Même si le négationnisme philosophique qui assiège mon blogue résiste à toute épreuve de lecture de Nietzsche en raison de je ne sais quelle forme de berlue appelée nietzschéisme de gauche, je produis néanmoins ci-dessous le cruel § 34 du Crépuscule des idoles.
« Chrétien et anarchiste. Lorsque l’anarchiste, comme porte-parole des couches sociales dégénérées, réclame dans une belle indignation, le ”droit”, la ”justice”, les ”droits égaux”, il se trouve sous la pression de sa propre inculture qui l’empêche de comprendre pourquoi au fond il souffre — en quoi il est pauvre en vie… Il y a en lui un instinct de causalité qui le pousse à raisonner: il faut que ce soit la faute à quelqu’un s’il vit mal à l’aise… Cette ”belle indignation” lui fait déjà du bien par elle-même, c’est un vrai plaisir pour un pauvre type de pouvoir injurier : il y trouve une petite ivresse de puissance. Déjà la plainte, rien que le fait de se plaindre peut donner à la vie un attrait qui la rend supportable: dans toute plainte il y a une dose raffinée de vengeance, on reproche son malaise, dans certains cas même sa bassesse, comme une injustice, comme un privilège inique, à ceux qui se trouvent dans d’autres conditions. ”Puisque je suis une canaille tu dois en être une aussi”: c’est avec cette logique qu’on fait les révolutions. Les doléances ne valent jamais rien : elles proviennent toujours de la faiblesse. Que l’on attribue son malaise aux autres ou à soi-même — aux autres, le socialiste, à soi-même le chrétien — il n’y a là proprement aucune différence. Dans les deux cas quelqu’un doit être coupable et c’est là ce qu’il y a d’indigne, celui qui souffre prescrit contre sa souffrance le miel de la vengeance. Les objets de ce besoin de vengeance naissent, comme des besoins de plaisir, par des causes occasionnelles: celui qui souffre trouve partout des raisons pour rafraîchir sa haine mesquine […] Le chrétien et l’anarchiste — tous deux sont des dégénérés. — Quand le chrétien condamne, diffame et noircit le monde, il le fait par le même instinct qui pousse l’ouvrier socialiste à condamner à diffamer et à noircir la Société : Le ”Jugement dernier” reste la plus douce consolation de la vengeance, — c’est la révolution telle que l’attend le travailleur socialiste, mais conçue dans des temps quelque peu plus éloignés... L’ ”au-delà” lui-même — à quoi servirait cet au-delà, si ce n’est à salir l’ ”en-deçà” de cette terre ?»
Je comprends tout à fait, Schiffter, que le nietzschéisme de droite s'en prenne au nietzschéisme de gauche au nom de son propre révisionnisme (nous sommes d'accord : c'est plutôt une manie de droite)... j'apprécie l'engagement ici à droite. Mais j'en reste à quelques interrogations philosophantes : si je ne me trompe, un antichristianisme radical est bien le fait d'une philosophie matérialiste, anti-contrerévolutionnaire et athéiste ? de plus : un nietzschéisme de droite d'inspiration droitière (sans être la variante nazie de la chose bien sûr) correspond bien à l'idée d'une pensée conservatrice, religieuse, métaphysique d'abord et traditionnelle (germanique-romantique en première instance)?
RépondreSupprimerVous êtes sûr que Nietzsce lui-même n'aurait pas plutôt ri de toutes ses dents face à la fiction droite de la force (relisez ce qu'il dit des antisémites) ? un nihilisme ne peut en aucune manière être un nietzschéisme puisqu'une basse misanthropie ne peut jamais constituer un amor fati , une position et une démarcation, une affirmation de la vie etc... le nietzschéisme malheureux n'est pas nietzschéen... vraiment lisez le pauvre Alexandre Lacroix en son "Quand j'étais nietzschéen", vous y verrez un conformisme bourgeois nihiliste regretter son ex-"nietzschéisme de gauche" avec grande beuverie et hyppisme... le pire du nietzschéisme de droite, c'est la conversion ! Lacroix est la preuve vivante d'un impossible nietzschéisme de droite "sans foi ni loi" (quel trip !) : la droite c'est l'ordre, la gauche c'est l'hommerie nietzschéenne et rimbaldienne. La preuve : je tiens le bon bout.
