Quiconque se regarde dans son miroir avec l’attention d’un peintre expressionniste, voit un crâne qui s’essaie à des mimiques sous le masque d’une chair provisoire et comprend qu’avoir forme humaine est en soi une exagération. Il y voit aussi, peut-être, l’image d’un prochain trop proche qui lui sort par les yeux et dont il désire anéantir la présence. Geste difficile, à en croire Sylvia Plath, qui, lassée de cohabiter avec elle-même dans sa « cloche de détresse », aurait aimé se suicider à la manière d’un philosophe romain, en s’ouvrant les veines dans un bain chaud, mais recula devant la glace à pharmacie de sa salle de bain. « Quand il fallut passer à l’acte, écrit-elle, la peau de mes poignets semblait si blanche, si vulnérable, que je ne pus me résoudre à le faire. C’était comme si ce que je voulais tuer ne résidait pas dans cette peau blanche, ou sous le léger pouls bleuté qui palpitait sous mon pouce, mais quelque part ailleurs, plus profondément, plus secrètement, beaucoup plus dur à atteindre. » Que le rasoir n’atteigne pas l’être qu’il faut saigner, voilà qui confirmerait la croyance en l’immatérialité de l’âme, mais ce serait négliger l’efficacité létale du gaz domestique combinée avec l’absorption de barbituriques.
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Frédéric tel qu'on l'aime. Loin des vaines querelles.
RépondreSupprimerRassurez-vous, ce n'est pas un jugement, pas plus un exercice d'admiration. Juste un acquiescement à la profondeur du propos.
Avant de me suicider je demande qu’on m’assure de l’être,... clic-clac
RépondreSupprimerLe hasard, cette providence des imbéciles, faisait que j'étais en train de lie La cloche de détresse quand j'ai appris
RépondreSupprimerSalut des îles, cher Frédéric
"avoir forme humaine est en soi une exagération"
RépondreSupprimerj'aurai dit plutôt:
avoir forme humaine est en soi une exaspération
Se suicider, c'est se tromper de cible.
RépondreSupprimerC'est voir un ennemi où il n'y a que des pensées.
La vérité ne se suicide pas.
A Cioran : non, l'ami, ça n'est pas "l'idée du suicide qui sauve" , mais plutôt qu'il n'y a "rien à perdre à vivre" qui empêche un tel acte.
Et puis, dire " s'assassiner " conviendrait mieux.
Ceci étant dit, personne ne choisit ses pas ni son trépas, on fait tous ce qu'on peut pas s'empêcher de faire.
La non-vie efface tout ce que la vie a écrit.
D'ici là, sourions, puisqu'il n'y a rien à perdre !
Se suicider ? c'est se prendre trop au sérieux !
J'ai pas décidé de venir, je déciderai pas de la façon de partir. Ni avantage ni inconvénient, à être né.
Dire deux trois mots, et s'en aller.
Ce que cette jeune femme cherche à tuer, n'est-ce pas le réel, le tragique que son reflet ne masque pas tout à fait ? Ce réel qui aura, en dernière instance, sa peau ?
RépondreSupprimerNe sont-ce pas cette même candeur de la peau, cette étonnante vitalité de la chair, sa propre palpitation qui la sauvent...provisoirement ?
Vérité et puissance d'un corps ont eu raison d'une intention, peut-être aussi d'une intuition.
N'est pas Chamfort qui veut.
Amitiés