des coupes, des inversions, des rejets, par la complexité de la construction et la rareté du vocabulaire (…), cela afin de l'engager dans l'obscurité sacrée d'un poème »… Voilà qui me rassure. Il faut donc du temps pour se laisser perdre dans « l’obscurité » si je comprends bien. Et ce ne sont pas des clins d’œil gratis qui vont m'aider... mais merci quand même !

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