Alain Jugnon
Pauvre(s) Boubouroche...
RépondreSupprimerJe me souviens de cette émission de France-Culture où Clément Rosset exprimait avec malice (est-il malicieux, en plus, celui-là...) qu'on pouvait peut-être guérir les aveugles, mais sûrement pas ceux qui ne veulent pas voir... Et j'ai bien peur que ces négationnistes, comme vous les appeler, sachent depuis longtemps ce que vous leur mettez sous le nez aujourd'hui...
Bon dimanche à vous...
Cher Frédéric, pour aller dans le même sens :
RépondreSupprimerDans le dernier hors-série de Philosophie magazine intitulé Les philosophes face au nazisme, un très bel article est consacré à Nietzsche. Il est signé par Yannis Constantinidès : Nietzsche le subtil. En voici un minuscule extrait :
« C’est un art en effet de lire de travers, et les nazis n’ont pas été les premiers à l’exercer avec zèle dans le cas de Nietzsche. Les récupérations pour le moins osées de sa pensée débute très tôt : l’ironie de l’Histoire est que des socialistes, des anarchistes et même des féministes se sont réclamés de lui avant que le nazisme ne se l’approprie. Aujourd’hui encore, certains veulent voir en lui, contre toute évidence, un promoteur de la démocratie ou un hédoniste, lui le quasi-ascète ».
Autre lien : (fichier pdf de 22 pages)
www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=APHI_642_0301
Il s’agit d’un extrait d’un ouvrage de Brigitte Krulic, Nietzsche penseur de la hiérarchie, sorti en 2002.
Cher Jugnon,
RépondreSupprimerNous avons encore ceci en magasin pour conforter votre délire, un texte sur l'internationalisme prolétarien de Nietzsche :
« C'est un songe creux de belles âmes utopiques que d'attendre encore beaucoup de l'humanité dès lors qu'elle aura désappris à faire la guerre (voire même de mettre tout son espoir en ce moment-là). Pour l'instant, nous ne connaissons pas d'autre moyen qui puisse communiquer aux peuples épuisés cette rude énergie du camp, cette haine profonde et impersonnelle, ce sang-froid de meurtrier à bonne conscience, cette ardeur cristallisant une communauté dans la destruction de l'ennemi, cette superbe indifférence aux grandes pertes, à sa propre vie comme à celle de ses amis, cet ébranlement sourd, ce séisme de l'âme, les leur communiquer aussi fortement et sûrement que le fait n'importe quelle gronde guerre: ce sont les torrents et les fleuves alors déchaînés qui, malgré les pierres et les immondices de toutes sortes roulés dans leurs flots, malgré les prairies et les délicates cultures ruinées par leur passage, feront ensuite tourner avec une force nouvelle, à la faveur des circonstances, les rouages des ateliers de l'esprit. La civilisation ne saurait du tout se passer des passions, des vices et des cruautés. - Le jour où les Romains parvenus à l'Empire commencèrent à se fatiguer quelque peu de leurs guerres, ils tentèrent de puiser de nouvelles forces dans les chasses aux fauves, les combats de gladiateurs et les persécutions contre les chrétiens. Les Anglais d'aujourd'hui, qui semblent en somme avoir aussi renoncé à la guerre, recourent à un autre moyen de ranimer ces énergies mourantes: ce sont ces dangereux voyages de découverte, ces navigations, ces ascensions, que l'on dit entrepris à des fins scientifiques, mais qui le sont en réalité pour rentrer chez soi avec un surcroît de forces puisé dans des aventures et des dangers de toute sorte. On arrivera encore à découvrir quantité de ces succédanés de la guerre, mais peut-être, grâce à eux, se rendra-t-on mieux compte qu'une humanité aussi supérieurement civilisée, et par suite aussi fatalement exténuée que celle des Européens d'aujourd'hui, a besoin, non seulement de guerres, mais des plus grandes et des plus terribles qui soient (a besoin, donc, de rechutes dans la barbarie) pour éviter de se voir frustrée par les moyens de la civilisation de sa civilisation et de son existence mêmes. »
HUMAIN, TROP HUMAIN (1878), I, § 477, Folio, 2004, p. 288.
