samedi 19 juillet 2014

Ad usum mei — 38


Entre des travaux mercenaires pour le compte de Philosophie Magazine et du Nouvel Obs qui m’ont tous deux recruté afin d’écrire des articles sur Montaigne — devenu depuis quelques étés un penseur pour juilletistes et aoûtiens —, entre ces travaux, donc, et mon séjour sur la Costa Brava, j’ai négligé mon blogue — ce qui n’a aucune importance. Je préfère lire. En ce moment, un livre me ravit. Il s’agit de Je ne renie rien(Stock), une série d’entretiens que Françoise Sagan donna à divers chroniqueurs littéraires au long des années 1956-1992. J’ai sans doute tout lu d’elle. Ses romans, ses pièces de théâtre, ses essais. Là, dans ce recueil, chaque page est un régal d’humour et de philosophie simple — la seule qui vaille pour avoir été inspirée par des lectures, des rencontres décisives, des accidents de voiture, des semaines d’hôpital et des chagrins d’amour. Je contresignerais tous les propos de Sagan ou ses formules. Celle-ci, par exemple: «Ceux qui peuvent regarder la vie sans peur me font peur», ou celle-là, si savoureuse sur les lèvres d’une jusqu’au-boutiste de la mélancolie : «J’aime beaucoup la vie, nous avons des flirts très poussés». Et dire que quantité de pédants lui ont préféré Margueritte Duras…  Pour oublier cette bonne femme de lettres, dégustons un autre aphorisme de Françoise: «Je me conçois plus insouciante que futile et, d’ailleurs, je préfère passer pour quelqu’un de futile que pour une intellectuelle résolue.»    


6 commentaires:

  1. Les deux scandaleuses.
    Cher Frédéric Schiffter,
    J'ai un grande tendresse pour la Sagan, désenchantée, douée, délicieuse et drôle. Cette femme est du champagne et nous monte à la tête.
    Mais je suis aussi celle qui lit les livres de Marguerite Duras. Je suis de ceux et celles qu'elle bouleverse, et c'est au-delà de la raison.
    Et mince, me voilà peut-être détractée par ses détracteurs, avant, pédant, et après. Je ne me pensais pourtant pas sortie de la cuistre de Jupiter.
    Certes, il faut vraiment beaucoup l'aimer, Marguerite Duras, pour l'aimer, sinon, ce n'est pas possible, on ne peut pas la supporter (pour pasticher une de ses phrases).
    Il faut avoir comme une case de vide, non protégée, non verrouillée, pour laisser résonner en soi ce qu'elle dit du désir, de l'ennui, de la solitude, de la folie. Une case aveugle et sourde, qui en a cependant la mémoire, où la vérité peut se dire, vérité dont on a oublié qu'on la savait intimement.
    Les deux scandaleuses, l'aérienne et la souterraine, ne disent pas, n'écrivent pas la même chose.
    On peut les aimer toutes les deux, et même l'une plus que l'autre. Ou bien aimer les nuages qui passent là-bas, les merveilleux nuages.
    Alors, comme Dominique Autier, je pourrais dire que non, « on ne dit pas devant moi du mal de Marguerite Duras. C'est comme ça, sinon je me fâche ». Mais je peux aussi me dire que ceux qui raillent Marguerite Duras au prétexte qu'elle déraille, ont de bonnes raisons, dont des raisons vraisemblablement intimes et inconscientes. Et après tout, ça les regarde.
    Bien à vous,
    Catherine

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    1. Chère Catherine,

      J'ai aimé le Barrage , uniquement. Tout le reste m'a semblé de l'afféterie. Son article dans Libération dans quoi elle accusait Christine Villemin du meurtre de son fils — sans preuve, parce que l'hypothèse était romanesque à ses yeux — atteignit des sommets de bêtise et de méchanceté. Vous pouvez appeler cela dérailler.
      Jamais Sagan ne serait tombée là-dedans.
      Amicalement,

      FS

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    2. Dominique Autié, et non pas Autier, pardon.
      Catherine
      PS : Quand elle écrit son « sublime, forcément sublime Christine V.», je crois que son propos est moins d'accuser Christine V. que de se mettre à ses côtés, du côté du crime, du côté de la folie des mères. Si on se détache de l'histoire réelle, le texte est beau, bouleversant même.
      Mais il faut être un peu fou soi-même pour la défendre sur ce coup-là, je vous l'accorde.

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  2. « Les gens ne croient plus à la mort. ils croient à l'usure.» → Françoise Sagan

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  3. Inoubliable Sagan..

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  4. Duras est à la perversion ce que Sagan est à la candeur.
    Pourquoi chercher à les comparer ?

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