mardi 19 juillet 2011

Get around !

Chers détracteurs,

Mon précédent article, Blabla à vendre, vous a fait couiner. Vous m’avez écrit des commentaires enragés et, comme souvent, charabiesques. J’en ai laissé passer un ou deux, j’ai censuré les autres.

Quel est mon crime, à vos yeux ? D’être effectivement ce que, ouvertement, je déclare être, à savoir un philosophe sans qualités. Tout se passe comme si je devais démentir ce que j’affirme, faire un effort et correspondre à l’idée que vous vous faites d’un philosophe digne de ce nom — semblable à l’un de ces camelots tel que j’en parodie la posture magistrale dans mon petit récit.

Je ne sers aucun baratin édifiant et lénifiant — ce que vous appelez une éthique —, autant dire que je ne me paye la tête de personne, mais, pour cela même, vous m’en voulez.

Ce que vous désirez, c’est être bluffés et qu’on vous bluffe. Vous cherchez un maître qui vous fasse avancer dans la connaissance de vous-mêmes afin que vous puissiez atteindre à la béatitude, à la connaissance intellectuelle de Dieu, à l’ataraxie, à la surhumanité, aux grandes vertus, turlututu. Comme si vous étiez des individus intéressants à connaître, même à vos propres yeux ! Vous vivez de manière indécente en dessous du seuil de pauvreté intellectuelle. Quelle cible de choix vous faites pour les marchands de sagesse !

Si vous aviez ouvert les Essais de Montaigne vous sauriez que, dès la première page de son œuvre, le bonhomme écrit ceci à l'adresse de son lecteur : "[Dans ce livre], je n'y ai nulle considération de ton service". Autrement dit, en version longue pour les durs de la jugeote : "Lecteur, mon livre ne sert à rien, ni à personne. Il ne t'apprendra ni à vivre, ni à mourir, ni à atteindre le bonheur, etc. Je laisse cela aux habiles doctrinaires qui ont toujours un vaste public de jobards pour les admirer et les croire. Mes essais consistent en une conversation. Un bavardage entre toi et moi. Cela te plaît ? Tant mieux. Cela te défrise ? Tant pis."

Voilà, chers détracteurs, pourquoi vous ne retirerez rien d'utile de mes divagations. Montaigne était mon aïeul. Mon maître en désinvolture.

Et maintenant, dansons sur ce vieux hit !

Salutations balnéaires !




14 commentaires:

  1. "Je ne pourrais croire qu'en un philosophe (ou un Dieu, mais c'est un peu pareil) qui saurait danser."

    Vous ne parviendrez pas, M'sieur Schiffter, à nous "débluffer" (on tient tant à l'être).

    Et vous avez raison, quel pied de danser ! Quelle béatitude ! Quelle connaissance de soi on atteint quand on lâche le corps en oubliant de penser !

    A quand votre prochain opuscule ?
    D'avance, j'achète ! ;-)

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  2. un épicurien19 juillet, 2011

    Je pensais justement à votre petit récit en lisant Nietzsche ce weekend.
    Je ne peux m'empêcher de partager cela avec vous :

    "La médiocrité est le masque le plus heureux que puisse porter l'esprit supérieur, parce qu'elle ne fait pas penser la grande foule, c'est-à-dire les médiocres, à un déguisement. Et c'est pourtant bien à cause d'eux qu'il le met, pour ne pas les irriter, souvent par pitié et bonté."
    (extrait du Voyageur et son ombre)

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  3. "Pitié et bonté" : vous vous reconnaissez, M'sieur Schiffter ?

    En tout cas, si c'était "pour ne pas les irriter", c'est raté !

    Votre bonté vous perdra, moi j'vous dis.

    Allez, j'remets des sous dans le juke-box :
    http://www.dailymotion.com/video/x22n1z_the-beach-boys-fun-fun-fun-age-tend_music

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  4. JLuc FLorIn19 juillet, 2011

    Soutien inconditionnel et sans réserve.