A la lecture de vos livres, et aussi d'après la description que vous donnez de votre "style de vie", je vous trouve finalement, Monsieur Schiffter, bien plus pascalien (excepté pour le pari, dont je crois que vous vous tamponnez pour parler vulgairement!)que nietzschéen - même si au fur et à mesure de vos échanges avec AJ, chacun semble avoir sa version de ce qu'est d'être nietzschéen -. Me trompe-je?
RépondreSupprimerTout le folklore nietzschéen du surhomme, de l'éternel retour, de la volonté de puissance, m'indiffère. Je trouve cela grandiloquent. Ce qui me plaît, chez Nietzsche, c'est tel ou tel aphorisme ou remarque sur le hasard qui gouverne, si j'ose dire, le non-monde. Mais à côté de Pascal, c'est un lourdaud.
SupprimerQuelle pleureuse ce Nietzsch, et surtout quel cinéaste, je ne connais pas les anars qu'il a fréquenté, mais j'en connais beaucoup qui ne se plaignent jamais. Mais bon, pour justifier sa prétention il lui aura fallu faire un choix...
SupprimerJugnon,
RépondreSupprimerJe vous cite des passages entiers de Nietzsche et rien que de Nietzsche considérant qu'il faut s'en tenir à ce qu'il a écrit pour le comprendre, et vous, vous me citez Maurras, Deleuze ou Troudeballe pour accréditer vos couillonneries sur un nietzschéisme de gauche ou de droite.
Je vous demande depuis des semaines de me citer un texte, non: une phrase où Nietzsche défend l'idée de justice sociale, de démocratie, de socialisme, d'humanisme, etc. Je dis bien UN TEXTE DE NIETZSCHE et non d'autres auteurs derrière lesquels vous vous abritez pour, finalement, affabuler à votre aise, forger un Nietzsche imaginaire.
Et n'allez pas raconter que si Nietzsche défend la guerre et l'esclavage — entre autres joyeusetés libertaires — c'est une erreur de lecture due à de vielles traductions.
Comment donc, vous, Jugnon, interprétez-vous ces deux paragraphes du CRÉPUSCULE et de HUMAIN, TROP HUMAIN? Dites-moi en quoi ils sont, selon vous, libertaires, démocratiques, révolutionnaires?
Avant de réfléchir à la question : Nietzsche est-il de gauche, il faut lire "Deleuze, un penseur de droite", "Derrida, ou le crypto-réactionnaire" et "les dérives droitières de Foucault", tous ces essais sont édités chez Vrin. Le conservatisme de ces philosphes (et même celui de Badiou) est analysé avec brio. Bien entendu, il faut abandonner une lecture passéiste de ces auteurs, lecture qui se contente de croire à ce qui est écrit. C'est à la lumière de la pensée de John Klosswoski qu'il faut, désormais, aborder la pensée de Deleuze et consorts.
RépondreSupprimerPatrice Jean
"il faut abandonner une lecture passéiste de ces auteurs, lecture qui se contente de croire à ce qui est écrit" - c'est une ironie un peu trop bien maîtrisée : j'ai failli tomber dans le sens littéral !
