jeudi 5 mars 2015

L'irréprochable esprit voltairien


On dit que depuis les attentats de janvier dernier, les Français redécouvrent l’«esprit voltairien». Le Traité sur la tolérance s’arracherait dans les librairies. Heureusement qu'ils ignorent le Dictionnaire philosophique (clic). J'ai en mémoire l’article «Juifs» qui y occupe une bonne dizaine de pages et dans lequel Voltaire déroule des amabilités à l'encontre — dixit — du "peuple chéri de Dieu". En voici un bref extrait choisi pour sa modération:  
"[…]Vous demandez ensuite si les anciens philosophes et les législateurs ont puisé chez les Juifs, ou si les Juifs ont pris chez eux. Il faut s’en rapporter à Philon: il avoue qu’avant la traduction des Septante les étrangers n’avaient aucune connaissance des livres de sa nation. Les grands peuples ne peuvent tirer leurs lois et leurs connaissances d’un petit peuple obscur et esclave. Les Juifs n’avaient pas même de livres du temps d’Osias. On trouva par hasard sous son règne le seul exemplaire de la loi qui existât. Ce peuple, depuis qu’il fut captif à Babylone, ne connut d’autre alphabet que le chaldéen: il ne fut renommé pour aucun art, pour aucune manufacture de quelque espèce qu’elle pût être; et dans le temps même de Salomon ils étaient obligés de payer chèrement des ouvriers étrangers. Dire que les Égyptiens, les Perses, les Grecs, furent instruits par les Juifs, c’est dire que les Romains apprirent les arts des Bas-Bretons. Les Juifs ne furent jamais ni physiciens, ni géomètres, ni astronomes. Loin d’avoir des écoles publiques pour l’instruction de la jeunesse, leur langue manquait même de terme pour exprimer cette institution. Les peuples du Pérou et du Mexique réglaient bien mieux qu’eux leur année. Leur séjour dans Babylone et dans Alexandrie, pendant lequel des particuliers purent s’instruire, ne forma le peuple que dans l’art de l’usure. […] Enfin vous ne trouvez en eux qu’un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent." Et de conclure: "Il ne faut pourtant pas les brûler." Là, on retrouve Voltaire.