"On sait que, selon Sartre, les différents modes d'existence se définissent essentiellement par le regard d'autrui, toujours aliénateur, qui les fige, les glace, et les “choséifie“. […]Ainsi, il n'y a pas, en soi, de Jaunes ou de Noirs de par le monde, mais certains Hominiens auxquels l'Hominien occidental a répété inlassablement : “Tu es le Jaune-pour-autrui-dans-le-monde“, ou “Tu es le Noir-pour-autrui-dans-le-monde“, jusqu'à ce que ces malheureux hommes aient fini par se persuader qu'ils étaient bien réellement, qui le Jaune, qui le Noir.
Ainsi en a-t-il été des Chimpanzés. À force de s'entendre répéter à travers les grilles : “Toi, tu es un Chimpanzé“, le primate en est arrivé à se constituer véritablement comme Chimpanzé. […] C'est nous qui, par notre regard, avons posé les Chimpanzés en tant que Chimpanzés-pour-autrui-dans-le-monde. […] C'est parce que l'Hominien [occidental] bourgeois a toujours voulu regarder le Chimpanzé comme Chimpanzé, que le Chimpanzé s'est trouvé, en un mot, chimpanzéifié. […]Telle est notre œuvre. […] De Primates libres, nous avons fait des esclaves. Comment ne pas craindre, ne pas prévoir, ne pas comprendre, leur imminente révolte ?"
Clément Rosset
Lettre sur les chimpanzés
excellent
RépondreSupprimerEh bien, tout rossetiste que je puisse parfois être, je trouve cette charge pas spécialement amusante, pour ne pas dire balourde. Idem avec sa récente, indigente "folie sans peine".
RépondreSupprimerLes premiers et derniers opera de Rosset sont très nettement en dessous de ses textes "de la maturité", ceux des décennies 70 et 80 où il avait quelque chose à dire et savait aussi être drôle.
Je préfère lire Sartre, dont il ne faudrait peut-être pas oublier non plus qu'il écrivait très bien. La nausée et Les mots, bien sûr, mais aussi son recueil de nouvelles et certaines pièces de théâtre.
Les grands traités husserliens me parlent moins, et je le regrette plus que je ne n'en rigole bêtement.
Cdlt,
Un rabat-joie