SupprimerSauf que là Schiffter vous faites de la politique sans le dire et le savoir (vous n'arrêter plus de dire et penser droite/gauche, c'est dingue alors !)et que mon but n'est évidemment pas de jouer au montage de textes de Nietzsche puisque somme toute c'est ce qu'a fait la soeur Nietzsche pour prouver que le nietzschéisme est de droite nazie : je sais le nietzschéisme de gauche (pas le temps de recopier les références-textes de ma thèse, tellement il y en a - donnez moi une adresse postale et je vous envoie mon "Nietzsche et Simondon", promis) et je vous laisse croire en votre "nietzschéisme" puisque c'est la droite qui chez Nietzsche vous fait rêver... je vous répète que vous pouvez tout à fait être un nietzschéen de droite, cela vous regarde et fait de vous un philosophe... le nihiliste souvent cache un idéaliste ascétique. Je vous laisse Baudelaire si vous voulez à droite mais je gagne Rimbaud à gauche toute (en avant route) et les vaches philosophiques seront bien gardées.
RépondreSupprimerAlain Jugnon
Je ne vous demande pas un bouquin, Jugnon, mais UNE PHRASE référencée de Nietzsche. Vous ne me la donnez pas. J'en conclus — mais je m'en doutais — qu'un nietzschéen de gauche n'a jamais lu Nietzsche.
SupprimerQuant à mon idéal, je n'en cache rien puisque, avec la meilleure volonté du monde, je n'en ai jamais eu. J'aime la plage, le surf, les surfeuses, la sieste. Cela suffit à ma béatitude. Les poètes et les philosophes viennent après, bien après. La politique est un divertissement de nabots. Je méprise les gens de droite et les gens de gauche. Un libertaire est un con. Un libéral une crapule. Un démocrate-chrétien une brèle. Un communiste un clébard. Un fasciste un étron. Je suis le dilettante non pas solaire, mais bronzé. Je pèse à cinquante-cinq ans le poids que j'avais à vingt ans, les abdominaux bien sanglés et vous ne pouvez pas en dire autant.
Une dernière chose: quand Rimbaud rejoignait les Communards, Nietzsche venait de faire le siège de Paris avec ses amis libertaires et internationalistes prussiens coiffés de casques à pointe.
Schiffter,tout de même ! vous y allez fort ! il faut savoir : vous êtes philosophe ou vous n'êtes pas philosophe ? dire "Tout le folklore nietzschéen du surhomme, de l'éternel retour, de la volonté de puissance, m'indiffère" c'est juste démontrer que si vous lisez Nietzsche en surfant vous ne l'étudiez pas comme un grand philosophe digne de ce nom et que tout philosophe doit avoir étudié de près : ces trois concepts nietzschéens "éternel reour", "surhumain" et "volonté de puissance" sont bien évidemment l'essentiel du nietzschéisme et ce qui fait qu'il peut y avoir un nietzschéisme : ces concepts ont été pensés, travaillés, réfléchis par Deleuze, Derrida, Foucault, Klossowski, Jaspers, Colli, Heidegger... sérieusemet vous ne lisez Nietzsche que parce qu'il aimait bien les moraliste français et mangeait des pizzas à Turin avant d'aller à la plage ?!
RépondreSupprimerAJ
Affirmatif. Le Nietzsche qui me plaît c'est le solitaire qui flâne le long de la plage de Nice, qui ira au bordel le soir, lira en rentrant dans son gourbi un chapitre de Maupassant et, un peu plus tard dans la nuit, en proie à ses démons métaphysiques un rien pompeux, reprendra la rédaction de son imbitable Zarathoustra — Nietzsche est un gros cul à côté de Rimbaud.
SupprimerQuant à Deleuze, Derrida, Foucault, Heidegger, et autres docteurs en fumeroles structuralo-ontologico-rhizomo-déconstructionnistes, j'en lis toujours une page — cela suffit — pour m'endormir en cas d'insomnie. Rien de tel que la différance pour vous plonger sans délai dans un voluptueux coma.