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  5. Allez, on remet ça :
    http://youtu.be/Grj7sjQ0_p4

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  6. En fait, quand on visionne les youtioube signalés par Vincent et Boris, on s'aperçoit que ce sont les Beach Boys qui incarnent la version la plus jubilante de l'hédonisme. Merci aux autres visiteurs pour leur mot aimable.

    One more : http://www.youtube.com/watch?v=TCeD_6Y3GQc

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  7. D'ailleurs, le troisième en partant de la gauche, ce ne serait pas Michel Onfray ?

    Le déhanché léger, le "doo wap" allègre, le sourire éclatant, on s'y tromperait !
    :D

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  8. Si vous voulez m'en croire, continuez à relire Montaigne et Lucien de Samosate ( je doute que la lecture du "Manifeste du parti communiste", vous agrée autant, mais "L'éloge de la paresse" de Lafargue est marxiste aussi, après tout!!),

    à nous régaler de textes comme celui qui a provoqué quelques... vagues -cela vous a-til vraiment étonné?-,

    et pour le reste, cher Frédéric Schiffter, vous savez que les chiens aboient et que la caravane passe...

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  9. Cher Frédéric,

    Je n'appartiens nullement à la cohorte, semble-t-il, virulente et hostile de vos détracteurs.

    J'observe simplement qu'un désaccord avec vous, relatif à la posture nihiliste et à son rapport au réel, au tragique donc, a eu raison à vos yeux de "la qualité" de mon blog.

    Dans l'impermanence générale, il y a donc d'autres "philosophes sans qualités" capables de penser hors de tout programme éthique.

    Heureusement, notre différence, quant à l'intuition et la place du réel, n'épuise pas l'intérêt que je peux porter à vos écrits, à leurs indéniables blandices ; écrits que je continue de recommander par ailleurs.

    Amitiés atomistiques et "joyeuse" dé-route au bord de l'abîme.

    Didier Karl (Démocrite)

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  10. Cher Didier Karl,

    J'ai tenté à maintes reprises, le ouiquinde dernier, de laisser des remarques sur votre blogue. Aucune n'est passée. En revanche, celles des autres interlocuteurs s'affichaient. J'en ai donc conclu que vous m'aviez blaquelisté — ce qui, pensai-je, était peut-être une façon de débattre chez les joyeux de vivre, c'est-à-dire exclusivement entre soi.

    Mais mettons cela sur le compte de mon inaptitude à manier l'ordinateur.

    Ce sentiment d'avoir été barré venait aussi de la lecture d'un de vos commentaires intitulé " Le nihilisme, une posture réactive ?", dont j'avais trouvé le ton hostile.

    Vous aviez dégainé le marteau nietzschéen : "Hé, le nihiliste, t'assumes pas le tragique ! Va donc, hé, réactif!". Le ton était moins virulent, mais tel était le sens.

    Je voulais donc vous dire, dans mes commentaires, que ce changement de registre de votre part me peinait un peu, et, par-delà cet affect, vous demander aussi comment vous vous y preniez, vous, le non-réactif, l'affirmateur, pour assumer, sans que cela fût posture ou pose, le tragique et l'impermanence de votre existence.

    Si vous pouvez assumer la perte d'un être cher, la dégradation des choses que vous trouvez belles, votre propre vieillissement, etc., si nulle tristesse n'altère jamais votre joie d'exister, alors êtes-vous, en effet, vachement fortiche — animé, veux-je dire, de cette belle force majeure dont parle l'ami C. Rosset, puissance gracieuse inexplicable, etc.

    En attendant, quand un mortel me dit que le tragique le rend joyeux, je m'interroge sur la nature de son rapport pathétique — ou affectif — au réel qui n'est rien d'autre que hasard, temps, mort. Car j'ai la faiblesse de penser que nous n'éprouvons de la joie que lorsque le hasard fait bien les choses pour nous et, en attendant que le pire se produise, lorsque le temps et la mort nous épargnent.

