vendredi 16 février 2024

La Belle et son Éveilleur


  Dans le numéro de Madame Figaro du 9 février dernier, Hélène Frappat déclare lors d’un entretien: «La Belle au Bois dormant […] évoque en fait le viol d'une femme plongée dans le coma.» Intrigué, j’ai repris le texte de Perrault. Hélène Frappat a une mémoire qui lui joue des tours, me suis-je dit. Dans le passage qu’elle incrimine, il appert en réalité que la belle endormie, une fois sortie du sommeil, consent à toutes les emprises, si je puis dire, du Prince, l’éveilleur de ses sens. Lisons, plutôt: 

"[Le Prince] entra dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus excitant spectacle qu'il eût jamais vu: une Princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat juvénile avait quelque chose de lubrique et d’abandonné. Il s'approcha, le membre priapique, le cœur battant, et s’allongea sur elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s’éveilla; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre: «Est-ce vous, mon Prince? lui dit-elle. Foutre! Vous vous êtes bien fait attendre! » Le Prince charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance; il l'assura qu'il la désirait comme la plus dévergondée des catins. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage; peu d'éloquence, beaucoup de fougue. Il était cependant moins enfiévré que la Princesse, et l'on ne doit pas s'en étonner; elle avait eu le temps de songer à toutes les voluptés qui lui avaient été soustraites, car il y a apparence (l'Histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne Fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes impudiques.» 

Quand on me fit lecture, enfant, de ce conte de Perrault, il me vint des images évocatrices. Cet auteur, avec, plus tard, Sade, m'a beaucoup appris sur le désir féminin.

2 commentaires:

  1. Quinze ou seize ans ? ! Houlà !!! Va finir au bûcher le Perrault ...

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  2. Cher Frédéric,

    Bonjour.
    Il y a trois jours, j'ai montré votre blog à une connaissance qui ne jure que par certains philodoxes orwelliens de gauche (dont nous tairons ici les noms pour ne point les flatter davantage).
    La réaction de cet homme fut celle d'une bonne femme hargneuse. Outré, il m'a dit que ça ne l'étonnait pas que j'aime votre littérature car dixit : "Tout comme lui, tu es un sale type infréquentable".

    Ca m'a fait un bien fou que cet idiot me dise ça. Hier, j'ai fait la méthode "Cioran". J'ai passé quatre heures à le buter textuellement, seul, assis à mon bureau. Du coup, après une bonne nuit de sommeil : aujourd'hui fut une excellente journée. Ma vie est belle, Frédéric. Parce que vous en faites aussi partie.

    Merci à vous d'être là, de demeurer entier, sincère face à l'abrutissement général.
    Cordialement,

    Pierre-Henri

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