En attendant, vous ne répondez pas à ma demande. Vous en êtes incapable.
Alors là, Schiffter, bravo !
RépondreSupprimerAutant tout nous oppose, dans l'ordre des caractères et donc des visions du monde, autant là je cosigne tout que vous avez écrit de : « Quant à mon idéal » jusqu'à « vous ne pouvez pas en dire autant. » (Si l'on ne barguigne ni sur le genre de surf, ni sur le genre de sieste... )
À vrai dire, je regrette de ne pas l'avoir écrit moi-même.
La plage est grande…
Salutations.
R.C. Vaudey
Cher Vaudey,
RépondreSupprimerConcernant la sieste, toutes les options me vont, même les moins sensuelles.
Cher Schiffter,
RépondreSupprimerJe cosigne tout pareillement tout ce que vous dites de Nietzsche, et la façon dont vous aimez à vous l'imaginer.
Pour le reste, je voyais bien l'usage que l'on pouvait faire de ceux que vous citez, pour caler une table bancale : j'en découvre l'usage somnifère ; je m'en souviendrai.
Dans les discussions précédentes, on avait découvert le culturisme cultureux, la gonflette culturique et l'hercule de foire (des livres) philosophique…
Vous vous en tenez au classique et sobre : cul-de-plomb. Vous avez raison : vous êtes un gentleman.
Si vous l'ignoriez, laissez-moi vous faire connaître cette réflexion d'Oscar Wilde :
« Si un homme est un gentleman, il en sait toujours assez long, et s'il ne l'est pas, il peut bien savoir tout ce qu'il veut, cela ne peut que lui nuire. »
Bien à vous.
R.C. Vaudey
Post-scriptum. Pour la sieste : évidemment.
Vie d’chien de gauche,
RépondreSupprimerVie d’chien de droite,
Un collier, une laisse.
Tout ça pour des croquettes,
Ou juste sur la tête une caresse.
Indigent, indigeste.
Bien vu, V. !
SupprimerCher Schiffter, comment voulez-vous que je sois capable de répondre publiquement à votre demande si vous m'interdisez de répondre publiquement selon ma pensée et ma conscience ? on fait comme ça en surf sur la vague, on glisse pour mieux trancher net ?
RépondreSupprimerAlain Jugnon
Jugnon,
SupprimerJ'attends que vous répondiez à ma demande: me citer une phrase (référencée) de Nietzsche qui défende l'idée de justice sociale et juridique, d'humanisme, de démocratie, de socialisme, d'anarchie, etc.
Tant que vous me débiterez des deleuzeries, des batailleries, des maurasseries, et autres foutaises je ne publierai pas vos commentaires.
Je suis bon bougre, Schiffter. Faites-vous plaisir ! lisez enfin et comprenez le démocratisme nietzschéen en découvrant sa conception de l'individuation psychique et COLLECTIVE grâce aux textes référencés ci-dessous :
RépondreSupprimer"Il s'agit de créer des êtres souverains capables d'embrasser l'ensemble d'un coup d'œil et d'assister en spectateurs au jeu de la vie, partenaires tantôt ici, tantôt là sans y être trop violemment engagés. Il faut que ce soit à eux que revienne finalement la puissance, à eux qu'elle soit confiée, parce qu'il n'en feront point un usage violent, exclusivement appliquée à un seul but"
NIETZSCHE, Fragments posthumes, tome V, 11(145), Gallimard, 1977/1978.
"Quand on place le centre de gravité de la vie non dans la vie, mais dans "l'au-delà" - dans le Néant - on enlève du même coup tout centre de gravité à la vie; le grand mensonge de l'immortalité personnelle détruit tout ce qui, dans l'instinct, est nature et raison. - Tout ce qui, dans les instincts, est bienfaisant, propice à la vie, promesse et garant d'avenir, éveille alors la méfiance"
NIETZSCHE, L'Antéchrist, § 43, trad. Hémery, Gallimard, 1990.
