lundi 27 juillet 2020

En vacances chez moi



L’ami Carlos Pardo, en villégiature estivale, m’envoie cette photographie prise sur son itinéraire. «Bien sûr, m’écrit-il, je n'ai pas suivi la direction Philosophie indiquée sur le panneau sachant qu’elle aboutit à une impasse.» Carlos est un sage. 
Personnellement, cet été, je n’irai nulle part. J’habite dans un endroit où bien des gens feraient des bassesses pour passer des vacances. J’évite la foule dans la journée. Je ne vais à la plage que tôt le matin, vers 8h, ou en début de soirée vers 20h. Je rate le spectacle des jolies en bikini, mais je profite d’un large espace, d'une gigantesque distanciation sociale. À ces deux moments de la journée, le soleil est amical. Entre-temps, je reste chez moi, à l’abri, en compagnie de mes deux ventilateurs au souffle discret mais efficace. Je lis. Je mets la dernière main à mon factum qui paraîtra en novembre. Je dors. Pour parodier mon cher Ecclésiaste, je dirais que, pour moi, il y a un temps pour me baigner et un temps pour me chauffer sur le sable, un temps pour surfer et un temps pour lézarder sur ma terrasse, un temps pour lire et un temps pour m’assoupir, un temps pour écrire et un temps pour rêvasser face au parc, un temps pour faire un tour des plages en Vespa et un temps pour faire la sieste. J’ajoute qu’il n’y a jamais rien de nouveau dans ma vie sous le soleil de la côte basque, mais que pareille routine existentielle me procure un souverain bien qui vaut mieux que la pompeuse béatitude des philosophes. Au moins est-il accessible sans ascèse. La Schiffterina me dit que les dieux me punissent de mon pessimisme en me condamnant à une dolce vita. Je sais qu'elle est dans leur secret et qu'elle me dit la vérité. 

samedi 4 juillet 2020

L'à-quoi-bonisme, philosophie indépassable de tous les temps


Chers visiteurs de notre page. Nous vous rappelons que notre édition de L’Ecclésiaste se trouve dans les bonnes librairies de France et, bien sûr, de Biarritz et de Bayonne. On peut aussi commander l'ouvrage directement chez Louise Bottu (clic). En cliquant sur CLAC, on lira la chronique que Roland Jaccard consacre à ce chef-d’œuvre d’à-quoi-bonisme.  

mercredi 1 juillet 2020

Un été sans Antoine Compagnon



Toujours pour les besoins de mon libelle à paraître en novembre, je lis les Souvenirs de Tocqueville qui retracent les tumultes de 1848 dont il fut le témoin direct. Il n’y a pas une page qui ne me fasse penser aux passages de L’Éducation sentimentale, quand Flaubert y décrit les journées de février — ou de juin, j’ai oublié. De Tocqueville j’avais lu, au temps de mes années de flâneries universitaires, De la Démocratie en Amérique. L’ouvrage m’avait grandement intéressé mais j’en avais surtout retiré un grand plaisir de lecture, comme on dit. Tocqueville mêlait avec maestria les genres du récit de voyage, du journal, de l’observation sociologique, de la remarque philosophique. En lisant les Souvenirs, je découvre un satiriste de haute volée. Il y dépeint Lamartine en ambitieux en butte à la bêtise et à la brutalité des factieux, les poussées et les coups de mou de la fièvre révolutionnaire, la grandiloquence des orateurs qui veulent rejouer 1789, l’indécision des prolétaires, les volte-face des gardes nationaux, bref, la tragicomédie du désordre. Aux abonnés de mon blog qui se trouvent en panne de lecture pour la période à venir mais en ont leur claque de passer un été de plus avec Antoine Compagnon, je conseille donc ce livre d’une grande puissance romanesque et politique. En voici un échantillon: «Je fus abordé, au milieu de ce tumulte, par Trélat, révolutionnaire du genre sentimental et rêveur, qui avait conspiré en faveur de la République pendant tout le temps de la monarchie, du reste, médecin de mérite qui dirigeait alors un des principaux hôpitaux de fous de Paris, quoiqu'il fût un peu timbré lui-même. Il me prit les mains avec effusion et, les larmes aux yeux: ”Ah ! monsieur, me dit-il, quel malheur et qu'il est étrange de penser que ce sont des fous, des fous véritables qui ont amené ceci! [Trélat parle de la dissolution de l’Assemblée décrétée par l’extrême-gauche quelques minutes plus tôt] Je les ai tous pratiqués ou traités. Blanqui est un fou, Barbès est un fou, Sobrier est un fou, Huber surtout est un fou, tous fous, monsieur, qui devraient être à ma Salpêtrière et non ici.” Il se serait assurément ajouté lui-même à la liste, s'il se fût aussi bien connu qu'il connaissait ses anciens amis. J'ai toujours pensé que dans les révolutions et surtout dans les révolutions démocratiques, les fous, non pas ceux auxquels on donne ce nom par courtoisie, mais les véritables, ont joué un rôle politique très considérable. Ce qu'il y a de certain, du moins, c'est qu'une demi-folie ne messied pas dans ces temps-là et sert même souvent au succès.» Un livre qui décrotte l'esprit et rafraîchit la mémoire.