vendredi 7 février 2014

Augustinisme balnéaire


«Combien de fois, mon Dieu, mîtes-vous mon âme à l’épreuve en plaçant de gracieuses créatures sur le chemin qui la menait à Vous. Combien de fois y ai-je vu non pas une exhortation à résister à la concupiscence, mais à y succomber. En me perdant, je me disais que c’était par tant de séduction que se manifestait aussi Votre gloire créatrice.»

Saint Augustin


samedi 1 février 2014

Lettre à Pierre L.


Clément Rosset, Néo-Mexique, juillet 2013

Cher Pierre L.,
Sur votre suggestion, je viens de regarder La Grande Librairie, l’émission de François Busnel. Vous avez raison: Robert Misrahi n’est qu’un triste sire, aussi est-il bien naturel que son petit pensum soit préfacé par Michel Onfray, un type encore plus sinistre que lui. Vous vous demandez quel public le pataquès conceptuel de cet olibrius peut séduire et convaincre. Soyez persuadé que, quand elles liront le titre du produit — La joie d’amour, pour une érotique du bonheur —, nombre de bonnes femmes sous-cultivées et en déficit de séduction se précipiteront dessus. L’ayant feuilleté, elles le rangeront sur une étagère de leur bibliothèque consacrée au thème de l’épanouissement personnel, entre un bréviaire de spiritualité œcuménique de Frédéric Lenoir et un traité de méditation de Matthieu Ricard, et, sans doute, à côté d’un manuel de philosophie appliquée à la vie quotidienne de Roger-Pol Droit — surnommé par ses confrères du journal Le Monde: Roger Poule-Mouillée. Comme vous l’avez remarqué, Clément Rosset semblait perdu sur ce plateau au milieu de ces cuistres bien-pensants et verbeux, l’un prenant la pose du héros attendant la mort, l’autre nous expliquant comment il s’est débarrassé de la peur et nous invitant à suivre son exemple, un autre encore, la face barrée d'un rictus haineux, osant ramener son imbitable science de l’amour. Vous déplorez qu’il ait eu moins de temps de parole que les autres. C’est vrai. Mais Rosset n’en pensait pas moins. Ce n’est donc pas grave. Vous, moi, d’autres happy few qui lisent Rosset depuis longtemps, nous savons que rien n’égale l’humour de ses ouvrages pour aérer une atmosphère intellectuelle chargée de moraline. Nous formons une secte de je-m’en-foutistes de qualité et, comme disait Oscar Wilde, «dans un siècle où l’on ne prend au sérieux que les imbéciles, nous vivons dans la terreur de n’être pas incompris». 

À vous, F.S.              





mardi 21 janvier 2014

Causerie


«[…]Je suis né en 1956 — l'année où Cioran publie La Tentation d’exister. Une croyance africaine prétend que naître c’est remplacer un mort. De qui, alors, sommes-nous le successeur ou le succédané? Impossible de le savoir. Tout au long de notre vie, les mânes d’un être inconnu collent à notre carcasse. Elles ne se détachent de nous que lorsque nous mourons et sans doute ne s’anéantissent-elles qu’à ce moment-là. Je ne saurais dire si je portais un fantôme en moi en venant au monde. En revanche, celui de mon père me hante depuis plus de quarante ans. Il a disparu de ma vie quand j’avais neuf ans — corps et âme. J’ai derrière moi un demi siècle de tristesse, ce qui représente une honnête carrière de philosophe sentimental […]».
In Le Charme des penseurs tristes  


samedi 11 janvier 2014

Niccolo per sempre


«Quand j’étais en grâce auprès du prince et qu’il me prêtait le crédit dû aux conseillers désintéressés, je l’avais dissuadé de céder à son premier mouvement de faire arrêter ce buffone insolent qui amusait les rues de Florence en jouant des fables satiriques et irrévérencieuses de son invention. Je lui montrai que le peuple semblait apprécier l’insolence du larron et, qu’au lieu de le courroucer en le privant de ces petits spectacles malpropres, il était plus sage de lui laisser penser que sa majesté, soucieuse du bien être de ses sujets, était satisfaite de le voir y prendre plaisir. Ayant admis que le remède serait pire que le mal et qu’il y avait plus grande sûreté à ce que la plèbe se divertît au détriment de sa personne plutôt qu’elle s’en prît à son gouvernement, mon maître laissa donc le pendard s’adonner à ses farces jusqu’à ce que son public finît par s’en lasser.»

Nicolas Machiavel
(Lettres à Giacomo Martini)


lundi 16 septembre 2013

Invitation



Chers amis en villégiature à Biarritz,

Vendredi prochain, le 20 septembre, dans l'après-midi, vous prendrez un verre à l’Hôtel du Palais. Vers 17H30, il sera temps de regagner sans vous presser la promenade de la Grande Plage et d'y flâner en direction du rocher du Basta. Il fera soleil. Vous pourrez admirer des surfeurs évoluer sur une houle de nord-ouest(taille: un mètre en hausse). À la terrasse de Dodin, vous tournerez à gauche. Vous traverserez le boulevard du Général De Gaulle. Vous rejoindrez la rue Gardères. Vous vous arrêterez à la hauteur du Bookstore. Comme vous aurez le temps,vous y entrerez et demanderez à Inès, Christelle ou Aurélia, l’une des trois grâces de la librairie, le dernier livre drôle et émouvant de l’ami Dominique Noguez Une année qui commence bien (Flammarion). En sortant, vous traverserez prudemment l’avenue Edouard VII. Interdiction de lever les yeux sur la vitrine de la maison Henriet. Il suffit de regarder le chocolat — en vente libre !— pour sombrer aussitôt dans une incurable dépendance. Vous remonterez l’avenue de Verdun sur deux ou trois cents mètres. À droite, à l’angle de la rue Ambroise Paré, vous apercevrez l’élégante médiathèque de Biarritz. Vous en pousserez les portes. Vous demanderez où se trouve la salle des conférences. Je vous y attendrai. Il sera 18h00. Nous pourrons alors deviser du charme des penseurs tristes.