"Je vous enseigne l'ami, en qui le monde est tout prêt, il est une enveloppe du bien. Je vous enseigne l'ami qui a toujours un monde à prodiguer. Et de la façon dont le monde s'est déroulé pour lui, il s'enroule de nouveau, concentriquement, comme le devenir du bien à travers le mal, comme le devenir des fins à travers le hasard. L'avenir et ce qu'il y a de plus lointain, que ce soit pour toi la cause de ton aujourd'hui: dans ton ami, tu dois aimer le surhumain comme la cause de toi-même. "
NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, "De la voie du créateur", Livre de poche, 1983.
Alain Jugnon
"Nous autres, qui souhaitons restituer son innocence au devenir, nous voudrions être les missionnaires d'une pensée pure: celle que personne n'a donné à l'homme ses qualités, ni Dieu, ni la société, ni ses parents et ancêtres, ni lui-même, - que personne n'est rendu responsable de ce que quelqu'un est au monde, de ce que quelqu'un est tel et tel, de ce que quelqu'un est né en de telles circonstances, dans un tel milieu. - C'est un grand réconfort qu'un tel être n'existe pas...(...) Il manque toute instance, toute fin, tout sens, à quoi attribuer, en nous déchargeant, le fait que nous sommes, et sommes ainsi et pas autrement. Et surtout: personne ne le pourrait: on ne peut pas juger, jauger, comparer ou nier le tout.(...) Il n'y a rien hors du tout.(...) En cela réside l'innocence de toute existence"
RépondreSupprimerNIETZSCHE, Fragments posthumes, op.cit.., Tome XIV, 15 (30).
"Tâche : voir les chose telles qu'elles sont! Moyen : pouvoir les observer avec mille regards, à partir de nombre de personnes! C'était faire fausse route que de mettre l'accent sur l'impersonnel et de n'admettre pour morale que la vision conforme au regard du prochain. Beaucoup de prochains et beaucoup d'yeux et voir par maints et maints yeux personnels - voilà ce qu'il faut."
NIETZSCHE, Fragments posthumes, tome IV, 11 (65).
"Le Moi n'est pas l'affirmation d'Un être face à plusieurs (instincts, pensées etc.), au contraire, l'ego est une pluralité de forces personnalisées dont tantôt l'une tantôt l'autre passe au premier plan en qualité d'ego et considère les autres de loin, comme un sujet considère le monde extérieur qui influe sur lui et le détermine. Le sujet est instable, nous ressentons probablement le degré d'intensité des forces et des instincts comme proximité ou éloignement, et nous interprétons pour nous-même sous la forme d'un paysage, d'une plaine, ce qui est en réalité une multiplicité de degrés quantitatifs. L'élément le plus rapproché, nous l'appelons "moi" de préférence à ce qui à ce qui est plus lointain, et accoutumés à la désignation imprécise "moi et tout le reste, ", nous faisons instinctivement, de l'élément dominant momentanément, tout l'ego, nous repoussons l'ensemble des tendances plus faibles dans une perspective plus lointaine et nous en faisons un "Tu" ou "ça" complet. Nous nous traitons comme une pluralité et transportons dans ces "rapports sociaux" toutes les habitudes sociales que nous avions envers les hommes les animaux les pays les choses. Nous nous déguisons, faisons peur, formons des factions, représentons des procès, nous agressons nous-même, nous torturons, nous glorifions, faisons de tel ou tel de nos traits de caractère notre dieu ou notre diable et nous montrons aussi déloyaux et aussi loyaux que nous avons coutume de l'être en société. Ramener tous les rapports sociaux à l'égoïsme? Parfait : mais pour moi il est également vrai que toutes les expériences intérieures égoïstes doivent être ramenées à nos attitudes acquises et apprises vis-à-vis des autres. Aurions-nous par hasard un seul instinct qui ne nous implique pas dès l'origine dans un rapport avec d'autres êtres, comme la nutrition ou l'instinct sexuel? Ce que les autres nous apprennent, ce qu'ils veulent de nous, ce qu'ils nous disent de craindre ou de rechercher, voilà le matériel initial de notre esprit : les jugements des autres sur les choses. C'est eux qui nous fournissent l'image de nous-mêmes par rapport à laquelle nous nous évaluons, nous nous sentons plus ou moins contents de nous!"
