lundi 24 février 2020

Facebook et moi





«L’expérience la plus ordinaire que nous faisons de nos semblables est une hostilité d’autant plus désarmante qu'elle repose sur de fausses raisons», écrit Sénèque à Lucilius. L’Ancien ne croit pas si bien dire. Un ami m’apprend que, sur Facebook, des loquedus bavent sur moi. En fait, ils se sont monté le bourrichon. Sur la foi d’un ragot émanant de je ne sais quelle cervelle malveillante, ils pensent que, sur ce réseau social, je serais quelqu’un d’autre — notamment une demoiselle dont Séguier, mon éditeur, a publié un album de dessins humoristiques. Il paraîtrait que, dans un premier temps, mes prétendus "posts", les faisaient frétiller d’hilarité, mais, dans un deuxième temps, qu’ils les rabaissaient ou encore heurtaient leur moralité. Une histoire de cornecul. La particularité de ce petit lynchage entre amis est qu'il coagule les haines à mon égard de professeurs de philosophie qui ne me connaissent pas et que je ne connais pas. Intrigué, je suis allé voir leur face sur le net. Le premier, Pierre Dupuis, qu’on pourrait surnommer Dugland, en raison de la morphologie de son crâne, me rappelle le charcutier de mon quartier. Le deuxième, Marc Alpozzo, qui édite ses chefs-d’œuvre à compte d’auteur, arbore une tête de déterré. Le troisième, Noé Roland, alias Noé Clectic, poéteux poussif, désireux de briser "mon" "jouet" (sic), lui dont le drame est justement de ne rien casser dans la vie, ni des briques, ni trois pattes à un canard, ne quitte pas ses pantacourts de randonneur. Le quatrième, Bruce Bégout, connu pour ses pensums orwelliens, fait penser à un vieux curé sale. Un cinquième, affublé du pseudonyme de Grégory Filo, se laisse pousser les joues. Mon ami m’a signalé d’autres lyncheurs, mais un regard sur ces cinq-là suffit pour que je me fasse une idée de la réelle cause du ressentiment qu'ils me vouent. Je ne leur en tiens pas rigueur tellement ce doit être un calvaire pour eux de se fader depuis leur naissance des physionomies aussi contrefaites. Je retiens le conseil que Sénèque prodigue à Lucilius: «La nature n’est pas également généreuse pour tous, aussi montre-toi indulgent envers ceux qui veulent se venger sur toi de sa parcimonie». 

7 commentaires:

  1. Avec le temps, j'avoue que, pour moi aussi, la nature se fait dure. Il faut dire que mes excès en tout genre, que je ne me résous pas à abandonner, n'arrangent rien. Je ne ressemble plus à celui que j'étais, à ce que je suis. Mon corps me trahi, devient doucement mais surement 'l'étranger" , le traitre. Je ne suis pas "moche" mais je ne me plais plus - je ne me désire plus. Moi et mon physique avons divorcé. Je n'entretiens plus avec moi, "à défaut d'admiration, qu'une tolérance bougonne" - pour paraphraser Nourissier.
    Je ne vous en tient pas pour autant rigueur :) Au contraire, je lis votre roman avec un vif plaisir. Et comme dirait votre ami Comte-Sponville : 'l'amour - ou l'amitié - c'est se réjouir de l'existence de l'autre". C'est vrai que la vie sans vous serait plus terne.
    Je vous salue cher Frédéric, et vive la vie douillette.
    M.

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    1. Merci, cher M. pour votre assentiment au concept de vie douillette. Laissons aux insensés celui de volonté de puissance.
      FS

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  2. Alfred Dalban28 février, 2020

    Ces quatre là ne sont pas très souriants, je préférai l'ancien piquet des brêles qui suscitait une certaine forme d'indulgence avec son coté gentil qui se fait marcher dessus par les femmes. La Schifftérina pense peut-être comme moi.
    Personnellement je ne lis que des écrivains beaux comme Matzneff ,Nicolas Fargues ou le plus beau d'entre tous Schiffter, ainsi que les lesbiennes sexy comme Constance Debré. Houellebecq me pose un cas de conscience, j'ai tendance malgré moi à placer ses livres à l'envers sur les étagères du bas avec ceux d'Annie Ernaux dont je ne suis pas fier mais c'était avant qu'elle débloque.

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  3. Oui, Frédéric, je ne sais plus qui a dit "Il y a des tronches qui sont des aveux". Tous moches. Pierre L.

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    1. Il y a des hommes laids que le talent sauve. Là, ce n'est pas le cas. La Fortune s'est montrée cruelle.

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  4. La hauteur d'esprit du jugement s'arrêtant sur le seul physique de ces énergumènes me laisse un peu perplexe... N'y a-t-il rien d'autre à critiquer chez eux?

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    1. Mon propos est assez précis: ces types ont des figures déprimantes et publient des choses sans intérêt. D'où leur hargne à mon égard comme si j'étais la cause de leurs disgrâces physiques et intellectuelles.

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