Étant donné le succès de fréquentation que rencontre ce blogue en raison de sa nouvelle rubrique, l'auteur a le plaisir d'en offrir à ses lecteurs empressés un deuxième volet — en rapport, comme ils le verront, avec le premier.
De même qu’en matière d’idéologie économique on parle à présent de néo-libéralisme, il faut désormais parler en matière de mode philosophique de néo-hédonisme.
Cependant, si les néo-libéraux exaltent un mercantilisme plus radical que les anciens défenseurs du capitalisme, les néo-hédonistes, en revanche, prônent, eu égard aux antiques Cyrénaïques, aux modernes Libertins, ou, tout bonnement, aux actuels activistes de la fête, une conception du plaisir des plus riquiqui.
D’abord, les néo-hédonistes retardent sur leur temps.
Alors que les fanfares de l’Amour et les défilés de la fierté gay rameutent à chaque saison des milliers d’agités du postérieur; alors que les jeunes filles se dénudent toujours plus sur les plages; alors que des clubs de fitness ouvrent partout en ville; alors que les boîtes échangistes se remplissent à mesure que les églises se vident; alors que la pornographie s’impose à la télévision comme un programme normal; alors qu’il est partout question de la bonne bouffe et du bon vin; bref, alors que l’époque sacralise tous les plaisirs du corps, ces gens prétendent que nous nous mortifions sous le pouvoir d’institutions puritaines. À l’évidence, les néo-hédonistes parlent de leur propre misère sensuelle et érotique. Sans doute vivent-ils dans des campagnes reculées où, en fait de débauche, on s’adonne à des bals de villages, des banquets paroissiaux, des tournois de belote.
Ensuite, les néo-hédonistes sont complexés.
Comme l’époque est à la libération des désirs et comme, on le devine, ils appréhendent de donner l’image de tristes sires ou de bonnes femmes coincées, les néo-hédonistes cherchent à ne pas faire tache dans la fête. D’où la seule jouissance à leur portée : célébrer une philosophie des plaisirs en parfait accord avec leurs incurables frustrations — ce qui, bien sûr, ne fait que les souligner.
Enfin les néo-hédonistes sont timorés.
Leur épanouissement libidinal compte moins que le qu’en-dira-t-on. Au cas où leur revendication pourtant toute théorique du plaisir les ferait mal voir auprès de leurs voisins les plus attardés, au cas où ils passeraient aux yeux des gendarmes et de monsieur le curé pour des pervers ou des sybarites sans foi ni loi, les néo-hédonistes s’abritent derrière une maxime de Chamfort trouvée dans un catéchisme philosophique à l’usage des populations rurales : « Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale.» Comme ils souffrent d’un riquiquisme de l’entendement, cela les arrange, bien sûr, de confondre « morale » et « hédonisme ». Car tout hédoniste véritable sait bien qu’il est impossible de jouir sans faire du mal et de faire du mal sans jouir.
J'ai longtemps hésité entre souffrir et faire souffrir, aucun rapport ("amoureux", "sexuel", "amical", ... ) ne pouvant déroger à cette règle. Peut-être, à une certaine époque, était-il possible de s'extraire de cette affaire en se transformant en vieux chinois, mais il est devenu difficile de fuir en pleine forêt sur son buffle étant donné qu'il n'y a plus ni forêts ni buffles.
RépondreSupprimerBref, après toutes ces années de réflexion, je puis enfin vous faire parvenir le résultat de mes travaux ainsi que ma conclusion: j'alterne.
Sur le chemin revigorant de Philippe Muray qui nous manque fort, cher Frédéric Schiffter....
RépondreSupprimerMerci de m'avoir conseillé en outre le délicieux opuscule d'Eric Vartzbed qui m'a fait encore plus apprécié mes vacances.
Cordialement.
En gros, si je vous comprends bien, le "riquiqui" est l'impuissance à assumer pleinement la philosophie dont on se réclame. De même que les Juifs qui se revendiquent comme Juifs parlent de "juifs honteux" à propos de certains Juifs qui hésitent à s'affirmer comme tels, Onfray serait, selon vous, un "nietzschéen honteux" et les néo-hédonistes des "hédonistes honteux" ?
RépondreSupprimerPierre Dubost
C'est, en gros, comme vous dites, cher Pierre Dubost, ce que je pense d'une certaine forme de riquiqui.
RépondreSupprimerTout est une question de fréquence, de réciprocité et de dosage : en cas de doute, demander conseil au vieux Chinois ou à un vieux rabbin.
RépondreSupprimerGrandiose !
RépondreSupprimerQui rit ? Qui ? Tous, sauf les Riquiquis !
Ou à un vieux rabbin gay ou à un vieux sage chinois gay. Car il paraît qu'un gay qui répugne à se dire totalement gay est qualifié de "honteuse" par ses homologues décomplexés, juifs et chinois, ayant fait leur cauminguoute.
RépondreSupprimerBonjour Cher Frédéric.
RépondreSupprimerOu encore, à un catholique, gay ou pas. Car l'auto-flagellation qui est l'auto-sanction de la honte, est quand même bien leur spécialité.
Personnellement, je les comprends un peu ces hédonistes-honteux, c'est si bon parfois, la honte..
Doctor Schiffter, selon vos recommandations, les œufs de l’Orée, impeccablement emballés, sont tous arrivés intacts à la Plantation Del Sur.
RépondreSupprimerEn ce moment, notre Directeur des Ressources Humaines, accueille le Marquis de Sade, dernier invité du congrès d’avant-saison sur le thème de la Grande Santé Balnéaire.
Aujourd'hui, j'alterne donc entre mon robot de piscine le matin, le match du Deportivo Tenerife l'après midi et le soir, il faudra bien essayer de satisfaire une clientèle « muy exigente ».
Très cher Alfonso,
RépondreSupprimerN'oubliez pas que le divin marquis aime à disputer des tournois de ping-pong avec de jeunes "chicas" y "mozos" après avoir effectué quelques longueurs dans la piscine. Veuillez lui préparer la meilleure table et lui réserver, pour ses bains de soleil, le plus confortable des transats. Prêtez-lui le mien, si nécessaire. Le marquis est un de mes patients les plus VIP, ne l'oubliez pas.
Merci de votre serviabilité
Saluez pour moi votre robot,
Hasta luego,
Doctor Schiffter
Bonjour matinale Corinne,
RépondreSupprimerJ'aime bien votre image de la honte comme fessée qu'on inflige à son désir. Une ou deux tapettes pour la forme, d'accord. Plus, quand même, non.
Ah ! Alfonso,
RépondreSupprimerJ'ai oublié de vous remercier pour la commande des œufs passée auprès du seigneur de l'Orée. Le directeur de La Plantación, Monsieur Vasquez, me signale qu'ils viennent de lui être livrés à l'instant et que Monsieur de Sade pourra en gober deux à son réveil, juste avant sa séance matinale de fitness.
Vous êtes un homme précieux.