Sans
grand risque de me tromper, je puis affirmer que la directrice des ressources
humaines — DRH — est, avant même le prêtre et le policier, l’être le plus
méprisable. La raison pour laquelle elle suscite pareille répugnance tient au
fait qu’elle incarne LA bonne femme par excellence, soit une femme rongée par
la frustration, ayant borné sa vie amoureuse à la procréation, sa vie
sentimentale à la famille et qui se revanche de son déficit érotique dans le
travail. Rien n’est plus terrifiant que la bonne femme au travail. Car la bonne
femme ne travaille pas: elle s’investit
dans son travail persuadée que le devenir
de l’humanité en dépend. Comme elle représente une forme parfaite de soumission désirée, l’objectif du
capitalisme moderne est de faire en sorte que tous les salariés soient mentalement des bonnes femmes. On ne
peut donc s’étonner que le patronat, ou tout autre instance de domination,
recrute en majorité ses responsables des ressources humaines dans cette
catégorie de larbines zélées. La
Directrice des Ressources Humaines — DRH — n’inspire pas seulement le dégoût à
cause de son rôle d’exécutante des basses œuvres du management, et ce, au nom de la rationalité gestionnaire, mais
aussi pour ses opinions et ses goûts. Ses opinions: Il faut l’entendre répéter
avec veulerie le discours de ses maîtres selon quoi le code du travail relève
d’un archaïsme social, les chômeurs abusent de leurs droits à l’indemnité, les
retraités sont des nantis, les fonctionnaires, privilégiés en surnombre,
doivent être traités comme les employés du secteur privé — et autres propos d’une bêtise aussi péremptoire. Ses goûts: Appartenant à la classe
moyenne-moyenne mordant sur la frontière de la classe moyenne-supérieure, la
DRH veut compenser l’indigence livresque de ses diplômes par une culture générale.
L’ennui est que, comme elle ignore ce que signifie être une personne cultivée,
elle consomme sans discernement des produits de librairie dont l’emballage, totalement mensonger, lui garantit un bon niveau intellectuel. Une inspection rapide de sa
bibliothèque révèle la nullité de ses lectures. Là, sur ses étagères en bois
lasuré Ikea, ou Bois et Chiffons, elle a rangé les auteurs qui comblent sa
curiosité, répondent à ses interrogations, font écho à sa sensibilité de bonne
femme. Jean d’Ormesson, David Foenkinos, Delphine de Vigan, etc., pour la
littérature, Frédéric Lenoir, Matthieu Ricard, Christophe André, etc., pour la
spiritualité et le bien-être. Même si elle se charge de perpétrer la violence
patronale, la DRH pense qu’une âme libre loge en elle. Aussi lit-elle Michel
Onfray, le cuistre joufflu aux immondes lunettes, dont les ouvrages, conçus
pour dispenser d’étudier les philosophes, lui permettront de citer le nom de
l’un d’entre eux lors d’une réunion du staff
d’encadrement. Au fond, la DRH me
rappelle la figure, tant moquée quand j’étais lycéen, de la surveillante générale. Servile,
carriériste, inculte, elle est la surgé
du libéralisme.