RépondreSupprimerNIETZSCHE, Fragments posthumes, tome IV, 6 (70).
"Qui veut embellir les choses selon son idée doit faire comme le poète qui veut embellir une pensée: il la serre dans le mètre, et tend sur elle le tissu du rythme : il doit détériorer un peu la pensée pour qu'elle aille dans le vers. Détériorer la connaissance afin de plier les choses à l'art : un secret de bons vivants."
NIETZSCHE, Par-delà le bien et le mal, § 56.
Si c'est vous, Jugnon, qui avez posté ces passages, je ne vois pas qu'ils prônent la démocratie ou la justice sociale: ils n'évoquent même pas ces thèmes...
SupprimerHors sujet : 0 au Bac philo !
SupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerDeux citations d'Onfray très instructives à mon sens :
Traité d'athéologie, p65 : "Être nietzschéen – ce qui ne veut pas dire être Nietzsche comme le croient les imbéciles – exclut de reprendre à son compte les thèses majeures du philosophe au serpent : le ressentiment, l'éternel retour, le surhomme, la volonté de puissance, la physiologie de l'art et autres grands moments du système philosophique. Nul besoin – quel intérêt ? – de se prendre pour lui, de se croire Nietzsche, et de devoir endosser, puis assumer toute sa pensée. Seuls les esprits courts imaginent cela."
Même opus, même auteur, vingt-cinq pages plus loin : "À la manière de marxistes qui se croient tels et nient la lutte des classes, puis abandonnent la lutte du prolétariat, nombre de juifs, de chrétiens et de musulmans se fabriquent une morale sur mesure qui suppose, à leur convenance, le prélèvement dans le corpus pour constituer une règle du jeu et une appartenance communautaire au détriment de la totalité de leur religion."
What else...
Nicolas Boudin
Cher Nicolas Boudin,
SupprimerMerci pour ce commentaire grâce auquel on apprend que, d'après Onfray, être nietzschéen ne veut pas dire se recommander des concepts essentiels de Nietzsche mais que, cela va de soi, la chose est impossible quand on se dit marxiste.
Nietzschéen sans Nietzsche, oui. Marxiste sans Marx, non.
Reste à savoir ce que signifie être nietzschéen sans "les thèses majeures du philosophe au serpent: le ressentiment, l'éternel retour, le surhomme, la volonté de puissance, la physiologie de l'art".
Cela me rappelle un célèbre couteau sans lame dont a égaré le manche.
Bien à vous,
FS
Ces échanges sur le Nietzscheisme me rappellent la partie d'echecs épistolaire entre Gossage et Vardebedian narrée (brillamment) par Woody Allen dans son livre "Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture". L'échange, courtois au début, se termine bien sûr par des noms d'oiseaux
RépondreSupprimerVous vous trompez. Je n'ai pas du tout été courtois envers Jugnon — même si je lui ai permis de dérouler ici ses fadaises. D'emblée je l'ai présenté comme un senõrito. http://lephilosophesansqualits.blogspot.com/2012/02/aspect-actuel-et-particulier-du.html
SupprimerLa Chauve-souris et les deux Belettes
RépondreSupprimerUne Chauve-Souris donna tête baissée
Dans un nid de Belette ; et sitôt qu'elle y fut,
L'autre, envers les souris de longtemps courroucée,
Pour la dévorer accourut.
"Quoi ? vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire,
Après que votre race a tâché de me nuire!
N'êtes-vous pas Souris ? Parlez sans fiction.