    Mais ce doit être une pensée faible. Quel débat, dès lors, peut-il y avoir entre une grande santé comme la vôtre et un valétudinaire dans mon genre ?

    Je vais regougueuliser votre blogue.

    Bien à vous,

    FS

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  11. Enfin un hôte qui n'a aucun souci de notre bien, ne cherche nullement à nous édifier, ne nous promet rien.
    C'est cela qui rend la lecture de ce blog fort réjouissante.
    Accords ou désaccords sur tels ou tels points en deviennent très secondaires.

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  12. pathetique,la prestation des Beach boys,avant hier, sur la scene de Patrimonio.
    la seule chose qui tenait encore a peu pret debout,c'était la planche à voile.
    on pense meme qu'ils chantaient en play-back
    une belle allegorie de l'hedonisme !

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  13. Ainsi peuvent finir, en effet, les hédonistes des plages, cher Monsieur le Corse : avec une bouée de gras autour du bide.

    Voilà pourquoi une de mes devises est : Nulla dies sine abdominaux.

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  14. Curieux de nature (l'étonnement philosophique?), je suis allé voir le champ de bataille de la grande controverse entre nihilisme et spinozisme joyeux, mais comme je n'y ai pas bien compris tous les énoncés dans leur intégralité, certes dense sémantiquement à coup sûr, loin de moi l'idée iconoclaste et soupçonneuse d'en douter, c'est ici que je reviens, encore un peu étourdi et pantois, ici où je trouve un langage toujours clair et qui à défaut d'optimisme rayonnant et plein de sève, respire néanmoins un atticisme tonifiant aussi, pour formuler quelques remarques, seraient-elles anodines voire insanes:

    j'avoue ne pas bien comprendre en quoi un monde même immonde diffère profondément d'un réel, chaotique et absurde ou non, l'oncle Arthur ne devait pas bien l'avoir compris non plus sinon il aurait intitulé autrement son ouvrage principal ( par ailleurs écrit m'a-t-il semblé avec un souci d'élégance et de clarté rare chez un philosophe à qualités).

    Je suppose qu'a joué LA VOLONTE d'introduire un concept nouveau -concept d'humeur combative mais ludique-, en l'occurrence; pourquoi pas s'il est parlant, et perso je trouve qu'il l'est, beaucoup même;

    ce détail est cependant anecdotique: car ce que je comprends encore bien moins, et pour le coup je ne blague plus, vraiment moins, c'est comment la joie peut se nourrir du tragique; il est vrai que non seulement je ne suis pas nietzschéen, mais pas spinoziste, pas même plus généralement philosophe ni théologien avec ou sans qualités propres;

    mais diable que je vous plains, "tonnerre de Brest, quel langage suis-je obligé d'employer là!", cher Frédéric Schiffter, de devoir vous coltiner des codes linguistiques comme celui de Hegel dans "La Logique", pour prendre un exemple certes extrême cette fois, au lieu de pouvoir vous ébattre tout à loisir au milieu de révélations et d'illuminations plus rimbaldiennes!!

    En particulier ceux d'esprits brillants qui comme Spinoza s'appliquent à fonder rationnellement des absolus et à démontrer géométriquement que les inconciliables ne le sont pas, et que par exemple la mort est vivante, les individus ne comptant pas, qu'ils le veuillent ou non:

    puisque certains d'entre eux -un peu masochistes sur les bords?- en arrivent grâce à des circonvolutions conceptuelles riches en qualités à cette conclusion, laquelle indéniablement ne manque pas d'abnégation et d'OUBLI de soi!...

    Bien qu'athée résolu, j'avoue trouver pour ma part plus de réalisme dans "Le sentiment tragique de la vie" du pourtant très catholique Unanumo...

    Bien à vous.

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