lundi 29 janvier 2024

Fin de la philosophie, philosophie de la fin



Samedi, ma conférence bimestrielle était consacrée à la question des relations que la philosophie, les sciences et la religion, entretiennent entre elles. Devant un auditoire nombreux et attentif, j'ai développé l'idée que, dans la société du négoce, la figure de l'ingénieur avait effacé celle du philosophe et celle du prêtre. Pour le grand public, la philosophie s'apparente désormais à la psychologie, la religion à une morale écartelée entre tradition et modernité. Seules les sciences, par le truchement de vulgarisateurs, intéressent les esprits, un peu pour elles-mêmes, mais, surtout, pour les innovations technologiques qui en procèdent et vite mises sur le marché. Auguste Comte avait vu juste, ai-je dit. De l'«âge religieux» antique et médiéval, nous sommes passés à l'ère du calcul technoscientifique, en passant par l' «âge métaphysique» durant lequel la rationalité s'émancipait de la croyance. Tel est le progrès, ai-je poursuivi, à savoir la décomposition d'une ancienne forme de pensée, la philosophie, pensée purement interprétative, contemplative, méditative, aucunement tournée vers la «maîtrise et la possession de la nature» et moins encore désireuse de dominer les consciences — comme ce fut le dessein des cultes institués. Si ces derniers survivent, ai-je avancé, c'est parce qu'ils procurent encore le petit frisson du sacré dans le monde de la marchandise fétichisée. «Examinons le caddy culturel du consommateur», ai-je proposé, «on y trouve toutes sortes de spiritualités exotiques, de sagesses chimériques, de connaissances au rabais.» Maltraités, les gens en appellent à un utopique épanouissement personnel. Éprouvant l’absurdité de leur vie, les voilà vainement en quête de sens. Perdus dans un univers indifférent à leur présence, ils supplient les savants de leur prouver le contraire. Mais ils n’ont que leur smartphone pour leur tenir compagnie. Dieu n’est pas connecté. Ils n’entendent que l’écho de leur désarroi dans le vide de l’éther. «Est-ce là ma seule philosophie ? », ai-je dit. «Heureusement, oui !», ai-je répondu. Il était presque midi et demi. J’ai vu que cette causerie avait ouvert l’appétit des auditeurs. Nous nous sommes quittés bons amis.      


 

mercredi 10 janvier 2024

L'emploi des têtes


Après la surveillante générale, le fayot de la classe. 


 

samedi 6 janvier 2024

Juste la ligne


En traînant sur la promenade des plages, je croisais des «joggeurs» et des «joggeuses», comme on dit, d’autres me dépassaient et, bien vite, s’éloignaient. Je me demandais si ces gens étaient aussi dynamiques le reste du temps, dans leur travail, leurs relations sociales, amoureuses, que sais-je. Ils cherchent là le souffle qu’il faut pour continuer à exister, me suis-je dit. Si je n’avais pas conservé le poids de mes vingt ans, si j’avais de la bedaine, si je souffrais d'un affront de l'âge, peut-être me mettrais-je à trotter en bord de mer. Ce qui m’a poussé à l'exercice physique est le souci de la ligne. Un homme qui porte des gilets de velours et des blazers cintrés ne peut se permettre le moindre embonpoint. Un ventre plat, une jugeote aiguisée, voilà toute mon éthique. Traîner est un sport de bas niveau fait pour moi.


 

mercredi 3 janvier 2024

De la minablerie bien pensante


Effacer les films dans lesquels joue Depardieu... La moraline, hormone de la censure. 


 

mercredi 13 décembre 2023

mercredi 6 décembre 2023

Fun memory


Quand j'étudiais la philosophie à l'université, nombre de condisciples s'entichaient de Deleuze, de Baudrillard, de Derrida, de Barthes, de Foucault, de Lyotard. Je vous jure que je n'invente rien!


 

lundi 27 novembre 2023

Prolégomènes à toute métaphysique future


En une, ce mois-ci, Philosophie Magazine pose cette question. Je croyais pourtant y avoir répondu. La vie n'a pas un sens, mais deux. On y entre la tête la première et on en sort les pieds devant.


 

vendredi 24 novembre 2023

En traînant, comme souvent...