Oui, vous l'êtes, ou bien je ne suis pas Belette.
- Pardonnez-moi, dit la pauvrette,
Ce n'est pas ma profession.
Moi Souris ! Des méchants vous ont dit ces nouvelles.
Grâce à l'Auteur de l'Univers,
Je suis Oiseau ; voyez mes ailes :
Vive la gent qui fend les airs! "
Sa raison plut, et sembla bonne.
Elle fait si bien qu'on lui donne
Liberté de se retirer.
Deux jours après, notre étourdie
Aveuglément se va fourrer
Chez une autre Belette, aux oiseaux ennemie.
La voilà derechef en danger de sa vie.
La Dame du logis avec son long museau
S'en allait la croquer en qualité d'Oiseau,
Quand elle protesta qu'on lui faisait outrage :
"Moi, pour telle passer! Vous n'y regardez pas.
Qui fait l'Oiseau ? c'est le plumage.
Je suis Souris : vivent les Rats !
Jupiter confonde les Chats ! "
Par cette adroite repartie
Elle sauva deux fois sa vie.
Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeants
Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue.
Le Sage dit, selon les gens :
"Vive le Roi, vive la Ligue. "
"La grandeur tragique du philosophe, la fascination et l'extraordinaire richesse suggestive d'un auteur capable de repenser l'histoire entière de l'Occident et de se placer, bien au delà de l'actualité, sur le terrain de la "longue durée", tout cela n'apparaît clairement que si, en renonçant à nier ou à transfigurer en un innocent jeu de métaphores ses pages les plus inquiétantes ou les plus répugnantes, on ose le regarder en face pour ce qu'il est réellement : le plus grand penseur parmi les réactionnaires et le plus grand réactionnaire parmi les penseurs." Conclusion de "Nietzsche, philosophie réactionnaire. Pour une biographie politique" de Domenico Losurdo aux éditions Delga.
RépondreSupprimer"si je ne me trompe, un antichristianisme radical est bien le fait d'une philosophie matérialiste, anti-contrerévolutionnaire et athéiste ?"
RépondreSupprimerDans ce cas précis, effectivement vous vous trompez. Nietzsche était anti-chrétien ET contre-révolutionnaire. Et athée, cela reste à discuter. Pourquoi anti-chrétien? Pour lui substituer sa propre religion pour les millénaires à venir. Il faut faire place nette. La volonté de puissance remplace la volonté de dieu et l'éternel retour remplace le paradis ou l'enfer. Lou Salomé a très bien compris et analysé le côté prophétique du personnage. Et de toute façon qu'importe les idées d'un malade mental?
Johann
PS: recommandation de lectures :
Regards sur Nietzsche
Le syndrome de Nietzsche
Il rebelle aristocratico de Losurdo en italien qui fait le tour du personnage et le démythifie
"Cela me rappelle un célèbre couteau sans lame dont a égaré le manche."
RépondreSupprimerJ'adore! Et c'est exactement cela. Right on the nail.
D'ailleurs Onfray ment quand il prélève - lui aussi, et à tour de bras - ce qui l'arrange pour faire de Nietzsche qqn se sympathique. A l'écouter, ce serait même un décroissant et la conception nietzschéiste de l'esclave selon Onfray se résume au seul fait de n'avoir pas les 2/3 de son temps pour soi-même. Pur délire.
Johann
Quand lors de ces conférences, onfray parle de microfascisme en donnant des exemples concrets, je suis d'accord avec lui. Et je suis d'autant plus à l'aise pour dénoncer aujourd'hui son propre comportement microfasciste. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.
RépondreSupprimerNul besoin de commenter ceci :
http://www.youtube.com/watch?v=bCba0T1cnm0
Si ce n'est pour préciser que "imposture intellectuelle" != imposteur. Ce sont les idées qui sont attaquées, et ma foi, à juste titre.
Bref, merci pour l'effet Streisand.