En traînant dans le secteur du phare, je me demandais pourquoi tant de gens s'emballaient à l'idée d'aller voir le Napoléon de Ridley Scott. À mes yeux, ce cinéaste n'a réussi qu'un film, Thelma et Louise. Magnifique tragédie de la liberté. Roadmovie nihiliste. Deux héroïnes sublimes. Les autres réalisations de Scott m'ont laissé indifférent. La perspective d'assister aux tribulations de Bonaparte interprété par le bedonnant Joaquin Phoenix - et parlant la langue de Horatio Nelson! - serait pour moi une épreuve. Et puis, surtout, Chateaubriand et Madame de Staël m'ont convaincu de ne point estimer ce personnage. Un traîneur dans mon genre n'a que faire d'un type agité par des rêves de conquérant. À bas l'empereur! Gloire aux rois fainéants! 

jeudi 16 novembre 2023

Les fils d'Israël, jouets du Diable



Dans la bibliothèque de l'honnête homme, on trouve Le Livre des ruses. C'est la réjouissante compilation de textes arabes médiévaux, établie par René Khawam, qui relatent les coups tordus que des princes font à leurs ennemis ou à leurs sujets, mais aussi les arnaques, les forfaitures et autres duperies, que se réservent les simples particuliers. Mètis était la divinité grecque qui inspirait à Ulysse ses stratagèmes. On pense que Poros, l'Astuce — le daimon dont parle Platon dans Le Banquet —, est son fils. Satan, lui, est le dieu sémite qui aime à saboter les desseins du Très-Haut et à séduire ses créatures. À ce sujet, parmi les chapitres les plus amusants et, sans doute, parmi les plus édifiants, on lira «L'égarement des Chrétiens»(p.p. 124-125). Je résume. Jésus tente de faire croire à une petite foule qu'il est le fils de Dieu et qu'il apporte la concorde entre les hommes. Le Diable et ses complices ont pris place parmi les gens. Tandis que le premier feint l'enthousiasme, les seconds, se faisant passer pour de bons fils d'Israël, crient à l'hérésie. S'ensuit une engueulade générale. Et Whab Ibn Mounabbih, le narrateur, de conclure que, dès lors, «les gens se divisèrent en trois sectes, chacune croyant quelque chose qui différait de ce que croyaient les autres.»

jeudi 9 novembre 2023

L'Amour N°4


Dans la toute dernière édition de la revue de Frédéric Pajak, vous ne trouverez que de bons textes, avec de belles illustrations de dessinateurs et de peintres. Ma modeste contribution s'intitule: Orwell contre la littérature. J'y rappelle que l'auteur de 1984 plaçait la politique plus haut que l'art littéraire, considérait que les écrivains devaient être des propagandistes de gauche, plagiait sans vergogne Zamiatine, Connolly, Koestler, haïssait Swift — qu'il aurait bien enfermé dans un asile pour avoir écrit une œuvre d'un humour désespéré et désespérant: Les Voyages de Gulliver.

Orwell contre la littérature est la préface du recueil de textes paru aux éditions Louise Bottu: De l’écriture politique comme un art.

 

lundi 6 novembre 2023

L'amour dure 1h 15, spectacle de Frédéric Beigbeder


Une jolie camarade de classe embrasse Lenny pendant la récréation. Ils ont cinq ans. Elle lui dit qu’elle l’aime. Le soir, Lenny demande à son père, Frédéric Beigbeder, de l’éclairer sur la nature de cet étrange sentiment, l’amour. Leur conversation a-t-elle duré 1h15? C’est en tout cas le temps du spectacle pendant lequel Frédéric Beigbeder offre au public des «lectures sentimentales». Je dis «offre» car, assis dans un fauteuil club, vêtu d’un costume gris anthracite, portant une cravate à la Jean d’O, il nous régale d’extraits de romans, de poèmes, de lettres d’écrivains, de textes de chansons aussi émouvants que lucides. Sans la moindre lassitude, nous l’écoutons citer Houellebecq, Molière, Shakespeare, Musset, Baudelaire, Albert Cohen, Bukowski, Sagan, lui-même, et d'autres. Beigbeder cause, aussi, oscillant entre cynisme et autodérision, en vrai humoriste — non comme ces comiques qui nous accablent de leurs vannes. Un moment, il invite l’auditoire à un quiz. Qui reconnaîtra ce passage d’une œuvre, l’auteur de cette tirade, de ce billet d’amour? Le gagnant a droit à un «shot» de vodka. La marque? Le Philtre. Une production familiale. Pour les lettrés, une allusion, bien sûr, à Tristan et Iseut. Cette heure et quart doit aussi son chic au talent d’Émile Fournier, jeune pianiste qui ponctue le monologue de Beigbeder en jouant et fredonnant quelques mesures de standards de crooners. En regardant ce spectacle, je songeais que Beigbeder était tout le contraire de Luchini. Pas de cabotinage, pas de cuistrerie, pas de mégalomanie. Juste la simplicité du charme d’un éternel amoureux du peuple féminin et de la littérature.                


 

samedi 4 novembre 2023

Claire leçon de géopolitique (suite)


 Les bombardements sur Gaza ne sont pas juste des bombes, mais, bien sûr, des bombes justes.